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Etat et monopole militaire en Afrique : cas des Kogl wéogo au Burkina Faso

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Par   •  14 Avril 2019  •  Discours  •  2 314 Mots (10 Pages)  •  619 Vues

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État et monopole militaire en Afrique : cas des Koglweogos au Burkina Faso.

Introduction

Le sujet soumis à notre réflexion traite de la jouissance exclusive par l’Etat du monopole militaire en Afrique. Cet état des faits est analysé à travers le cas l’évolution des Kogl wéogos au Burkina Faso depuis la chute du régime Compaoré en fin octobre 2014. « Kogl wéogo » en mooré se traduit littéralement en français par « protéger la brousse » ; mais en réalité il s’agit d’assurer la sécurité des hommes et des biens dans une circonscription donnée. « Depuis 2015, les groupes d’autodéfense Kogl wéogo sont au centre du débat public. Ces groupes sont « nés des besoins des populations décidées à combler par elles-mêmes le déficit sécuritaire dans leurs localités ». Sanoussa Gansonré distingue deux générations de Koglwéogo. Les groupes de la première génération sont nés dans la région du nord dans les années 2000 ; ils ont une existence légale et coopèrent avec les forces de sécurité. Les groupes de la seconde génération, d’origine récente, opèrent pour la plupart sans base légale et disputent à l’Etat ses monopoles militaire, fiscal et judiciaire. Ce sont ces derniers qui suscitent la controverse »[1] et qui feront l’objet de l’étude suivante. On parle de controverse dans la mesure où l’Etat est définie comme « une entreprise politique de caractère institutionnel dont la direction administrative revendique avec succès dans l’application des règlements le monopole de la violence légitime » selon les termes de Max Weber. Alors que les membres des groupes Kogl wéogo se définissent selon la « Charte de Kogl Wéogo »[2] comme « une force de mobilisation populaire pour la sécurité, à l’initiative du chef coutumier de Dassambkandé (Dassambkandé Naaba Soore) [depuis] le 23 août 2013 [en raison de] la montée en puissance de l’insécurité, de la délinquance, du vol, des braquages, etc. »[3]. Le mouvement se dit « apolitique, [être] né autonome, indépendant, et il tient à son autonomie et à son indépendance »[4]. L’on dira que la nature a horreur du vide et que donc le phénomène Kogl wéogo est apparu pour combler un vide laissé par l’Etat Burkinabè dans la gestion des monopoles qui lui confèrent son statut d’Etat. Mais peut-on dans le cadre d’un Etat de droit, concevoir l’existence d’une entité assez indépendante et autonome, et qui s’arroge certaines pratiques qui sont du ressort exclusif de cet Etat ? L’on se pose aussi la question à savoir si exécuter des tâches qui sont du ressort du monopole de l’Etat ne rime pas avec s’opposer à cet Etat, lui contester ce monopole ? Alors si les Kogl wéogo opèrent comme l’antithèse de l’Etat, ils semblent ouvrir la voie à une refondation de l’Etat sur des bases endogènes. Cela nous amène ainsi à adopter une démarche analytique pour montrer que si les Kogl wéogo apparaissent comme une négation de l’Etat (I), ces groupes semblent paradoxalement reproduire le projet étatique (II).

  1. Les Kogl wéogo comme négation de l’Etat

Les méthodes de travail des Kogl wéogo sont aux antipodes des pratiques légales et rationnelles des citoyens d’un Etat moderne. En effet, celles-ci empiètent sur les monopoles militaires, judiciaire et fiscales d’une part et par voie de conséquence induisent une certaine régulation de la société burkinabè.

  1. La perte des monopoles militaire, judiciaire et fiscale de l’Etat

On ne serait pas dans l’erreur de dire que les groupes d’auto-défense Kogl wéogo sont des groupes armés : le « Wibga », volontaire engagé en tant que membre des groupes Kogl wéogo, est doté d’une arme à feu et parfois d’armes blanche qu’il porte de manière ostentatoire. Il est vêtu d’une tenue martiale caractéristique du groupe de sa localité. Cette image vaut pour illustrer le caractère violent qu’incarne les Kogl wéogo. Violence que ceux-ci voudrait qu’elle soit la plus visible possible pour dissuader dans une première mesure mais dont ils n’hésitent pas à faire usage sans graduation dans une seconde mesure. En réalité, cette violence est d’office appliqué dès que la suspicion est établie ou lorsque la dénonciation de l’infraction est faite. Elle n’obéit pas à la réglementation étatique. Elle est appliquée d’initiative et n’est soumise à la régulation que de la personne qui l’applique sans base légale aucune : amarrage à un arbre ou un poteau, humiliation populaire, sévices corporels menant parfois à la mort des victimes. La plupart des pratiques que les Kogl wéogo revendique comme étant des méthodes efficaces de travail sont des atteintes à la dignité et à l’intégrité physique de l’Homme, prévues et condamné par le Droit International des Droits de l’Homme, et pour certaines prévues et punie par la loi pénale du Burkina Faso.

On le sait le monopole de la violence physique est indispensable à un Etat pour garder les autres monopoles tels celui de la justice et de la fiscalité. En matière de justice, les Kogl wéogo, de manière tacite, se comporte plutôt en justicier qu’en juge. Dans la mesure où ils décident directement de la culpabilité de la personne mise en cause sans aucune forme de procès. Dans la pratique, la sanction, violente, est très souvent administrée dès l’interpellation ; la personne incriminée ne devant son salut qu’à la seule condition de payer une amende pécuniaire imposée. Et le constat est que plus vite l’amende est payée, moins l’on souffre du traitement humiliant et violent ; mais dans tous les cas les Kogl wéogo affirment que l’humiliation et les sévices corporels ont pour but de punir l’individu concerné afin de le punir et de servir d’exemple pour les autres.

S’agissant du système fiscal parallèle dont les Kogl wéogo en sont les auteurs, tout comme la violence et la justice parallèles, il se localisent dans les milieux ruraux et péri-urbain de certaines régions du Burkina Faso. C’est dire que le phénomène ne concerne pas tout le territoire national. La taxation faite par les Kogl wéogo concerne d’abord les amendes payées par les personnes interpellées et sanctionnées par eux ; ensuite des taxes sont prélevées dans le domaine commercial en général : la pratique consiste par exemple à ce que la population paie des tickets auprès des Kogl wéogo pour attester que leurs marchandises comme le bétail, ne sont pas d’origine frauduleuse (ne provient pas d’un vol). Ce système se rencontre très souvent dans les zones pastorales du pays où les vols de bétails sont légions. Enfin des cotisations sont imposées à la population afin que celle-ci contribue à l’entretien du matériel des Kogl wéogo et à l’alimentation des Wibsé (pluriel de Wibga).

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