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Existe t-il des arts mineurs ?

Dissertation : Existe t-il des arts mineurs ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  13 Janvier 2022  •  Dissertation  •  3 514 Mots (15 Pages)  •  435 Vues

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Kim                                                                      Philosophie                                                     KHAL

JEDREZAC        

        En novembre 2012, le MoMA, Museum of Modern Art à New York, a pris la décision d'intégrer 14 jeux vidéo à sa collection d'oeuvre d'art, un an après que la cour suprême des Etats-Unis a reconnu les jeux vidéos comme un art et six ans après que le ministère de la Culture en fasse de même en France. Bien que le sujet fasse encore débat, les jeux vidéos sont donc juridiquement reconnus comme une forme d'art majeur. Le classement des arts appelés « majeurs » est donc encore actuellement en train d'évoluer et il regroupe maintenant l'architecture, la sculpture, la peinture, la musique, la poésie, le théâtre, le cinéma, la photographie et plus récemment les arts médiatiques, la bande dessinée puis enfin les jeux vidéos. Néanmoins, cette catégorisation reste très rigoureuse et continue d'exclure certaines formes d'arts, comme les arts dits « mineurs », par exemple. Les arts mineurs désignent eux toute forme d'art qui n'est ni sculpture, ni peinture, ni architecture, on les appelle aussi les arts décoratifs, et leur est but est généralement de décorer un intérieur ou un objet, comme le font la tapisserie, l'orfèvrerie ou la bijouterie, par exemple. Nous sommes alors en droit de nous interroger : cette distinction entre arts majeurs et arts mineurs est-elle vraiment fondée ? Existe t-il de vrais critères pour distinguer des formes d'arts de cette manière ? Il peut d'abord sembler possible de distinguer des formes artistiques et de juger qu'il en existe des plus élaborées et des plus précieuses que d'autres. Pourtant, nous pouvons également trouver des failles et des exceptions dans ce raisonnement qui prouvent bien que le concept d'art majeur ou d'art mineur est plus flou qu'il n'y paraît. Il apparaît alors que cette distinction repose peut-être avant tout sur des critères sociaux et sur la façon dont les individus appréhendent les domaines artistiques.

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        On peut d'abord juger que nous sommes en mesure de distinguer  différentes formes d'arts et d'établir des critères pour maintenant des catégorisations comme arts majeurs et arts mineurs : on opère en effet ces distinctions depuis l'Antiquité en jugeant de la démarche et de la réflexion intellectuelles autour de la production artistique.

        Nous pouvons donc commencer notre réflexion en nous fondant sur les distinctions qui ont été faites par le passé entre les différentes forme d'art. En effet, il existait par exemple déjà à l'Antiquité grecque une différence établie entre les arts « libéraux » et les arts « serviles » : les arts libéraux se distinguaient par leur côté opératoire et leur savoir désintéressé, tandis que les arts serviles avaient pour objet la production utilitaire. Le Moyen-Age a hérité de cette distinction avec les arts libéraux et les arts mécaniques : les arts libéraux désignaient eux aussi les métiers associés au savoir, comme la géométrie, l'astronomie ou la rhétorique, par exemple. Ces formes d'arts représentaient le cursus donné aux étudiants, à la Faculté, et ils s'opposaient donc aux arts mécaniques, ceux qui exigeaient un effort manuel, comme la fabrication de la laine ou l'agriculture. Nous retrouvons finalement de nos jours la même distinction qu'à l'Antiquité ou au Moyen-Age, entre une forme d'art qui ouvre à la réflexion intellectuelle, les arts majeurs, et une forme d'art plus opératoire et physique, les arts mineurs. Par exemple, la poésie peut décrire les sentiments dans un travail stylistique élaboré, c'est une démarche spirituelle et réfléchie, tandis que l'orfèvrerie demande un simple effort manuel pour fabriquer un objet en or. On peut également observer la distinction qui persiste entre les arts jugés majeurs et les arts jugés mineurs à travers les écoles et les musées : on observe en effet que les Beaux-Arts et les arts décoratifs sont toujours séparés, comme à Paris par exemple entre le musée du Louvre et celui des « Arts Décos ». Il serait donc possible de distinguer d'abord les arts mineurs par leur caractère manuel, physique, sans réflexion spirituelle comme c'est le cas pour les arts majeurs, et cette distinction s'observe dans les différentes classifications proposées pour les arts.

        De plus, nous pourrions considérer que les arts mineurs sont plus proches du travail que les arts majeurs. En effet, les divers domaines associés aux arts mineurs appartiennent à l'artisanat, que l'on associe plutôt à une activité mercantile. C'est une distinction que propose également Kant dans Critique de la faculté de juger, en opposant l'artisanat aux arts esthétiques : selon le philosophe, les arts esthétiques regroupes des activités libérales et autotéliques, leurs bénéficiaires sont les amateurs d'arts ou les esthètes mais cette forme d'art est produite pour le plaisir, tel un jeu. Au contraire, l'artisanat, bien qu'il puisse être pratiqué avec plaisir, reste un travail, une activité mercantile dont le but est de gagner un profit. Nous pourrions alors reprendre cette distinction pour différencier les arts majeurs et les arts mineurs : les arts mineurs comme la tapisserie ou la marqueterie ne sont-ils pas plus proches du travail tandis que la conception d'une peinture ou d'une pièce de théâtre plus proche du jeu et de l'amusement gratuit ? Nous pourrions donc aller dans le même sens que Kant et juger qu'arts majeurs et arts mineurs se distinguent aussi par la façon dont l'artiste ou l'artisan envisage son activité et si elle est plus proche du jeu ou du travail. De plus, toutes les formes d'arts impliquent une techne, un savoir-faire, mais nous pourrions estimer que l'artisan des arts mineurs a des qualifications tandis que l'artiste des arts majeurs a un talent inné, un génie naturel qui lui a été attribué par la nature et qui rend les productions des arts majeurs supérieures à celles des arts mineurs, d'où leur séparation.

        Enfin, nous pourrions estimer que les arts mineurs offrent un plaisir visuel tandis que les arts majeurs provoquent un sentiment plus fort et une réflexion spirituelle chez son récepteur. Kant propose une distinction similaire dans Critique de la faculté de juger en séparant les  arts d'agrément et les Beaux-Arts. En effet, le philosophe explique que les arts d'agrément sont de l'ordre de l'agréable et de la sensation, ils offrent un plaisir simple et sans réflexion intellectuelle, contrairement aux Beaux-Arts qui invitent aux jugements et aux discussions. Avec cette distinction en tête, nous pourrions aller dans le même sens que Kant et estimer que les arts mineurs offrent eux aussi du plaisir à leurs récepteurs en les laissant passifs tels les arts d'agréments : ils ne semblent pas inviter  à un jugement ou à une activité intellectuelle, ils sont principalement de l'ordre du pur divertissement, comme une musique de fond à une soirée mondaine ou un vase dans une maison. Au contraire, nous aurions plutôt tendance à placer les arts majeurs du côté des Beaux-Art : architecture, poésie, théâtre rendent leurs récepteurs actifs, ils les poussent à livrer une réflexion intellectuelle et spirituelle. C'est aussi pour cette raison que les arts placés sous l'appellation « arts majeurs » semblent supérieurs aux arts mineurs, ils n'ont pas de fin extérieur, ils se suffisent à eux-mêmes et ne provoquent des sensations agréables mais transportent leurs récepteurs dans des réflexions plus profondes et spirituelles. Par exemple, il est possible de se sentir captivé par le regard de la Jeune fille à la perle du peintre Vermeer, mais pas par des colliers faits par un artisan-bijoutier. De cette manière, il semble encore possible de proposer une distinction entre les arts mineurs et les arts majeurs. Les arts mineurs répondent en effet à une utilité et ils offrent un plaisir passif à leurs récepteurs tandis que les arts majeurs sembler se suffir à eux-mêmes et inviter à la réflexion, ils provoqueraient des réactions plus profondes chez un individu.

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