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Faut-il souffrir pour apprendre à être heureux ?

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Par   •  17 Décembre 2012  •  2 578 Mots (11 Pages)  •  4 165 Vues

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L’expérience du mal est ambiguë : celui-ci peut parfois paraître salutaire et ouvrant sur le bien. La souffrance et le bonheur, certes ne semblent pas compatibles : il serait contradictoire de pouvoir souffrir tout en étant heureux. Toutefois, il apparaît plus probable que la souffrance et le bonheur soient deux étapes successives ayant des liens de causalité. En effet, nous sommes coutumiers de tels renversements : la douleur appelle à la médecine, la pauvreté invite à la sagesse… Ainsi faut-il souffrir pour apprendre à être heureux ?

Il s’agit dès lors de se demander si la souffrance, qui est une forme du mal, est une condition nécessaire et suffisante au bonheur. Encore faut-il tout d’abord s’entendre sur la possibilité d’un apprentissage du bonheur et sur ce que signifie " être heureux ". Etre heureux, est-ce un état fortuit ou le résultat d’une activité ? Faut-il souffrir pour pouvoir enseigner aux autres comment être heureux ? Le bonheur est-il essentiellement individuel ou ne peut-il pas également être collectif ?

Dans la perspective de ces réflexions, on peut tout d’abord se mettre d’accord sur l’éventualité d’un accès au bonheur par le biais d’un apprentissage. Dans un second temps, nous verrons si l’on peut apprendre à être heureux sans souffrir, puis en quoi le passage par la souffrance peut au contraire être révélateur du bonheur, être en quelque sorte une " nécessité " au bonheur, nécessité qui poserait alors le problème de la justification du mal. Enfin, il sera intéressant de se demander si la souffrance est une condition suffisante pour apprendre à être heureux.

Bonheur et souffrance sont, au premier abord, deux termes contraires. Le premier se réfère au bien en tant que complète satisfaction intérieure tandis que le second correspond à une forme du mal, le mal subi que Leibniz appelle " mal physique ".

Ainsi, être heureux, c’est éprouver du bonheur. Or bonheur signifie " bon-heur ", dérivé du latin augurium qui signifie " augure ", " chance ". Le bonheur, comme le malheur, est donc quelque chose qui arrive, qui nous échoît sans qu’on ne s’y attende. Mais il est alors du même coup précaire, et échappe à toute tentative de maîtrise. L’acception courante, toutefois, le fait passer pour un état maîtrisable que l’on peut chercher à atteindre volontairement.

Les philosophies antiques nous proposent cela. En effet, elles considèrent le bonheur comme le Souverain Bien, c’est-à-dire, la fin suprême à laquelle toutes les autres sont subordonnées. En disant cela, elles affirment que le bonheur n’est pas un don mais qu’il peut être produit, qu’il est en quelque sorte en notre pouvoir et qu’il doit être recherché. C’est donc à donner une définition du bonheur qui en rende la maîtrise possible que s’est attachée la pensée antique. Il s’agit donc de philosophie pratique et didactique qui s’assimilent presque à des " recettes " pour être heureux tel que le " tetrapharmakos ", le quadruple remède énoncé par Epicure dans la Lettre à Ménécée. L’hédonisme épicurien consiste en une satisfaction mesurée des désirs et à éviter les souffrances afin d’atteindre l’ataraxie. D’une toute autre manière, les Stoïciens préconisent l’éloignement de tout ce qui pourrait troubler la paix de l’âme, essentiellement les passions, considérées comme des mouvements antinaturels.

Il apparaît donc que le bonheur peut faire l’objet d’un apprentissage et donc qu’il peut être enseigné comme le proposent les différentes écoles antiques.

Et en effet, peut-on dire si l’on naît heureux ou malheureux ? On naît innocent puisque, dans un sens, on n’a pas encore commis de faute, et dans un autre, on n’a pas de conscience, autrement dit pas de connaissance du malheur ni du bonheur. A la naissance, l’homme est seulement perfectible comme l’énonce Rousseau dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, c’est-à-dire qu’il est capable de progresser. Dans l’ " état de nature ", l’homme fait l’expérience d’un bonheur inconscient. Ce n’est qu’avec la confrontation à l’autre et l’émergence de la conscience que l’homme accède à une connaissance du bonheur et du malheur. L’apprentissage du bonheur ne peut se faire qu’avec l’émergence de la conscience. Ainsi, dès sa naissance, l’homme est appelé à évoluer, à progresser. Tout accès au bonheur pourrait ainsi nécessiter une forme d’initiation. Mais comment pourrait s’effectuer cet apprentissage ?

Force est de constater que le parcours de la vie est surmonté d’obstacles, semé d’embûches. En effet, la vie est une confrontation aux maux ; le mal est partout et tout le temps. Ainsi, la naissance de l’homme en elle-même est une souffrance, et même auparavant, le fœtus peut être sujet à des douleurs prénatales. Est-ce à dire que le bonheur passe nécessairement par de la souffrance ? Ne peut-on pas concevoir un accès au bonheur sans passer par des expériences douloureuses ?

Si, par exemple, on considère le bonheur comme un état d’unité, d’harmonie, si être heureux, c’est " vivre en harmonie avec la nature " comme le déclarent les philosophes antiques de la sagesse, alors la souffrance ne semble pas un moyen d’y accéder.

En effet, par la souffrance physique, par exemple, " l’opposition entre le corps et l’esprit est radicalisée " (Frédéric Laupies) ; l’homme conçoit la souffrance qu’il ressent comme une étrangeté. Le sujet perd ainsi de son unité. La souffrance rend non seulement l’unité du moi impossible, mais également l’accord entre soi et le monde. Le sujet peut alors faire l’expérience de la solitude comme le personnage de Job dans Le livre de Job qui, souffrant de multiples maux, s’écrie : Vous voyez que je ne trouve en moi-même aucun secours et mes propres amis m’ont abandonné. En ce sens, la souffrance ne peut pas amener à vivre en harmonie avec la nature. Les épicuriens préconisent ainsi de fuir toute sorte de douleurs et de rechercher les plaisirs simples. Pour l’épicurisme, pour être heureux, il faut se détacher de la souffrance.

On peut se demander, en outre, si l’observation de la souffrance d’autrui peut suffire à révéler et augmenter notre bonheur comme le soutient Lucrèce dans le De Natura Rerum : il est doux de regarder les maux dont on est soi-même exempt. Mais peut-on réellement être témoin des souffrances d’autrui sans compatir ou sans avoir pitié ? Le cas échéant, cette attitude est moralement condamnable. Et lorsqu’il tombe dans un mouvement de compassion ou de

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