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Les Représentations Du Corps Dans Le Dom Juan De Molière

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Par   •  3 Juin 2012  •  6 414 Mots (26 Pages)  •  1 435 Vues

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La pièce de Molière s’inscrit dans le cycle du mythe donjuanesque. Il est possible de le dater si l’on remonte à la version qu’en donna Tirso de Molina sous le titre d’El burlador de Sevilla. Probablement écrit avant 1620 et publiée en 1630, cette pièce est la première traitant du mythe de Don Juan. Jouée devant le roi en 1665, Dom Juan de Molière revêt une grande complexité. Oscillant entre moments tragiques et rebondissements comiques, il ressort que Dom Juan est un personnage insaisissable. Il est impossible de lui appliquer une seule définition. Le mot qui revient sans discontinuer pour parler du séducteur c’est inconstance. Dom Juan n’a pas une identité mais toutes les identités. Caractérisé par la métamorphose, le mythe ne construit pas un personnage, un individu mais bien plutôt une persona. Tirso parlait déjà de l’ « hombre sin nombre ».

Ainsi parler de la représentation du corps de Dom Juan c’est, en premier lieu, prendre en considération le fait qu’il est, à l’image du séducteur, multiple et « malléable » selon l’expression d’A. Preiss dans le Dictionnaire de Don Juan. Il n’est pas possible de parler du corps de Dom Juan mais des corps dans Dom Juan. Synonyme d’altérité, c’est par sa présence corporelle que Dom Juan transgresse les interdits sociaux et s’affirme libre aux yeux de la sphère publique et de Dieu lui-même. Comme personnage de la métamorphose, il semble naturel que ce qui est, en premier lieu, objet du déguisement, soit le corps. C’est en effet par lui que Dom Juan se montre aux autres protagonistes. Molière a recours tant au déguisement physique qu’à l’habillage métaphorique. La scène 2 de l’acte V, qui donne la représentation la plus éclatante de l’art hypocrite, le montre bien et fait, plus que tout autre auteur avant lui, du « grand seigneur méchant homme », le Burlador par excellence.

Cette étude portera donc sur les visions multiples que revêt la perception de la présence corporelle de Dom Juan dans la pièce de Molière. Il est facteur de multiplication c'est-à-dire jamais le même révélant ainsi l’impossibilité pour son porteur d’avoir une identité propre. De plus étant le personnage du Désir, le corps désirant, Dom Juan donne au corps charnel une importance toute particulière : il est ostentation. Il rejoint ici la tradition littéraire baroque dans la stylisation d’une poétique corporelle faisant primer les passions sur l’esprit. Le fait est important dans un XVIIème siècle qui s’est donné pour finalité de créer le modèle parfait de l’honnête homme accordant toute la primauté à l’apparence sur l’essence. Volonté contradictoire en ce sens qu’il fallait qu’en société l’être intérieur coïncida avec l’aspect extérieur. C’est dans cette optique que la « science » physiognomonique a connu ses heures de gloire. Molière tend notamment à montrer dans les attitudes et les postures corporelles choisies par son personnage, l’hypocrisie de ce but.

Ainsi il s’agit d’analyser en quoi la représentation de la corporalité dans Dom Juan est une illustration de l’impossible coïncidence entre être et paraître dans une société ou seule l’extériorité semble donner à l’homme sa définition.

Nous illustrerons ce propos en deux parties. Tout d’abord nous nous attacherons à démontrer en quoi le corps de Dom Juan est une image de la société de Louis XIV située dans la contradiction de l’intérieur et de l’extérieur, pour ensuite mettre en avant que le corps du séducteur ne lui appartient pas mais qu’il est un don fait à autrui ce qui fait osciller la pièce moliéresque entre comédie et tragédie.

L’article d’A. Preiss, Don Juan et le corps, paru dans le Dictionnaire de Don Juan, donne une représentation dualiste du corps de Don Juan. Il se situe aux frontières de l’être et du paraître : « Entre intériorité et extériorité, chair et artifice, articulant l’amour et la mort, le corps du séducteur perpétuel est une des clefs pour le comprendre dans une relation problématique avec son identité, avec son âme et avec un autrui composé lui-même de corps et d’âme ». Cette idée fait partie intégrante du mythe donjuanesque : Don Juan est toujours le personnage d’une relation entre une intériorité qui se doit d’être contrôlée et un extérieur social qu’il ébranle par inconstance. Il est donc normal de voir cette relation apparaître dans la pièce de Molière. Car ce lien est d’importance pour le XVIIème siècle de Louis XIV, où la vision de l’homme largement dominée par le modèle mécaniste cartésien et dirigée par les volontés de la cour et des théoriciens de la vie civile, ne laisse aux passions qu’une très faible place face à la raison toute puissante. L’identité donjuanesque se construit sur cette opposition passions et esprit mais aussi sur celle de l’être et du paraître laissant une large place au recours à l’hypocrisie. Dom Juan apparaîtra comme un corps aux représentations multiples.

Le personnage de Molière détient toutes les caractéristiques du seigneur noble qui construit le mythe donjuanesque. Sganarelle parle du « grand seigneur méchant homme ». Fort de ces traits distinctifs, Dom Juan construit l’image de l’homme et du corps aristocratique. Il en possède tous les attributs. Il a d’abord le costume. Il est décrit par Pierrot, un paysan l’ayant sauvé de la noyade et par Charlotte, sa promise. Le statut de Dom Juan n’en prendra que plus d’importance du fait de la position sociale de ces personnages. Il est donné à voir à travers les yeux et les paroles d’une caste nettement inférieure à la sienne :

Oui c’est le maître. Il faut que ce soit queuque gros, gros Monsieur, car il a du lor à son habit tout depis le haut jusqu’en bas ; et ceux qui le servont sont des Monsieux eux-mêmes ; et stapandant, tout gros Monsieur qu’il est, il serait, par ma fique, nayé, si je naviomme esté là.

dit Pierrot. Puis il ajoute après l’avoir sauvé et vu se rhabiller :

Mon quieu, je n’en avais jamais vu s’habiller. Que d’histoires et d’angigorniaux boutont ces Messieurs-là les courtisans ! Je me pardrais là dedans, pour moi, et j’étais tout ébobi de voir ça.

Il s’en suit ensuite toute une description des attributs de l’habit aristocratique qui, dans des mots paysans prend une tournure hyperbolique et disproportionnée révélant ainsi l’incompatibilité et l’écart entre la classe de Dom Juan et celle de Pierrot et Charlotte. On remarquera que pour ces derniers « l’habit fait le moine ». Parce qu’il est vêtu du vêtement aristocrate, il apparaît comme tel. Cependant la pièce de Molière va s’attacher à démontrer

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