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Le Droit à La Paresse PL

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Par   •  6 Janvier 2014  •  2 377 Mots (10 Pages)  •  927 Vues

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I

Un dogme désastreux

"Paressons en toutes choses,

hormis en aimant et en buvant,

hormis en paressant."

Lessing.

Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis des siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l'amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu'à l'épuisement des forces vitales de l'individu et de sa progéniture. Au lieu de réagir contre cette aberration mentale, les prêtres, les économistes, les moralistes, ont sacro-sanctifié le travail. Hommes aveugles et bornés, ils ont voulu être plus sages que leur Dieu; hommes faibles et méprisables, ils ont voulu réhabiliter ce que leur Dieu avait maudit. Moi, qui ne professe d'être chrétien, économe et moral, j'en appelle de leur jugement à celui de leur Dieu; des prédications de leur morale religieuse, économique, libre penseuse, aux épouvantables conséquences du travail dans la société capitaliste.

Dans la société capitaliste, le travail est la cause de toute dégénérescence intellectuelle, de toute déformation organique. Comparez le pur-sang des écuries de Rothschild, servi par une valetaille de bimanes, à la lourde brute des fermes normandes, qui laboure la terre, chariote le fumier, engrange la moisson. Regardez le noble sauvage que les missionnaires du commerce et les commerçants de la religion n'ont pas encore corrompu avec le christianisme, la syphilis et le dogme du travail, et regardez ensuite nos misérables servants de machines [3].

Quand, dans notre Europe civilisée, on veut retrouver une trace de beauté native de l'homme, il faut l'aller chercher chez les nations où les préjugés économiques n'ont pas encore déraciné la haine du travail. L'Espagne, qui, hélas! dégénère, peut encore se vanter de posséder moins de fabriques que nous de prisons et de casernes; mais l'artiste se réjouit en admirant le hardi Andalou, brun comme des castagnes, droit et flexible comme une tige d'acier; et le coeur de l'homme tressaille en entendant le mendiant, superbement drapé dans sa "capa" trouée, traiter d'"amigo" des ducs d'Ossuna. Pour l'Espagnol, chez qui l'animal primitif n'est pas atrophié, le travail est le pire des esclavages [4]. Les Grecs de la grande époque n'avaient, eux aussi, que du mépris pour le travail: aux esclaves seuls il était permis de travailler: l'homme libre ne connaissait que les exercices corporels et les jeux de l'intelligence. C'était aussi le temps où l'on marchait et respirait dans un peuple d'Aristote, de Phidias, d'Aristophane; c'était le temps où une poignée de braves écrasait à Marathon les hordes de l'Asie qu'Alexandre allait bientôt conquérir. Les philosophes de l'Antiquité enseignaient le mépris du travail, cette dégradation de l'homme libre; les poètes chantaient la paresse, ce présent des Dieux:

O Melibœ, Deus nobis hæc otia fecit [5].

Christ, dans son discours sur la montagne, prêcha la paresse:

"Contemplez la croissance des lis des champs, ils ne travaillent ni ne filent, et cependant, je vous le dis, Salomon, dans toute sa gloire, n'a pas été plus brillamment vêtu [6]."

Jéhovah, le dieu barbu et rébarbatif, donna à ses adorateurs le suprême exemple de la paresse idéale; après six jours de travail, il se reposa pour l'éternité.

Par contre, quelles sont les races pour qui le travail est une nécessité organique? Les Auvergnats; les Écossais, ces Auvergnats des îles Britanniques; les Gallegos, ces Auvergnats de l'Espagne; les Poméraniens, ces Auvergnats de l'Allemagne; les Chinois, ces Auvergnats de l'Asie. Dans notre société, quelles sont les classes qui aiment le travail pour le travail? Les paysans propriétaires, les petits bourgeois, les uns courbés sur leurs terres, les autres acoquinés dans leurs boutiques, se remuent comme la taupe dans sa galerie souterraine, et jamais ne se redressent pour regarder à loisir la nature.

Et cependant, le prolétariat, la grande classe qui embrasse tous les producteurs des nations civilisées, la classe qui, en s'émancipant, émancipera l'humanité du travail servile et fera de l'animal humain un être libre, le prolétariat trahissant ses instincts, méconnaissant sa mission historique, s'est laissé pervertir par le dogme du travail. Rude et terrible a été son châtiment. Toutes les misères individuelles et sociales sont nées de sa passion pour le travail.

II

Bénédictions du travail

En 1770 parut, à Londres, un écrit anonyme intitulé: An Essay on Trade and Commerce. Il fit à l'époque un certain bruit. Son auteur, grand philanthrope, s'indignait de ce que

"la plèbe manufacturière d'Angleterre s'était mis dans la tête l'idée fixe qu'en qualité d'Anglais, tous les individus qui la composent ont, par droit de naissance, le privilège d'être plus libres et plus indépendants que les ouvriers de n'importe quel autre pays de l'Europe. Cette idée peut avoir son utilité pour les soldats dont elle stimule la bravoure; mais moins les ouvriers des manufactures en sont imbus, mieux cela vaut pour eux-mêmes et pour l'État. Des ouvriers ne devraient jamais se tenir pour indépendants de leurs supérieurs. Il est extrêmement dangereux d'encourager de pareils engouements dans un État commercial comme le nôtre, où, peut-être, les sept huitièmes de la population n'ont que peu ou pas de propriété. La cure ne sera pas complète tant que nos pauvres de l'industrie ne se résigneront pas à travailler six jours pour la même somme qu'ils gagnent maintenant en quatre".

Ainsi, près d'un siècle avant Guizot, on prêchait ouvertement à Londres le travail comme un frein aux nobles passions de l'homme.

"Plus mes peuples travailleront, moins il y aura de vices, écrivait d'Osterode, le 5 mai 1807, Napoléon. Je suis l'autorité [...] et je serais disposé à ordonner que le dimanche, passé l'heure des offices, les boutiques fussent ouvertes et les ouvriers

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