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Commentaire d'arrêt : 3e chambre civile, 6 juin 2018

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Par   •  17 Novembre 2021  •  Commentaire d'arrêt  •  2 045 Mots (9 Pages)  •  522 Vues

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Commentaire d’arrêt

Cour de cassation, 3e chambre civile, 6 décembre 2018, 17-23.321

La 3e chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 6 décembre 2018, a été amenée à statuer sur la violation d’un pacte de préférence par la conclusion d’une promesse unilatérale de vente.

En l’espèce, le 28 octobre 1999, deux particuliers ont conclu un pacte de préférence pour une durée de dix ans et portant sur un bien immobilier. Cependant, le 2 septembre 2009, le promettant s’est engagé dans une promesse unilatérale de vente au profit d’un tiers et portant sur ce même bien. Le tiers a levé l’option le 16 novembre 2009. La vente était donc aboutie trois semaines après l’expiration du pacte de préférence. Le bénéficiaire, estimant que la vente était intervenue en violation du pacte de préférence, a assigné le tiers et le promettant en annulation de la vente, substitution dans les droits de l’acquéreur, expulsion de celui-ci et paiement de dommages-intérêts.

Les juges du fond l’ont débouté de sa demande. En effet, ils ont considéré que les termes du pacte de préférence ne permettaient pas de déduire, en cas d’intention de vendre, que l’obligation de proposer prioritairement le contrat au bénéficiaire grèverait la promesse unilatérale de vente conclue avec un tiers. De plus, ils ont estimé que seule la date de l’échange des consentements devait être prise en compte, de sorte qu’en l’espèce, cette vente n’avait pris effet qu’à la date de la levée de l’option par le tiers, soit postérieurement à la date d’échéance du pacte. Le bénéficiaire du pacte de préférence s’est pourvu en cassation.

La conclusion d’une promesse unilatérale de vente par un promettant constitue-t-elle une violation du pacte de préférence conclu antérieurement ?

La 3e chambre civile de la Cour de cassation répond par l’affirmative et casse et annule l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article 1134 ancien du Code civil. Elle rappelle ainsi que « le pacte de préférence implique l’obligation, pour le promettant, de donner préférence au bénéficiaire lorsqu’il décide de vendre le bien ». Ainsi, par cet attendu bref mais précis, la Cour de cassation répond en deux temps à la question qui lui a été posée. Elle donne la définition de l’obligation du promettant contenue dans un pacte de préférence (I), puis le moment où celle-ci doit être exécutée. En découle alors son régime d’exécution face à une promesse unilatérale de vente, qui s’inscrit parfaitement dans le sillage de la réforme du droit des contrats intervenue en 2016 (II).

I – L’efficacité du pacte de préférence renforcée par une définition jurisprudentielle

Le pacte de préférence est longtemps resté sans efficacité. Cet arrêt du 6 décembre 2018 s’inscrit dans une volonté jurisprudentielle de renforcer cet avant-contrat (A). Il y parvient en donnant une définition de l’engagement du promettant fondé sur la force obligatoire des contrats (B).

A – La remise en question constante de la force et l’efficacité du pacte de préférence

Ces dernières années, tous les auteurs s’accordent pour dire que les avant-contrats, et plus particulièrement les pactes de préférence, manquent d’efficacité dans leur exécution. La Cour de cassation, par un revirement de jurisprudence, a tenté de corriger cette faiblesse dans un arrêt rendu en chambre mixte le 26 mai 2006. Elle a donné la possibilité de sanctionner le tiers de mauvaise foi, qui connaissait l’existence du pacte de préférence et l’intention du bénéficiaire d’exercer son droit de préférence, par l’annulation de l’acte de vente puis la substitution du bénéficiaire dans les droits du tiers. Néanmoins, la Haute juridiction était restée muette quant à la sanction du promettant qui avait violé les droits du bénéficiaire du pacte de préférence.

Ce silence peut s’expliquer par le fait qu’elle ne se soit jamais prononcée sur la nature de l’engagement du promettant ou de l’obligation dont est créancier le bénéficiaire. En effet, comme le soulève le Professeur Pillet[1], une ambiguïté inhérente au pacte de préférence rend difficile tout travail de définition puisque le pouvoir du bénéficiaire évolue avec le contexte. Le pacte de préférence semble changer « de nature avec le temps : platonique à sa formation, tant que le vendeur demeure dans l’expectative, il prend corps en devenant exigible aussitôt que ce dernier s’est décidé à vendre »[2]. Il était donc nécessaire de définir la nature exacte de l’obligation pesant sur le promettant pour évaluer la violation du pacte de préférence.

Les juges de la cour d’appel, faisant leur propre interprétation de cet engagement, ont considéré que la promesse unilatérale de vente ne rentrait pas dans le champ du pacte de préférence. Selon eux, seul un contrat de vente définitif aurait violé le pacte de préférence conclu entre le bénéficiaire et le promettant. La Cour de cassation va, sans surprise, censurer cette décision au regard de la définition qu’elle donne à l’engagement du promettant qui est « de donner préférence au bénéficiaire lorsqu’il décide de vendre le bien ».

Elle donne cette définition et rend sa décision au visa de l’article 1134 ancien du Code civil, rappelant ainsi la force obligatoire de l’engagement du promettant.

B – Une obligation de proposer en priorité fondée sur la force obligatoire des contrats

Dans cet arrêt du 6 décembre 2018, la Cour de cassation nous dit que « le pacte de préférence implique l’obligation, pour le promettant, de donner préférence au bénéficiaire lorsqu’il décide de vendre le bien ». Cette définition n’est pas sans rappeler celle contenue au nouvel article 1123, alinéa 1er du Code civil : « le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter ».

De cette formulation synthétique, nous pouvons déduire que l’engagement du promettant repose surtout dans le fait de permettre au bénéficiaire d’exercer son droit, en lui notifiant son intention de vendre. En effet, le pacte de préférence repose plus que sur une simple obligation morale. Il n’est pas là pour « faire joli ». Le promettant doit, avant toute chose, lorsqu’il s’est décidé à vendre, le faire savoir au bénéficiaire. S’il ne le fait pas, alors il viole les droits de son co-contractant.

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