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L'arrêt Uber n°374 du 4 mars 2020 (19-13.316)

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Par   •  8 Mars 2021  •  Commentaire d'arrêt  •  3 702 Mots (15 Pages)  •  1 006 Vues

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DST DROIT DU TRAVAIL

L'arrêt Uber n°374 du 4 mars 2020 (19-13.316)

La validité d’un contrat de travail se repose sur un élément indispensable : le lien de subordination, c’est ce critère qui a permis précédemment de reconnaître la qualification d’un contrat de travail. Mais à l’ère des plateformes numériques, le recours à des prestataires de services tels que les livreurs de repas, les chauffeurs d’Uber et bien d’autres ne fait que s’intensifier, et parallèlement à ce phénomène, la jurisprudence sur les « faux » travailleurs indépendants abonde. L’arrêt Uber en est l’illustration parfaite.

Dans cette affaire, M.X le chauffeur, inscrit au registre Sirene, en tant qu’indépendant et débutant son activité pour le compte de la société Uber en 2016, a vu son compte désactivé à partir du mois d’avril 2017 par la société, le privant ainsi de la possibilité de de recevoir de nouvelles demandes de réservation par le biais de la plateforme. Il saisit alors le conseil de prud’hommes de Paris afin de voir qualifier la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée et former des demandes de rappels de salaires et d’indemnités de rupture

Après un jugement de première instance, la Cour d’appel a fait droit à sa demande, elle a retenu l’existence d’un contrat de travail. Mécontentement de cette décision, la société Uber France et Uber B.V forment donc un pourvoi en cassation.

La société invoque dans un premier temps un défaut de multiple fois de base légale au regard de l’article L.1221-1, L.1411-1, L.7341-1 et L.8221-6 du code du travail par la Cour d’appel ; la Cour d’appel n’aurait pas recherché si la conclusion et l’exécution de ce contrat emportaient une obligation à la charge du chauffeur pour la plateforme ou de se tenir à la disposition de cette dernière pour accomplir un travail. Ensuite, celle-ci n’aurait pas recherché si le chauffeur était libre dans le choix d’utiliser ou non l’application, de se connecter aux lieux et heures choisis discrétionnairement par lui, de ne pas accepter les courses proposées par le biais de l’application et d’organiser librement son activité sans l’application. Puis, celle-ci aurait déduit que la société disposait à l’égard des chauffeurs d’un pouvoir de sanction caractérisant un contrat de travail sans expliquer en quoi les exigences posées pour l’utilisation de l’application se distinguent de celles inhérentes à la nature même de l’activité de chauffeur VTC et à l’utilisation d’une plateforme numérique de mise en relation. Enfin, la Cour d’appel aurait affirmé que le système géolocalisation utilisé par la plateforme Uber suffit à établir l’existence d’un lien de subordination tandis qu’il est utilisé que pour contacter avec le client le plus proche et assurer la sécurité des personnes transportées et déterminer le prix de la prestation.

Dans un second temps, la société invoque d’une triple violation de l’article L.1221-1, L.1411-1, L.7341-1 et L. 8221-6 du code du travail par la Cour d’appel ; celle-ci aurait déduit à tort un manque de liberté et ainsi leur subordination du fait de la fixation d’un itinéraire par l’application, puis elle aurait déduit à tort que le chauffeur ne pouvait pas décider librement de l’organisation de son activité, de rechercher une clientèle ou de choisir ses fournisseurs

Lorsqu’il réalise une prestation pour une plate-forme, un fournisseur de service inscrit au répertoire des métiers comme travailleur indépendant, est-il lié par un lien de subordination avec cette société, situation de nature à justifier la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail ?

Dans cet arrêt rendu le 4 mars 2020, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi. D’abord, la Cour de cassation en a déduit, dans cet arrêt, que les dispositions de l’article L.8221-6 du code du travail selon lesquelles les personnes physiques, dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation sur les registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail, n’établissent qu’une présomption simple qui peut être renversée lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre.
Ensuite, le juge affirme que ce chauffeur a intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par cette société, service qui n’existe que grâce à cette plate-forme, à travers l’utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport, que le chauffeur se voit imposer un itinéraire particulier dont il n’a pas le libre choix et pour lequel des corrections tarifaires sont appliquées si le chauffeur ne suit pas cet itinéraire, que la destination finale de la course n’est parfois pas connue du chauffeur, lequel ne peut réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui lui convient ou non, que la société a la faculté de déconnecter temporairement le chauffeur de son application à partir de trois refus de courses et que le chauffeur peut perdre l’accès à son compte en cas de dépassement d’un taux d’annulation de commandes ou de signalements de "comportements problématiques".

Apparues au début des années 2010, les plateformes numériques de mise en relation ne sont pas définies par le Code du travail qui se borne à renvoyer à l’article 242 bis du Code général des impôts, aux termes duquel la plateforme « met en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service ». Concrètement, la plateforme se matérialise par une application permettant aux différents acteurs – prestataire, vendeur, client – d’entrer en contact. La difficulté concerne l’hypothèse où la mise en relation a pour objet la réalisation d’une prestation de services, comme par exemple le transport de personnes ou la livraison de repas, car se pose alors la question, qui a fortement mobilisé la doctrine, du statut juridique du prestataire : salarié relevant du droit du travail ou indépendant dans le cadre d’un contrat commercial ? Il faut dire que si certaines plateformes se contentent de leur rôle d’intermédiaire et s’inscrivent ainsi véritablement dans l’économie dite collaborative, d’autres usent de cette nouvelle pratique afin d’échapper à toute législation sociale. La nouveauté et la diversité de ces relations, chaque plateforme définissant différemment les relations qui l’unissent à ses partenaires, ont permis à ces sociétés de dissimuler, derrière un voile numérique, la véritable nature des relations qu’elles entretiennent avec les travailleurs. Ainsi, les prestataires liés à ces plateformes relèvent massivement – presque exclusivement – du statut de travailleur indépendant. Néanmoins, à l’instar de l’arrêt ici commenté, une analyse détaillée permet bien souvent de constater que la plateforme ne se contente pas de son rôle de « mise en relation ». Dans ces situations, il apparaît qu’en réalité, elle assume davantage les prérogatives propres à un employeur, plutôt que celles réservées à un partenaire commercial assurant les fonctions d’intermédiaire entre un travailleur indépendant et ses clients.

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