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Commentaire de texte Montaigne - Essais II

Dissertation : Commentaire de texte Montaigne - Essais II. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  31 Mai 2018  •  Dissertation  •  1 518 Mots (7 Pages)  •  1 176 Vues

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Métaphysique – 3LPM404P

Elliot d’Antochine
36006059

        Dans ce passage des Essais, extrait du Livre II, Montaigne nous livre une réflexion sur les limites de la connaissance humaine. Héritant du scepticisme de l’Académie, à l’égal de Carnéade ou de Cicéron, il s’agit ici d’établir les fondements d’une gnoséologie partant de l’expérience, c’est-à-dire de montrer en quoi l’opinion établit la connaissance et constitue sa source irréductible.  D’où viennent les connaissances et pourquoi celles-ci sont-elles toujours relatives ? Pourquoi nos facultés ne peuvent-elles différencier les opinions fausses des opinions justes qu’elles forment à partir de nos sens et de notre entendement ? Telles sont les questionnements qui surgissent au centre de ce cours passage, lequel reflète les interrogations et les apories du moment sceptique des Essais. Le paradoxe de la position de Montaigne vient du fait qu’ici, la limite de notre connaissance, considérée en tant que production de représentations et d’apparences ne doit pas nécessairement nous interdire de penser la possibilité d’un consentement commun, c’est-à-dire un universel qui naîtrait de la capacité toute stoïcienne de nous détacher de nos propres opinions, afin d’embrasser un regard plus vaste sur le monde et sur nous- même. Mais la question que pose ici Montaigne est de savoir jusqu’à quel point une telle position de détachement est  rendue possible par la nature même de notre condition d’être matériel assujetti aux sensations et aux apparences. L’universel ne repose-t-il pas plutôt sur l’effort consenti par l’homme pour se comprendre lui-même, dans les limites et les imperfections de son expérience singulière?

        Dans le premier moment de ce texte, qui s’étend de «  Si nos facultés » jusqu’à « agitation», Montaigne affirme l’impasse gnoséologique dans laquelle nous jette la nature de nos facultés. Celles- ci semblent être de deux sortes, d’une part « intellectuelles » et d’autre part « sensibles », mais dans les deux cas, nous ne pouvons jamais nous reposer avec certitude sur leurs « opérations » conjointes. En effet, nous jugeons à partir des opérations de ces facultés, c’est-à-dire que nous déterminons toujours nos connaissances selon l’effet que produit sur notre esprit l’usage de notre sensibilité et de notre intellection. Or, pour Montaigne, ces facultés ne reposent sur aucune assise stable, c’est-à-dire qu’elles ne possèdent pas de fondement sûr, ni de principes d’évidences, que nous pourrions reconnaître comme valable de façon universelle, pour tous les hommes et en tous lieux. Notre entendement, c’est-à-dire notre faculté à comprendre et à connaître ce qui nous entoure est condamnée à « flotter », c’est-à-dire littéralement à rester toujours sous la dépendance des expériences que nous vivons et du contexte mouvant selon lequel elles s’effectuent. Dès lors, il s’agit de comprendre en quoi nous pourrions porter les jugements les plus justes possibles dans un monde d’apparences et d’illusions constitué par notre représentation. C’est là la question sceptique traditionnelle, telle qu’elle peut être traitée dans Les Académiques de Cicéron. Notre savoir est toujours dépendant de l’opinion, dans l’exacte mesure où celui-ci procède du rapport qu’entretiennent nos facultés à l’objet qu’elles rencontrent, rapport qui ne nous livre qu’une apparence des phénomènes, leur manifestation dans une image construite et jamais leur essence véritable. Le rapport de l’esprit à l’objet de connaissance est de la sorte un rapport de représentation, c’est-à-dire au sens grec du terme un rapport d’imagination. De là provient la nécessaire constatation de notre impuissance à connaître les choses telles qu’elles sont, et notre enfermement dans la relation circonstanciée que notre corps et notre esprit tisse avec elles.  Le sage est donc « opinator », non pas celui qui se détache de l’opinion, puisque celle-ci est la constante irrémédiable de toute intellection, mais celui qui sait se détacher d’une opinion pour en construire une autre, afin de  bâtir des jugements toujours plus justes, en accord avec l’expérience.

         . Telle est donc la profession de foi de l’auteur des Académiques que cite ici Montaigne, au début du second mouvement de ce texte: « Entre les apparences vraies et fausses, il n’y a pas de mouvement qui entraîne l’assentiment de l’esprit. » L’utilisation valide de notre entendement consiste moins à trouver des principes certains sur lesquels fonder notre jugement qu’à maintenir un effort constant, d’assise, de droiture, d’inflexibilité, d’impassibilité, permettant à notre esprit de ne plus être subjugué par les évènements mais de guider sa barque et de la conduire le mieux possible, quelques soient les circonstances. L’intelligence consiste en cette capacité d’adaptation de notre esprit. Non en une maîtrise absolue de la connaissance de la réalité du monde dans d’hypothétiques principes, mais en une reconnaissance humble de la limite de notre possibilité de connaître. Pas de principes stables, sur lesquels nous pourrions faire reposer nos jugements car nous sommes condamnés à ne produire qu’une apparence de  vérité, selon le point de vue particulier et relatif où nous positionne notre rapport aux phénomènes. Les objets ne se présentent pas à notre esprit dans leur « essence » effective et « leur autorité » car nous modifions leur réalité au travers de l’expérience que nous en faisons, selon « notre plaisir ». Ici se tisse donc le lien charnel et matériel entre les facultés intellectives et sensibles, entre notre réalité corporelle et notre esprit. Le goût du vin change selon notre état de santé, de même la représentation que nous en avons et le jugement que nous portons sur lui. La sensation de la matière change selon la rudesse de la main qui la manipule, selon l’habitude et l’expérience qu’ont forgées les ans. Cette relativité semble devoir s’appliquer de la même manière aux représentations intellectuelles et aux représentations sensibles. En effet, notre manière de voir et de nous représenter la réalité dépend de la manière dont nous recevons les expériences d’après notre sensibilité, la manière dont « les sujets étrangers se logent en nous », selon le plaisir ou la douleur qu’ils nous font ressentir. Faut-il dès lors considérer que toute connaissance véritable s’avère illusoire et impossible ? Sommes- nous désespérément contraints à ne tisser avec le monde qu’une relation fondée sur l’apparence, toujours en devenir, de nos représentations ?

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