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On ne doit pas s'attendre à ce que les rois se mettent à philosopher, ou que des philosophes deviennent rois

Commentaire d'oeuvre : On ne doit pas s'attendre à ce que les rois se mettent à philosopher, ou que des philosophes deviennent rois. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  3 Mai 2015  •  Commentaire d'oeuvre  •  2 599 Mots (11 Pages)  •  836 Vues

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" On ne doit pas s'attendre à ce que les rois se mettent à philosopher, ou que des philosophes deviennent rois "

On ne doit pas s'y "attendre". Cela signifie que si l'on s'y attend, ce sera vainement, qu'il s'agira d'un espoir utopique. Pourquoi ne peut-on s'y attendre ? Qu'est-ce qui pousse Kant à l'affirmer ? D'abord des exemples empiriques. On peut citer le cas, par exemple, de Denys 1er que Platon ne réussit pas à rendre philosophe. Mais donner des exemples ne suffit pas. Il faut aussi s'interroger sur les raisons de cet échec ? Est-ce qu'il ne s'agit que d'un essai malheureux ? En ce cas on peut encore s'attendre à ce que les rois philosophent. Y a-t-il au contraire des causes profondes comme, par exemple, une incompatibilité essentielle, radicale, entre le métier de philosophe et celui de roi. ? C'est ce que veut dire Kant. Qu'est-ce qui rend les deux fonctions incompatibles ?

Pourquoi, en premier lieu, les rois ne peuvent-ils philosopher ?

Les rois sont d'abord jaloux de leur pouvoir et cherchent plus la gloire que la justice. Peut-être cherchent-ils plus à satisfaire leurs intérêts égoïstes indépendamment de la justice et du droit. Or on sait que le philosophe vise à l'objectivité du savoir, qu'il est désintéressé, qu'il ne cherche qu'à connaître et à faire entrer dans la réalité une rationalité maximale. Il semble donc bien que le roi soit le contraire du philosophe, qu'ils s'opposent par définition. On voit mal comment un homme qui ne cherche qu'à satisfaire ses ambitions et intérêts personnels puisse devenir philosophe. Cependant, est-ce vraiment ce que veut dire Kant ? Si c'est vraiment ce qu'il affirme, alors nul gouvernement juste n'est possible, tout souverain est un despote au moins en puissance qui agit sans tenir compte de la justice. Si tel est le cas, alors Kant se contredit car comment un tel roi pourrait-il suivre les avis du philosophe comme le préconisera la suite du texte ? Pourquoi celui qui refuse de suivre sa raison irait-il suivre les conseils de celui qui fait profession de la raison ? C'est impossible. Ce n'est donc pas toujours le caractère passionné et injuste du roi qui est en cause (même si c'est parfois le cas). Qu'est-ce qui différencie alors le roi du philosophe, même lorsqu'il veut gouverner avec justice ?

Le roi, contrairement au philosophe est un praticien qui s'occupe moins de théoriser longuement que d'agir. Or il arrive que théorie et pratique soient incompatibles. Le roi, parfois, n'a pas le temps. Il ne peut suspendre son jugement en vue de savoir si oui ou non il fait bien d'agir ainsi. Il est des moments où l'action n'attend pas sous peine de la perte du pays. Or cela est contraire à l'attitude philosophique qui se doit d'être prudente, de suspendre son jugement en l'absence de certitude. Le politique n'a pas toujours le temps de philosopher.

Cependant, l'action ne presse pas toujours. Pourquoi alors, même dans ce cas, le roi ne peut-il être philosophe ?

Le roi doit utiliser des moyens non raisonnables. Il recourt à la violence (ce qui ne veut pas dire qu'il le fait toujours sans raison). Il est homme d'expérience et d'habileté. Parfois il lui faut ruser pour maintenir son pouvoir contre les jaloux. Même s'il s'agit d'un roi qui gouverne bien, ceux qui veulent gouverner par profit et s'emparer du pouvoir existent. Contre eux, la raison ne peut rien. Il faut employer la ruse, la violence, des moyens qui ne sont en rien philosophiques. Il faut savoir calculer (cf. Machiavel, Le Prince). La politique n'est pas seulement un savoir (même si elle l'est aussi), il y faut surtout l'habileté pratique, l'utilisation de calculs empiriques pour des raisons stratégiques. Un roi ne gouverne pas seul. Il est soutenu par des groupes et même un roi qui serait conscient de l'intérêt de son peuple doit tenir compte de ces groupes et s'en méfier. Le politique doit être habile, ce qui ne va pas parfois sans dissimulation. Pour mener à bien une politique même raisonnable, il faut parfois employer des moyens qui ne le sont pas. La politique est un art au sens où elle suppose le calcul en fonction d'une situation pratique toujours particulière. Le philosophe lui raisonne sur le général. Ses principes valent partout. Le politique, lui, doit s'adapter à des situations par définition toujours uniques s'il est vrai que l'histoire ne se répète pas.

L'exercice du pouvoir ne demande donc pas des qualités de philosophe. Cela ne signifie pas pour autant que le philosophe soit inutile au roi (nous le verrons dans la suite du texte). Mais les qualités du roi ne sont pas celles du philosophe. Si la théorie et la pratique sont liées, complémentaires, s'il est bon que le praticien soit aidé du théoricien, il n'en reste pas moins vrai que ce sont des activités différentes.

Pourquoi, en second lieu, ne faut-il pas non plus s'attendre à ce que les philosophes deviennent rois ?

D'abord un philosophe ne peut prendre le pouvoir par la force. Cela ferait de lui un tyran. La violence répugne au philosophe.

Il ne peut donc devenir roi que si on fait appel à lui, événement des plus improbables. Les non philosophes se préoccupent peu de reconnaître les qualités du philosophe. En concurrence avec des non philosophes lors d'une élection, il ne sera pas assez habile ou assez démagogue.

Du reste le philosophe désire-t-il vraiment gouverner ? Le pouvoir ne le tente pas car il n'a pas la passion des honneurs mais seulement celle de la vérité. Ce qu'il veut c'est que le pouvoir le laisse penser et s'exprimer (comme d'ailleurs tous les citoyens de la cité). Il veut avoir le droit de critiquer l'injustice, de dire ce qui est juste. Mais les intrigues du pouvoir ne le tentent pas. Peut-être même serait-il incompétent, en tant qu'il n'aurait pas toutes les qualités qui font le bon politique. Il n'est pas praticien ce qui ne signifie nullement qu'il ne souhaite pas que d'autres (les gouvernants, les rois) mettent sa théorie en pratique. Le philosophe est vis-à-vis du politique, ce que le scientifique est au technicien. Le scientifique énonce des lois générales valables en pratique mais c'est le technicien qui les adapte aux cas particuliers. De la même façon, ce n'est pas le rôle du philosophe que de gouverner,

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