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Le Désir, Le Bonheur

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Par   •  24 Mai 2014  •  9 763 Mots (40 Pages)  •  1 221 Vues

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LE DESIR LE BONHEUR

PREMIERE PARTIE : Le désir constitutif de l’essence de l’Homme

I. Le désir comme puissance positive

1) La déconstruction de l’illusion

La philosophie de Spinoza présente tout d’abord cette originalité (par rapport à ses prédécesseurs) qui consiste à affirmer que l’Homme est essentiellement un être de désirs :

« L’appétit (le désir) n’est par là rien d’autre que l’essence même de l’homme… » (Ethique, Scolié proposition IX, pages 144-146).

C’est bien le désir qui apparaît à Spinoza comme étant constitutif de la nature humaine, et par là même il rompt avec toute une tradition philosophique qui avait immédiatement situé dans la raison l’essence de l’homme.

C’est le cas par exemple chez les philosophes grecs comme Platon ou Aristote qui avaient défini l’homme comme étant un animal raisonnable. Le principe de cette définition classique est d’attribuer à l’homme une appartenance à un genre qui possède l’extension la plus vaste (l’ensemble des êtres vivants), et à distinguer, à l’intérieur de ce genre, une différence propre à l’espèce humaine. C’est ainsi la Raison qui est présentée comme différence spécifique constitutive de l’essence de l’homme.

Or Spinoza considère que cette différence spécifique (la Raison) apparaît comme étant essentiellement un produit de la réflexion, elle ne définit pas l’homme tel qu’il est en soi, mais tel qu’il s’apparaît à lui-même subjectivement dans sa propre conscience lorsqu’il effectue un acte de réflexion sur lui-même.

Or, la caractéristique de cet acte est de séparer l’homme de la nature, de briser la continuité du lien immédiat qui relie notre existence à l’ensemble de la nature, comme si en cet acte de réflexion l’homme pouvait dissocier son existence à titre de sujet de l’existence des choses et de l’existence de la nature dans son ensemble.

Spinoza considère que cette réflexion du sujet en lui-même lui donne l’illusion d’exister pour soi, comme s’il pouvait en son autonomie absolue se détacher de son lien de dépendance à l’égard des lois de la nature. L’acte de la réflexion par lequel le sujet est susceptible de se poser comme un « être pour Soi » est interprété comme un artifice de l’imagination dont la caractéristique est de détacher l’homme de son contexte concret, et en particulier le détacher de son rapport immédiat avec la nature.

Spinoza considère donc comme illusoire cette prétention qu’a l’homme de se définir tel qu’il s’apparaît à lui-même dans la subjectivité de sa propre conscience, et il veut définir l’homme non tel qu’il se reconnaît subjectivement dans sa propre réflexion, mais tel qu’il existe en dehors de cette réflexion, puisque celle-ci est source d’illusions.

L’homme ne peut donc être défini si on se fonde uniquement sur les formes illusoires de la réflexion, et plus précisément l’illusion selon laquelle le sujet se pose dans sa propre réflexion comme un être qui existe pour soi, illusion qui se trouve dans la philosophie de Descartes (selon Spinoza) puisque le sujet, par un acte de réflexion sur lui-même, acquiert la certitude immédiate d’exister pour lui-même, certitude qui n’est conditionnée ni par l’existence du monde extérieur, ni par la présence d’autrui.

Il en résulte le fait que l’existence du sujet n’était plus posée sur le même plan que l’existence du monde (la nature) d’où l’acte par lequel le sujet était susceptible de s’attribuer une autonomie absolue.

C’est précisément ce que conteste Spinoza : la réflexion que l’homme effectue sur lui-même ne se fonde que sur un artifice de son imagination c’est-à-dire qu’elle ne produit qu’une abstraction lorsqu’elle prétend briser la continuité du lien immédiat qui unit l’homme à la nature.

C’est pourquoi la philosophie de Spinoza n’est pas une philosophie du sujet au sens où elle refuse à la réalité humaine la possibilité de se constituer sur le mode d’un « être pour soi », c’est-à-dire un être qui serait le produit de sa propre volonté ou de sa propre liberté.

C’est bien une forme illusoire de la réflexion qui amène le sujet à se poser lui-même comme existant par soi et pour soi. La conséquence de cette illusion est une conception fictive de la raison comme puissance de domination sur la nature :

« Ils croient, en effet, que l’homme trouble l’ordre de la Nature plutôt qu’il ne le suit, qu’il a sur ses propres actions un pouvoir absolu et ne tire que de lui-même sa détermination. »

(Spinoza, Ethique, livre III page 133).

On voit bien en quoi Spinoza, ici, dénonce l’illusion de cette autonomie absolue du sujet, illusion suscitée par une forme pervertie de la réflexion. Or, c’est bien cette autonomie absolue du sujet (cf. Kant) qui constitue l’une des figures essentielles de la raison pratique (cf. Kant et Fichte). Affirmer l’autonomie absolue de sujet, c’est le poser comme étant l’auteur de ses actions, lui attribuer le pouvoir de produire librement ses actes.

On est donc amené à attribuer au sujet une forme de souveraineté absolue, tant à l’égard de lui-même (la parfaite maîtrise de ses impulsions) qu’à l’égard de la Nature qu’il prétend dominer par son savoir et sa technique.

Mais cette domination apparaît justement à Spinoza comme étant illusoire. Quoique l’homme fasse, l’espoir qu’il a placé en sa raison (sous la forme de l’autonomie absolue du sujet) est vain car il n’est pas toujours l’auteur de ses propres actions. Il ignore en fait la vraie cause de ses actes, l’ensemble des causes externes par lesquelles son existence se relie à l’ensemble de la nature.

Il croit agir conformément à sa propre volonté, mais en réalité il ignore les motivations profondes et inconscientes de ses actes. L’enfant qui fait un caprice, par exemple, croit que celui-ci est motivé par son désir de posséder un jouet alors qu’en réalité ce caprice est inconsciemment motivé par son désir de tester le degré de résistance de ses parents.

On voit bien dans cet exemple ce qui justifie le refus spinoziste de considérer le sujet sous la forme de l’autonomie absolue, c’est-à-dire un sujet qui se poserait dans sa propre réflexion comme l’auteur de ses actes, qui aurait l’illusion de produire des actions conformes à sa volonté. Le sujet n’est donc pas pleinement transparent, il ne peut se connaître lui-même

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