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Mythe De Gygès

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Par   •  2 Mai 2013  •  1 902 Mots (8 Pages)  •  1 496 Vues

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Le mythe de Gygès

Avant d’en entamer l’interprétation, il paraît utile de proposer une brève narration de ce mythe et de ses origines. Howland mentionne qu’il existait déjà un mythe de Gygès, mis par écrit par Hérodote, différent de celui de l’ancêtre de Gygès, raconté par Glaucon. Car l’une des particularités de ce mythe est qu’il est narré par Glaucon et non par Socrate. Nous verrons plus loin si nous pouvons donner une interprétation à ce choix du narrateur. Le personnage principal de ce mythe est désigné par le seul terme de « berger ».

Source : Fromoldbooks.org

Ce berger est l’ancêtre de Gygès le Lydien, probablement celui mentionné par Hérodote et dont nous verrons le récit juste après. Il découvre dans une crevasse un cadavre portant un anneau d’or dont il s’empare. En tournant le chaton vers l’intérieur, il constate qu’il devient invisible aux personnes qui l’entourent. « Il s’arrangea aussitôt pour faire partie des messagers délégués auprès du roi et, parvenu au palais, il séduisit la reine. Avec sa complicité, il tua le roi et s’empara ce faisant du pouvoir[1]». La version d’Hérodote est différente, à tel point que seuls quelques aspects sont similaires à celle de Glaucon. « Comme dans le conte de Glaucon, Hérodote raconte l’histoire d’un homme qui monte sur le trône en tuant un roi et en épousant sa veuve[2]». Candaule, roi de Lydie, fier de la beauté de sa femme, oblige son garde du corps Gygès à voir la reine nue, ce qui est contraire à la loi. Bien que Gygès s’y oppose le roi l’y oblige, et le cache dans un réduit afin qu’il puisse voir la reine sans être vu d’elle. La reine s’en aperçoit et décide de se venger. Elle oblige Gygès à l’épouser ou à mourir. Gygès choisit de rester en vie, et tuera le roi à l’endroit même où s’était produite l’offense de la reine, après s’être caché dans le même réduit. Gygès deviendra roi à la place de Candaule après avoir épousé sa veuve.

Ce que le mythe remet en question pour Howland, c’est notre capacité de juger qu’un homme soit juste ou non. Et donc de manière plus générale, c’est notre capacité interprétative qui est remise en cause. Ce mythe met en lumière cette capacité, et trouvera sa réponse dans la rédaction de la Callipolis. Réponse incompréhensible si l’interprétation n’est pas utilisée. Bien qu’Howland de ne le dise pas, ces récits parlent au fond d’identité, celle que nous nous reconnaissons – la compréhension que nous avons de nous-mêmes – et celle que les autres nous attribuent. Candaule se voit puissant et digne d’envie, et le berger a la réputation d’un juste ; aucune de ces deux interprétations de leurs identités n’a atteint l’intérieur véritable de leur âme. Nous verrons pourquoi si nous voulons philosopher sur ce qui constitue notre identité, notre âme, ou notre être, nous ne pouvons peut-être passer que par un récit.

Pour Howland, ce qui est intéressant à interpréter c’est la manière dont les personnages qui commettent une injustice s’envisagent et peuvent s’imaginer à la place d’autrui. « Les deux histoires traitent de la justice et de l’injustice, de la visibilité et l’invisibilité, et des façons dont nous parvenons à voir par les yeux des autres ou n’y parvenons pas [3]». Selon lui, l’interprétation et la justice seraient liées à la capacité de se mettre à la place d’autrui, à l’empathie, et c’est ce que dévoilent ces mythes. Selon lui, « l’injustice est par conséquent liée à un défaut d’imagination interprétative [4]». Si le berger, grâce à son anneau, peut jouir de son injustice, c’est parce qu’il ne se rend pas compte qu’il est injuste. Le berger est invisible aux yeux d’autrui, mais aussi à ses propres yeux. Howland nous dit que l’homme injuste ne se voit pas tel qu’il est, à savoir un homme injuste. En effet, Candaule par exemple se voit plutôt comme un homme puissant, les autres n’étant pour lui qu’un reflet de ce qu’il veut voir en lui-même. Il ne peut se mettre à la place des autres pour voir qu’ils subissent une injustice de sa part, il peut s’imaginer à leur place mais il interprète mal ce que les autres peuvent ressentir.

Ainsi, seul l’intéresse chez Gygès la possible lueur d’admiration et d’envie de son regard lorsqu’il verra la beauté de la reine. Il ne voit en Gygès qu’un instrument pour confirmer son orgueil et flatter son ego. Si le berger, ou Candaule, agissent injustement, ce n’est pas à cause d’un défaut d’empathie, mais bien à cause d’une mécompréhension d’eux-mêmes. Et non pas, comme semble l’exposer Howland, parce qu’il a un défaut d’empathie qu’il ne peut ensuite se reconnaître injuste. C’est parce que l’homme injuste possède une compréhension erronée de lui-même qu’il ne peut ensuite se projeter dans le regard d’autrui et se reconnaître en retour tel qu’il est; un homme qui fait subir l’injustice à autrui. Nous avons une précompréhension de nous-mêmes, celle-ci précède toute forme de compréhension ultérieure et en constitue la condition de possibilité, nous verrons pourquoi. De cette mécompréhension de lui-même découle cette imagination limitée, qui empêche l’empathie d’avoir lieu correctement. Car malgré tout, l’homme injuste s’imagine ce qu’autrui doit ressentir. Cet homme manquant de capacité interprétative ne sait pas se projeter dans le regard d’autrui, ou s’il le fait, seul un reflet tronqué lui apparaît.

Pourquoi utiliser un mythe, et dans quel but ?

Pour observer de façon fictive les actions d’un homme qui semblait juste, une fois devenu intouchable. « Accordons à l’homme juste et à l’homme injuste un même pouvoir de faire ce qu’ils souhaitent; ensuite, accompagnons-les et regardons où le désir de chacun va les guider [5]». On constate que le berger est devenu injuste dès qu’il a acquis son immunité.

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