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La tyrannie du corps

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Par   •  6 Avril 2018  •  Cours  •  2 903 Mots (12 Pages)  •  626 Vues

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La tyrannie du corps

Chez les grecs, le tyran est celui qui dirige indépendamment de la loi. Le tyran est donc hors-la-loi, et le pouvoir qu’il exerce fait office d’autorité légitime. C’est un pouvoir autoritaire et arbitraire.

L’une des conquêtes de la IIIe République fut le droit de pouvoir faire appel de toute décision administrative (décision de l’État). Ce droit nouveau s’opposait à l’arbitraire royal des lettres de cachet.

Les lettres de cachet se terminaient par la formule « tel est mon plaisir », qu’il serait cependant erroné d’entendre dans son sens moderne. En effet, le mot plaisir a ici son sens étymologique, celui de placere en latin. La formule signifie donc « voilà ce que je juge bon de faire ». C’est la modernité qui, plus tard, reprendra cette formule finale en donnant à plaisir son sens actuel, avec le but de dénoncer le pouvoir royal. Victor Hugo, dans Hernani, transformera même la formule en « tel est mon bon plaisir » pour tourner en dérision la monarchie.

On voit donc que le plaisir n’est pas forcément sensoriel.

La tyrannie, c’est confondre les ordres, ou plus précisément régner hors de son ordre. Ainsi, un roi qui voudrait régenter la médecine serait un tyran.

On distinguera le tyran, qui ne n’agit que dans la sphère publique, du despote, qui s’immisce dans les affaires relevant du droit privé.

Ordre du corps, ordre du cœur, ordre de l’esprit

I – Définition de la tyrannie

  1. Comme le tyran, le corps, une puissance arbitraire qui nous emprisonne

Le corps nous condamne à une topie irréductible. Il semble comme la « garderie de l’âme » (Le Phédon)

→ Garderie : endroit où on enferme les esclaves avant de les vendre

  1. Comme le tyran, le corps est un principe de confusion

Le corps trouble tout. // confusion des ordres avec le tyran

  1. Comme le tyran, le corps est hors-la-loi

Dans la loi, il y a de l’altérité, or le corps est une singularité irréductible

I – C) + digressions

Principe de base du droit latin : « Nécessité fait loi » (quand on ne peut pas faire autrement, on a le droit de transgresser la loi)

→ Principe biblique : on ne peut pas mettre de muselière à la bête de somme qui broie le grain. Elle a le droit de le manger, de même qu’un boucher qui ne gagnerait pas assez pour se payer du jambon a le droit de manger le jambon qu’il découpe.

→ Pour sauver sa peau, on a tous les droits naturels. Il serait illogique de condamner à mort quelqu’un s’il volait quelque chose parce qu’il mourrait s’il ne volait pas…

Les corps dans ta famille t’appartiennent comme des choses tant que tu les traite comme des personnes. Si tu ne les traites plus comme des personnes, l’État intervient. Droit personnel d’espèce réel, droit du mariage (contrat de propriété réciproque du corps du conjoint, qui permet de fonder la filiation)

Juvénal, Satire, X : « Mens sana in corpore sano ». Juvénal va prier les dieux et se demande ce qu’il pourrait leur demander. En esprit sage, il demande que ce qui dépend de lui. La seule chose qu’il demande aux dieux, c’est la santé ; le reste ça dépend de lui, une âme forte pour surmonter les épreuves de l’existence. Montre que la santé du corps est essentielle ; je peux m’ajuster au monde et aux autres par moi-même, mais il me faut un corps sain, seule chose qui ne dépend pas de moi.

Je ne peux m’ajuster à moi-même qu’en m’ajustant à mon corps, qui est lui-même une puissance d’ajustement.

Juvénal, Satire, X : « Panem et circenses ». Réduire l’homme au simple système de son corps, c’est le dépolitiser ; la tyrannie est un régime de dépolitisation. Juvénal accuse les tyrans romains d’avoir dépolitisés le peuple romain.

→ La tyrannie, c’est réduire l’autre à n’être que des corps. Il les réduits à la simple satisfaction de leurs besoins corporels.

Chez Juvénal, il y a deux corps : le corps auquel on nous réduit par la tyrannie, et le corps condition de possibilité de la vie sage.

La tyrannie n’est pas un système politique, mais au contraire un système de dépolitisation. Le corps est hors-la-loi ; non pas en ce sens qu’il ignore toute loi en affirmant arbitrairement ses besoins ; il est aussi ce hors-la-loi sur lequel le tyran agit, ce hors-la-loi secret ressort de la tyrannie [génitif objectif / génitif subjectif]

On rappellera ce que rappelle Platon dans l’Alcibiade majeure : un homme qui a un rapport injuste à soi-même, qui ne sait pas qui il est, aura nécessairement un rapport injuste au corps, ne saura pas ce qui revient au corps et ce qui ne lui revient pas ; comment alors pourrait-il savoir, puisqu’il ne sait pas ce qui lui revient, ce qui revient aux autres ?

Un homme qui ne sait pas ce qui appartient à autrui est injuste. Si j’ai un rapport injuste à mon corps, parce que j’ai un rapport injuste à moi-même, j’aurai nécessairement un rapport injuste aux autres. Un rapport injuste au corps impose un rapport injuste aux autres corps.

On comprend bien que si le corps nous tyrannise, nous devenons tyrans des autres corps ; que le corps peut-être à la fois un tyran (au sens du génitif subjectif) comme il peut être tyrannisé (au sens du génitif subjectif).

II – Le corps est-il vraiment hors la loi ? N’a-t-il vraiment aucune dimension politique ?

  1. …….

Hobbes, première page du Léviathan : analogie entre le corps politique et le corps organique, à travers l’image du mécanisme. Le corps politique est une machine, comme le corps humain est une machine. Mais c’est une analogie bancale. Car, c’est parce que notre corps est soumis au sommeil, qu’il fatigue, que nous avons besoin du corps politique, lui qui ne dort pas et ne fatigue pas. « L’État, c’est ce qui ne dort jamais, et ce sont les cauchemars de la nuit qui ont fait les cités » (Alain)

  1. Non seulement le corps est à l’origine du politique, mais il est l’objet de toute politique.

Foucault, L’Histoire de la sexualité : le pouvoir politique a essentiellement pour objectif d’influer sur les corps. Influence du pouvoir sur nos corps-machine, réduits à leur efficacité mécanique, ou sur le corps-espèce, le corps dans son rendement biologique. Pour Foucault, la bio-politique ou le bio-pouvoir a essentiellement pour fonction d’agir sur nos corps en agissant sur nos esprits (l’âme, prison du corps !). Ce qui caractérise le bio-pouvoir, c’est la volonté de faire vivre (et de laisser mourir), et non plus comme jadis de faire mourir et de laisser vivre : le bio-pouvoir est un pouvoir normalisateur, qui passe par la norme, intériorisée par le corps, et non pas un pouvoir qui passe par la loi – cette loi qui s’applique de l’extérieur sur les corps.

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