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Les fondements constitutionnels de l'insurrection au Burkina Faso

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Par   •  3 Février 2017  •  Dissertation  •  3 879 Mots (16 Pages)  •  863 Vues

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Les fondements constitutionnels de l’insurrection

Action Tank UPO

Guetwendé Gilles SAWADOGO, Adama Lucie TIEMTORE, Abdoul Fataf NIKIEMA

Introduction

« Libérez Kossyam »[1] ! Ainsi scandaient les milliers, voire les millions de manifestants dès la marche-meeting organisée le 28 octobre 2014 par l’opposition politique du Burkina Faso contre le projet de révision de l’article 37 de la Constitution initié par le régime du Président Blaise Compaoré[2].  Les évènements se sont défilés assez vite et trois jours plus tard, le Président Blaise Compaoré rend sa démission. Le bilan des trois jours de manifestation est lourd : des millions de manifestants dans les rues de la quasi-totalité des villes du pays, des biens et immobiliers appartenant à des personnes privées et publiques saccagés et incendiés, des scènes de pillage tous azimuts, de nombreux blessés et pertes en vies humaines. Ces évènements ont été quasi-unanimement qualifiés d’insurrection populaire. Ce faisant, l’on parle de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014[3].  Mais qu’est-ce qu’une insurrection ? Etymologiquement, le mot insurrection dérive du latin « insurrectio » qui signifie « se lever (pour attaquer) ». Elle est un mouvement populaire spontané tendant à renverser les pouvoirs publics établis[4] dans un Etat. Elle peut être aussi entendue comme « tout mouvement populaire organisé contre un système de gouvernement établi et tendant à opérer un changement de l’ordre politique, constitutionnel, économique et social global dans un Etat »[5] Ce mouvement est caractérisé par son caractère violent. Il consiste en une résistance à une autorité légalement établie, en un reniement du droit existant. « Comme le dit LEBRETON, la raison d’être de l’insurrection est de s’affranchir, voire se retourner contre le droit existant[6]. Dès lors se pose la question de la légalité d’un tel mouvement. A-t-on le droit de résister à des autorités légalement établies ou à des lois régulièrement adoptées ? Pour certains théoriciens, cela est inconcevable. Pour Emmanuel KANT, « toute opposition au pouvoir législatif suprême, toute révolte destinée à traduire en actes le mécontentement des sujets, tout soulèvement qui éclate en rébellion est, dans une république, le crime le plus grave et le plus condamnable, car il en ruine le fondement même. Et cette interdiction est inconditionnelle… »[7] Force doit rester à la loi et à ce sujet, KANT s’explique : « la raison qui assigne au peuple le devoir de supporter un abus, y compris l’abus du pouvoir suprême déclaré insupportable, tient à ceci : c’est que sa résistance contre la législation suprême ne peut jamais être pensée autrement que contraire à la loi, voire comme quelque chose qui détruit complètement la constitution civile »[8]. Selon une conception classique, « la résistance à l’oppression n’a pas trouvé sa place dans le droit[9]. Cette conception est battue par les révolutionnaires qui ont fait de « la résistance à l’oppression » « un droit naturel et imprescriptible »[10]. Ils disposent que « quand le gouvernement viole les droits, l’insurrection devient pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs »[11]. Cette consécration d’un droit à l’insurrection est inédite en France et n’a plus été affirmée dans les Constitutions qui suivirent.

L’histoire du monde donne de voir des cas des mouvements de résistance à l’autorité et au droit qui prennent les qualificatifs de soulèvement, révolution ou insurrection. L’actualité des insurrections se concentre en Afrique où les peuples égyptien, tunisien, libyen ont mis en œuvre ce que l’on a appelé le printemps arabe en 2011. Plus récemment, les évènements des 30 et 31 octobre 2014 ayant conduit à la chute du régime Compaoré constituent une actualité brûlante de ce sujet. Nous trouvons là, l’intérêt pressant d’étudier les fondements constitutionnels de l’insurrection populaire qui semble être un mécanisme normal dans nos Etats modernes dès lors que les gouvernants manquent à leur devoir de servir l’intérêt général avec loyauté, justice et transparence. L’insurrection s’impose donc comme un moyen de lutte contre la dictature[12]. Pour Géneviève KOUBI, « le droit à l’insurrection est alors pour le peuple un moyen de sauvegarder ses principes et ses valeurs ou de les restaurer, ce à l’encontre même du droit en vigueur et dans la conscience de ses cultures »[13]. Nous limiterons notre étude à la recherche des fondements constitutionnels de l’insurrection populaire dans le système juridique burkinabè. La constitution burkinabè reconnait-elle au peuple un droit de s’insurger contre les gouvernants tel que cela s’est passé les 30 et 31 octobre 2014 ? Quelles dispositions constitutionnelles expresses, si elles existent, consacrent un « droit à l’insurrection » ?

Des traces d’une consécration expresse d’un droit à l’insurrection n’ont pas été retrouvées dans le droit positif burkinabè. Les constituants et législateurs des régimes qui se sont succédé n’ont pas jugé utile de statuer sur cette question malgré le précédent insurrectionnel dont dispose notre pays[14]. Aucune disposition de la Constitution burkinabè ne donne expressément le droit au peuple de se soulever ou de s’insurger. Les fondements constitutionnels de l’insurrection ne peuvent donc être trouvés que par une interprétation et une lecture croisée de plusieurs dispositions de la Constitution. Cette méthodologie nous amène donc à distinguer les fondements constitutionnels directs de l’insurrection (I) des fondements constitutionnels indirects ou encore les prémices du droit à l’insurrection dans la Constitution (II).

  1. Les fondements constitutionnels directs de l’insurrection

Par fondements constitutionnels directs de l’insurrection, nous entendons les dispositions de la constitution qui permettent de soutenir la constitutionnalité de l’insurrection. S’il n’existe pas de consécration expresse du droit à l’insurrection dans l’ordre constitutionnel  burkinabè (A) l’on peut lire un justificatif constitutionnel de celle-ci à travers la constitutionnalisation du principe de souveraineté du peuple (B).

  1. L’inexistence d’un droit formel à l’insurrection

Si l’on devait s’en tenir au texte de la Constitution du 2 juin 1991, l’on qualifierait l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 d’illégale et contraire à la Constitution. L’on pourrait même être tenté de qualifier le renversement du régime du Président Blaise Compaoré comme étant un changement anticonstitutionnel de gouvernement[15]. Aucune disposition de la constitution n’autorise expressément le peuple à s’insurger contre le pouvoir légalement établis. Le droit à la désobéissance civile reconnu aux citoyens[16] n’est pas un droit à l’insurrection car la désobéissance civile se distingue de l’insurrection par le caractère violent de cette dernière.

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