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Commentaire d'arrêt, TA Montpellier, 16 juillet 2015, Crèche de Noël

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Par   •  3 Avril 2018  •  Commentaire d'arrêt  •  2 002 Mots (9 Pages)  •  989 Vues

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Commentaire d’arrêt Droit Administratif :
Crèche de Noël dans un lieu public
(TA Montpellier, 16 juillet 2015)


        « 
La Laïcité doit se comprendre comme l'édification d'un monde commun aux hommes sur la base de leur égalité et de leur liberté de conscience, assurée par la mise à distance de tous les groupes de pression. C'est pourquoi l'affirmation de la laïcité ne se construit pas contre le seul cléricalisme religieux, mais aussi contre toute captation ou mise en cause de la chose publique par des intérêts idéologiques ou économiques particuliers. C'est pourquoi également elle ne peut se réduire à une « neutralité d'accueil », mais appelle une culture du jugement rationnel, gage d'autonomie personnelle ». Cette citation du philosophe Henri Peña-Ruiz met en avant toute la complexité à cerner les valeurs de la laïcité. Le jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier le 16 juillet 2015 témoigne de la difficulté qu’il existe quant au rapport au principe de la laïcité au sein des établissements publics en France.         
        En l’espèce, une crèche de la nativité a été représentée dans le hall de la Mairie de Béziers. Suite à cela, M.G et l’association de la Ligue des Droits de l’Homme formulent une requête en contentieux pour excès de pouvoir contre le maire de Béziers. Les requérants  prétendent que le maire aurait violé l’article 28 de la loi de 1905, en méconnaissance des principes du texte, c’est-à-dire la liberté de conscience et la neutralité du service public.          
        Dans ce sens, M. G et la Ligue des Droits de l’Homme demandent, le 10 décembre 2014, au tribunal d’annuler la décision autorisant l’installation de la crèche dans le hall de la mairie de Béziers ainsi que de mettre à la charge de la commune une somme de 1.000€. La commune demande au tribunal, quant à elle, le 19 février 2015, de mettre à la charge des requérants la somme de 2.000€, en l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les conclusions de la partie requérante sont devenus obsolète car la crèche a été exposé entre le 1
e décembre 2014 et le 6 janvier 2015.          
        Le tribunal administratif a ainsi dû répondre à la question suivante : un service public peut-il installer une crèche de Noël dans ses locaux ?         
        Dans sa décision du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande des requérants en estimant que la crèche a « constamment été présentée que ce soit auprès du Conseil municipal, du préfet ou du public comme une exposition s’inscrivant dans le cadre d’animations culturelles à l’occasion des fêtes de Noël ». De plus, cette décision du maire d’installer une crèche n’entre pas dans le champ d’application de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905. De ce fait, le juge administratif n’a pas relevé une quelconque atteinte au principe de laïcité et de neutralité du service public.          
        A travers ce jugement du tribunal administratif, en date du 16 juillet 2015, il est en fait question de comprendre dans quelles mesures l’exposition du culte religieux peut-il avoir une intention culturelle au sein d’un service public ?         
        La décision rendue le 16 juillet 2015 par le tribunal administratif de Montpellier témoigne dans un premier temps         de l’existence        et de la volonté de souligner le principe d’égalité  dans le service public, en s’appuyant sur les principes de 1905 (I). Mais le principe de laïcité s’avère être complexe et peut être sujet à des interprétations parfois très étendues (II).          







I – Le principe fondamental d’égalité scrupuleusement appliquée au sein du service public        

        Le principe d’égalité qu’il doit exister au sein du service public doit son importance à différentes évolutions antérieures sur la question (A) et la jurisprudence qui a émané de cette question accorde une importance cruciale quant au rapport entre le maintien de l’ordre public et la laïcité (B).        
A – L’évolution jurisprudentielle primordiale du principe d’égalité dans le service public          

        Le service public a vocation à respecter, dans son fonctionnement, les principes de neutralité et d’égalité. Ce principe d’égalité tient compte du fait d’administrer sans tenir compte des convictions politiques ou religieuses. Les principes de Rolland sont basés sur l’égalité et la neutralité (CE, 18 septembre 1986) ; éléments qui ont désormais une valeur constitutionnelle. En effet, dans un arrêt du 27 juin 2008, le Conseil d’Etat évoque que la liberté d’expression religieuse est « un principe constitutionnel ». Dans l’arrêt Kherouaa (CE, 2 novembre 1992), le Conseil d’Etat avait fait valoir la primauté de la liberté d’expression au profit des usagers du service public, car un établissement d’enseignement public avait interdit le port de signes religieux.         Cependant, le Conseil Constitu- tionnel        a établi que le principe d’égalité n’oppose pas au fait que les situations peuvent être très différentes et qu’il revient au législateur de régler de façon indépendante les litiges relatifs au principe d’égalité dans le service public.        
        La reconnaissance de la liberté de religion a par la suite évolué, en émanant du principe de liberté d’expression religieuse. Ce principe est soutenu par l’article 10 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 qui dispose que « nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public ». P
our des raisons d'intérêt général et dans le respect de la loi, les différences de traitement sont possibles, mais elles ne doivent, en aucun cas être arbitraires ou discriminatoires. L'instrument de mesure repose sur la proportionnalité entre les moyens utilisés et les buts visés.        

B – Le rapport analogique entre la laïcité et le maintien de l’ordre public        

        Pour assurer le bon fonctionnement d’un service public, le tribunal administratif de Montpellier a dû constater si la mairie de Béziers veillait à maintenir l’ordre public en respectant le principe de neutralité.         Le tribunal administratif a rappelé qu’il était interdit « d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics […] » en vertu des articles 1
er et 28 de la loi du 9 décembre 1905, relative au principe de laïcité.         
        Dans sa décision, du 16 juillet 2015, le tribunal admet que l’installation de la crèche pouvait revêtir une revendication religieuse, ce qui serait ainsi une atteinte aux articles 1
er et 28 de la loi de 1905. Le Conseil d’Etat avait souligné l’importance de la conciliation nécessaire qui doit exister entre la neutralité et la liberté de conscience, mais aussi le refus stricte de la manifestation interne de croyances religieuses le 3 mai 2000. En principe, le tribunal administratif de Montpellier aurait été en mesure de régler le litige de façon similaire en allant dans le sens de la demande des requérants.
        Mais le tribunal administratif de Montpellier va cependant souligner que cette revendication religieuse est « une signification parmi la pluralité de significations qu’elle est susceptible de revêtir » faisant ainsi une distinction, à premier vu, entre la manifestation religieuse et l’objet religieux.
                







II – L’interprétation évolutive du principe de laïcité        

         
Dans cette décision de 16 juillet 2015, le tribunal administratif a en fait cherché à différencier l’objet et la revendication religieuse (A). Bien que l’interprétation large du principe de laïcité soit un sujet à controverse, cette décision vient nourrir la jurisprudence relative à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat (B).        

A – L’identification différencié de l’objet et de la revendication religieuse        

        Le tribunal administratif de Montpellier a eu la volonté de placer une différenciation entre l’évènement relaté à l’évangile et l’objet revendiquant la religion. Si la crèche peut être perçue comme un événement qui émane d’un concept évangéliste, elle ne peut cependant être assimilée à un objet de revendication religieuse. Le tribunal administratif de Montpellier rappel  à juste titre que « 
l’installation de cette crèche dans l’hôtel de ville a constamment été présentée, que ce soit auprès du conseil municipal, du préfet ou du public, comme une exposition s’inscrivant dans le cadre d’animations culturelles ».         
        Le tribunal explique en l’espèce que cette crèche installée a été présenté comme une manifestation religieuse organisée à l’occasion des fêtes de fin d’année par la Ligue des droits de l’Homme. Or, l’organisation de cette manifestation ne permet pas de montrer qu’il y a une volonté de manifester une préférence religieuse. C’est un principe d’exception relatif à la loi du 9 décembre 1905. En effet, il n’y a aucune présentation revendiquée de symboles se rattachant à la religion chrétienne, selon le tribunal administratif, mais une animation culturelle annuelle qui a toujours existé.           

B – La laïcité soumise à une recherche axiologique du principe, au-delà de la loi de 1905        

        Dernièrement, le 9 novembre 2016, le Conseil d’Etat s’est confronté au même problème. Mais contrairement à la décision du tribunal administratif de Montpellier le 16 juillet 2015, le Conseil d’Etat va se référer à l’article 1
er de la Constitution selon lequel « la France est une république, indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Le Conseil d’Etat fait également valoir, au-delà des articles 1er, 2 et 28 de la loi du 9 novembre 1905, qu’il faut veiller à la stricte neutralité des agents publics et des services publics à l’égard des cultes notamment en ne reconnaissant ou en en subventionnant aucun culte religieux. Le Conseil d’Etat va même être encore plus explicite que la décision du 16 juillet 2015 en énonçant : « Ainsi, est notamment réservée la possibilité pour les personnes publiques d’apposer de tels signes ou emblèmes dans un emplacement public à titre d’exposition » ; « […] il s’agit d’un élément faisant partie des décorations et illustrations qui accompagnent traditionnellement, sans signification religieuse particulière, les fêtes de fin d’année ».         
        Cette décision récente du Conseil d’Etat va dans la continuité de celle du tribunal administratif de Montpellier, mettant ainsi en avant une différence précieuse entre l’exercice de la tradition culturelle et la manifestation du culte religieux.  

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