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Faut-il être libre pour être heureux ?

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Par   •  27 Décembre 2021  •  Dissertation  •  2 636 Mots (11 Pages)  •  3 288 Vues

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Faut-il être libre pour être heureux ?

Pascal nous dit dans Les Pensées : « Tous les hommes recherchent d’être heureux. Cela est sans exception, quelques différents moyens qu’ils y emploient. Ils tendent tous à ce but. Ce qui fait que les uns vont à la guerre et que les autres n’y vont pas est ce même désir qui est dans tous les deux, accompagné de différentes vues. La volonté [ne] fait jamais la moindre démarche que vers cet objet. C’est le motif de toutes les actions de tous les hommes. Jusqu’à ceux qui vont se pendre. » Être heureux, voilà bien le but que se donne tout homme dans son existence. Tout le problème est de savoir en quoi ce bonheur tant recherché consiste et quels sont les moyens d’y parvenir. Si l’on peut penser que tout individu recherche le bonheur, il faut reconnaître la difficulté d’un accord sur la nature de celui-ci et sur les chemins à emprunter pour l’atteindre. Le bonheur est souvent confondu avec le plaisir, avec des moments de joie. D’un point de vue plus philosophique on pourrait le définir comme un état de bien-être durable, stable, et total, sans quoi le bonheur ne serait précisément plus le bonheur. Il paraît donc s’opposer à tout ce qui revêt un caractère éphémère, fugace, superficiel. Il semble que pour parvenir à ce stade il faille un certain nombre de conditions, qui permettent ou favorisent la stabilité et la plénitude recherchées. A en croire l’opinion commune, le bonheur passerait essentiellement par la liberté de pouvoir assouvir l’intégralité de ses désirs. Mais la liberté est-elle véritablement une condition essentielle du bonheur, et en quel sens faut-il entendre ce concept ? Faut-il être libre pour être heureux ? Car si l’on identifie le bonheur à la satisfaction intégrale des désirs, ne nous exposons-nous pas plutôt au malheur, devenant esclaves de nos désirs et impulsions ? Pourtant, nous pouvons aussi penser qu’il est impossible d’être heureux sans disposer d’un minimum de « liberté » dans ses choix, dans ses actions, dans ses possibilités, aussi bien matérielles, que culturelles ou intellectuelles etc. Mais que ces critères valent-ils ? N’est-il pas possible d’envisager le bonheur sans la liberté ? Le sujet présuppose que la liberté soit un, ou « le » moyen pour atteindre le but qu’est le bonheur. Mais tout dépend du sens que nous donnons au « bonheur » et au fait d’être « libre ». Il est nécessaire de s’interroger sur la corrélation entre bonheur et liberté car le bonheur est le grand but de la vie humaine et il est le mobile de toutes nos actions. La liberté semble également être une valeur humaine fondamentale, sans cesse bafouée on ne cesse de lutter pour la revendiquer, la préserver ou l’élargir. Nous affirmerons dans un premier temps que la liberté est une condition essentielle du bonheur. Cela étant, il nous faudra relativiser notre point de vue en montrant que la liberté en ce sens peut bien plutôt conduire à un asservissement, et donc au malheur. Pour finir, nous proposerons d’envisager la liberté comme condition nécessaire, mais non suffisante du bonheur.

Première partie

La liberté est une condition essentielle du bonheur. Comment pourrais-je être heureux si je n’étais pas libre ? Mon bonheur passe par les plaisirs, les multiples joies que j’éprouve dans ma vie. Ces plaisirs et ces joies je les ressens quand j’accomplis mes désirs, quand je suis mes envies, quand je ne sens pas d’entrave à mon action. Pour éprouver du plaisir, il faut ne pas se sentir limité, mais pouvoir laisser libre cours à ses envies. En ce sens, tout ce qui me limite est un obstacle à mon bonheur. L’homme a besoin de se sentir libre, et la jouissance de cette liberté conduit au bonheur.

Celui qui n’est pas d’accord avec cette idée n’est sans doute pas assez fort et sûr de lui pour réellement assumer ses envies. Se refuser la satisfaction illimitée de ses désirs est une forme de faiblesse. C’est ce qu’affirme Calliclès (un personnage célèbre dans les dialogues de Platon) dans le Gorgias : toute limite est une frustration. Ceux que Socrate nomme sages, les tempérants, ceux qui agissent avec réflexion et modération, Calliclès les estime fous. Il défend ainsi une position hédoniste radicale : la vie heureuse est une vie de plaisirs. Il faut vivre sans limite ni contrainte, assumer ses désirs et chercher à les satisfaire au maximum.

Selon Calliclès ce sont « les faibles » qui sont à l’origine de l’institution des lois. En effet ils ont besoin de protection et de sécurité. Ils préfèrent donc vivre avec des restrictions que de vivre sous le joug des plus forts. Mais cette limitation de la force est injuste pour Calliclès puisqu’elle brime la satisfaction des désirs des plus forts. Il l’exprime de la sorte : « La loi est faite par les faibles et par le plus grand nombre. C'est donc par rapport à eux-mêmes et en vue de leur intérêt personnel qu'ils font la loi et qu'ils décident de l'éloge et du blâme. Pour effrayer les plus forts, les plus capables de l'emporter sur eux, et pour les empêcher de l'emporter en effet, ils racontent que toute supériorité est laide et injuste, et que l'injustice consiste essentiellement à vouloir s'élever au-dessus des autres : quant à eux, il leur suffit, j'imagine, d'être au niveau des autres, sans les valoir. Voilà pourquoi la loi déclare injuste et laide toute tentative pour dépasser le niveau commun, et c'est cela qu'on appelle l'injustice. » L’injustice est au contraire pour Calliclès de contrer la « loi du plus fort », loi naturelle universelle qui devrait régir les comportements humains sans intervention de lois artificielles.

Mais cette position ne conduit-elle pas à faire de l’homme un animal au même rang que les autres, se laissant aller à l’impulsion de ses appétits bestiaux ? De plus, cette logique du plus fort est-elle vraiment pertinente pour la vie humaine en collectivité ? En effet, ce raisonnement se détruit lui-même à peine la question de la coexistence des humains considérée : si chacun fonctionnait à la manière de Calliclès, les hommes se rendraient esclaves les uns des autres, et encore à plus forte raison d’eux-mêmes. La liberté totale (comprise comme absence de contrainte, de quelque nature soit-elle) ne peut donc absolument pas conduire au bonheur, compris comme état de sérénité et de satisfaction durable.

Deuxième partie

En effet, la véritable liberté ne doit pas être comprise comme pouvoir de faire absolument tout ce que l’on désire quand on le désire. Cette forme de liberté conduit au chaos social d’une part et à l’aliénation de soi d’autre part, c'est-à-dire à la souffrance. Le bonheur n’est pas à trouver dans la satisfaction fugace et éphémère des désirs mais dans la construction d’un état de contentement stable et durable.

C’est pourquoi, dans le domaine du Droit, l’homme choisit de troquer sa liberté naturelle contre une liberté restreinte mais garantie par un Etat qui le protège et lui assure le respect de ses droits fondamentaux (Rousseau, Du Contrat social). Consentir à la limitation du droit n’est pas une preuve de faiblesse mais d’intelligence : il s’agit de se transposer pour envisager les conséquences de ses actions sur la personne d’autrui. Comme le signifie l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. » Pour construire une vie ensemble et être heureux ainsi, il faut accepter de limiter son action par respect pour autrui.

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