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Commentaire d'arrêt, Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 4 décembre 2013

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Par   •  13 Mars 2022  •  Commentaire d'arrêt  •  2 024 Mots (9 Pages)  •  1 356 Vues

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La décision du 4 décembre 2013 rendue par la première chambre civile de la Cour de Cassation, proposée à l’étude, traite de la prohibition du mariage entre les alliés en ligne directe et au respect de la vie privée et familiale.

En l’espèce, une femme et un homme se marient et ont ensuite un enfant. Quelques années plus tard, ils divorcent et la femme se marie avec le père de son ex-mari, le grand-père de son enfant. Le nouveau mari de cette femme meurt et donne l’intégralité de ses biens à sa femme. C’est pourquoi, l’ex-mari de cette femme et fils du défunt entame une action en justice pour demander la nullité du mariage de son père et son ex-femme, au regard de l’article 161 du code civil, afin de devenir le légataire universel.

     Le fils assigne donc en justice la veuve du défunt pour faire prononce la nullité du mariage. Les juges du fond font droit à sa demande en estimant qu’un mariage entre un beau père et sa belle-fille est prohibé en vertu de l’article 161 du code civl. Son ex-femme interjette appel . Néanmoins, l’arrêt du 21 juin 2012 de la Cour d’appel d’Aix en Provence prononce aussi la nullité du mariage pour les mêmes raisons. C’est ainsi qu’elle forme un pourvoi en cassation.

     La Cour de cassation devait donc se poser la question suivante: le droit à la vie privée et familiale remet-il en cause la prohibition de mariage entre alliés prévue par l’article 161 du code civile ?

      La Cour de Cassation a estimé  le 8 décembre 2013 que le mariage ne pouvait pas être annulé en raison de sa durée, 22ans, du fait que l’enfant issu du mariage précédent semblait s’être habitué à la situation et qu’ainsi que cette femme avait le droit au respect de sa vie privée et familiale. La Cour de Cassation a donc annulé la décision de la Cour d’appel qui visait à annuler ce mariage.

   L’étude de cet arrêt est particulièrement intéressante car pour la première fois la Cour de Cassation se reconnait le pouvoir d’écarter une norme interne dont l’application au cas d’espèce est jugée trop sévère pour l’une des parties.

    Nous verrons dans une première partie que cet arrêt témoigne d’une volonté audacieuse de la Cour de Cassation d’écarter l’article 161 du code civil pour protéger le droit à la vie privée et familiale (I). Nous verrons ensuite que la décision rendue est le reflet d’un contrôle de proportionnalité fortement contestable (II).

I/ Une volonté d’audacieuse d’écarter l’article 161 du code civil pour protéger le droit à la vie privée et familiale 

     Alors que la Cour d’appel se conforme à la volonté du législateur en prohibant rigoureusement le mariage entre ascendants (A), la Cour de Cassation fait le choix de contourner l’article 161 prohibant le mariage en ligne directe afin d’assurer le droit à la vie privée et familiale (B).

A/ La décision de la Cour d’appel  fidèle à la volonté du législateur : prohibition ferme du mariage entre ascendants

   La Cour d’appel, en annulant le mariage entre la femme et son ex beau-père, a suivi la volonté du législateur motivée par une question d’ordre moral et un question de protection de l’enfant. Le législateur a en effet posé certaines restrictions au mariage dans un soucis de moralité. Les articles 161 et suivants du Code civil prévoient différents cas d’interdiction de mariage. L’article 161 du code civil prohibe ainsi le mariage en ligne directe, entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne. Pour revenir à notre arrêt, le mariage entre un beau-père et sa belle est moralement inacceptable, même s’il n’y a pas de lien de sang nous pouvons parler d’inceste ( inceste de deuxième catégorie ). Pour cette raison la loi l’interdit. La Cour d’appel a donc suivi rigoureusement cette prohibition en annulant le mariage. Le législateur en prohibant ce type de mariage a aussi souhaité protéger les intérêts de l’enfant. En effet, une telle situation peut paraître perturbante pour des enfants, qui « peuvent être affectés, voire perturbés, par le changement de statut et des liens entre les adultères autour d’eux » . C’est ce qu’a retenu la Cour d’appel en notant que ce mariage avait opéré dans l’esprit de la fille issu du premier mariage « une regrettable confusion entre son père et son grand-père ». Ainsi, afin de « sauvegarder de l'homogénéité de la famille en maintenant des relations saines et stables à l'intérieur du cercle familial », comme le souhaite le législateur, la Cour d’appel a fermement prohibé ce mariage entre la belle-fille et le beau père.

   Néanmoins, cette interdiction de ce mariage de type incestueux n’a pas été poursuive par la Cour de Cassation, préférant faire prévaloir le droit à la vie privée et familiale.

B/ Le choix de la Cour de Cassation de contourner l’article 161 pour assurer le droit à la vie privée et familiale

   La Cour de Cassation fait effectivement le choix dans cet arrêt d’écarter l’article 161 du code civil pour assurer le droit à la vie privée et familiale. Élément surprenant, la Cour de Cassation ne s’appuie par sur l’article 12 qui énonce le droit de se marier et de fonder une famille. C’est d’ailleurs ce que la CEDH, dans un arrêt du 13 septembre 213, avait reconnu que l’interdiction d’un mariage entre une ex belle-fille et un ex beau-père était une atteinte à l’article 12 de la convention et que les “ limitations imposées au droit d’un homme et d’une femme à se marier et de fonder une famille ne doivent pas être d’une sévérité telle que ce droit s’en trouverait atteint dans sa substance même”. En appuyant sa décision sur ce droit au mariage, le choix de la Cour de Cassation aurait peut-être été perçu comme plus légitime ou du moins plus justifié. Elle a, en revanche, décidé de fonder sa décision sur le droit à la vie privée et familiale énoncée à l’article 8 de la convention européenne. La Cour de Cassation s’appuie d’abord sur la durée du mariage pour justifier sa décision. En effets, l’ex-belle fille et l’ex beau-père étaient mariés depuis 20 ans, sans que jamais la question de l’immoralité de leur mariage ne soit soulevée par quelqu’un ni même par le fils du défunt. La Cour de Cassation peut légitimement douter de la bonne foi du fils à s’opposer au mariage de son père et de son ex femme, 20 ans plus tard et au moment de la succession. Le fils semble davantage motivé par l’héritage que par des questions de moralité. De plus, l’annulation du mariage ferait perdre le droit à la veuve de bénéficier de la succession alors même que le mariage a duré 20ans. C’est ainsi que la Cour de Cassation a déduit de ces circonstances particulières que l’annulation de ce mariage serait une atteinte à la vie privée et familiale de la veuve.

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