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Droit constitutionnel régional africain

Étude de cas : Droit constitutionnel régional africain. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  27 Septembre 2017  •  Étude de cas  •  16 467 Mots (66 Pages)  •  626 Vues

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L’INCIDENCE DU DROIT REGIONAL AFRICAIN SUR LE DROIT CONSTITUTIONNEL DES ETATS FRANCOPHONES D’AFRIQUE DE L’OUEST

« Une constitution régionale pour l’espace CEDEAO »[1] tel est le titre d’un article de deux éminents constitutionnalistes sénégalais au sujet du Protocole de la CEDEAO de 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance.[2] L’enthousiasme de ces constitutionnalistes africains[3] à qualifier un traité régional de « constitution » pourrait susciter l’étonnement quand on connaît les fortes interrogations de leurs collègues européens à propos de l’expression « traité constitutionnel » relativement au projet de traité établissant une constitution pour l’Europe.[4] Si l’application de concepts et notions de droit constitutionnel à la construction européenne a rencontré une résistance certaine des constitutionnalistes au point qu’on a pu parler d’ « euroscepticisme du droit constitutionnel »,[5] en Afrique, la doctrine constitutionnelle elle-même[6] semble favoriser un tel rapprochement entre droit constitutionnel et droit communautaire. Sur le continent, rares sont les thèmes aussi fédérateurs que ceux de panafricanisme,[7] d’unité africaine ou d’intégration régionale. Par rapport à cette thématique, il existe ainsi une syntonie parfaite entre les élites africaines et les peuples africains et c’est ce qui explique l’aura qui a accompagné le Colonel Kadhafi, lorsqu’il a ressuscité auprès de ses pairs africains à la fin du second millénaire, l’idée des Etats-Unis d’Afrique.[8] L’observateur africain de la construction européenne est alors interpellé par les débats politiques sur une possible Europe fédérale qui font souvent apparaître les avancées vers plus de fédéralisme comme une « trahison des clercs ».[9] Il est vrai que pendant longtemps, le régionalisme en Afrique a été balbutiant du fait d’Etats nouvellement indépendants et farouchement attachés à leur souveraineté : « en Afrique l’intégration économique a longtemps cherché sa voie. On ne compte plus le nombre d’organisations ayant échoué ou restant paralysées à travers les difficultés que dressent les barrières encore énormes qu’elles soient nationales, politiques, linguistiques, culturelles, financières ou économiques. La voie de l’intégration et de l’unité en Afrique est jonchée de cadavres d’organisations internationales conçues dans la hâte et nées prématurément ».[10] Ces atermoiements de l’intégration africaine coïncident notamment avec le second cycle du constitutionnalisme africain,[11] marqué par des régimes autoritaires de nature présidentialiste.[12] Une rencontre fructueuse entre constitutionnalisme africain et régionalisme était de ce fait difficile. Le tournant a lieu dans les années 90 avec un renouveau du régionalisme africain marqué d’une part par l’extension des compétences des organisations d’intégration économique aux questions politiques,[13] et d’autre part, par un renforcement des pouvoirs des organisations internationales africaines aux dépens de la souveraineté des Etats membres.

L’extension des compétences et le renforcement des pouvoirs des organisations régionales africaines ne pouvaient pas ne pas soulever des questions relativement à la souveraineté des Etats africains, et donc des interrogations d’ordre constitutionnel.[14] Ces questions constitutionnelles sont d’autant plus pertinentes que les crises dans les Etats africains ne vont sans accords politiques[15] auxquels ne sont pas étrangères ces organisations régionales, et à l’adoption par ces dernières de normes conventionnelles à teneur constitutionnelle.[16] De plus, la conversion des Etats africains au constitutionnalisme libéral s’accompagne parfois de manœuvres d’instrumentalisation de la constitution[17] ou de renversement de l’ordre constitutionnel,[18] provoquant alors une crise de normativité.[19] C’est dans cet environnement qu’il faut situer l’influence du régionalisme africain sur le droit constitutionnel des Etats africains. Ce régionalisme se distingue par son foisonnement,[20] mais il est possible néanmoins d’en dégager les traits principaux. Avant d’y procéder, il convient de rappeler que « la région en soi n’existe pas. Il n’y a que des régions conventionnelles […]. La région est un espace conventionnel composé d’Etats animés de la volonté d’œuvrer ensemble dans les domaines économique, politique et socioculturel en vue du développement  intégré de leurs populations, et dans le cadre de la réalisation de l’Unité Africaine ».[21] Cette définition qui donne un ancrage normatif à la notion de région permet d’énoncer que le régionalisme africain est d’abord un continentalisme structuré autour de l’Union Africaine (UE) et de sa devancière l’Organisation de l’Unité Africaine (UE). L’UA qui regroupe tous les Etats du continent à l’exception notable du Maroc,[22] est dépositaire de nombreux traités adoptés sous son égide. A côté de ce continentalisme, existe un sous-régionalisme concrétisé par la création de plus organisations sous-régionales dont les principales sont la CEDEAO, la CEEAC, la SADC, l’IGAD, l’UMA[23] (correspondant à peu près aux cinq principales régions de l’Afrique) qui apparaissent comme une reproduction institutionnelle et normative imparfaite de l’Union européenne (UE).[24] A de rares exceptions,[25] les organisations sous-régionales se reconnaissent dans les instruments juridiques adoptés par l’UA[26] et ont conclu avec celle-ci un accord interinstitutionnel.[27] Dans le cadre de cette analyse, nous nous intéresserons aux Etats francophones d’Afrique de l’Ouest en tant qu’ils sont membres de la CEDEAO et de l’UA. Ces processus politiques et économiques d’intégration, ne doivent pas éclipser le développement d’une intégration juridique qui s’effectue par la réalisation d’un droit commercial commun.[28] Dans le cadre de la rencontre entre le droit constitutionnel des Etats francophones ouest-africains et du droit régional africain, c’est-à-dire celui de la CEDEAO et de l’UA, plusieurs questions peuvent être analysées. Les interactions entre droit constitutionnel et droit international passionnent la doctrine depuis longtemps,[29] et aussi récemment avec une grande acuité.[30] La doctrine africaine s’est intéressée à cette question assez tardivement,[31] de sorte que cette problématique est loin d’être encore suffisamment explorée : Quel est l’impact actuel et potentiel du droit régional africain sur le droit constitutionnel des Etats francophones ouest-africains ? Comment les constitutions de ces Etats s’ouvrent-elles au droit régional ? Par quels processus normatifs et institutionnels le droit régional africain s’approprie-t-il la question constitutionnelle ?

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