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Conseil d’Etat, 9 mai 2001, Entreprise Freymuth

Commentaire d'arrêt : Conseil d’Etat, 9 mai 2001, Entreprise Freymuth. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  21 Février 2018  •  Commentaire d'arrêt  •  1 239 Mots (5 Pages)  •  2 371 Vues

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Commentaire d’arrêt

Conseil d’Etat, 9 mai 2001, Entreprise Freymuth

Le tribunal administratif de Strasbourg a tenté, en 1994, de consacrer le principe de confiance légitime en droit interne, en retenant la responsabilité de l’Etat pour méconnaissance du « principe de la confiance légitime dans la clarté et la prévisibilité des règles juridique et de l’action administrative », mais en vain.  

        Une entreprise, l’entreprise personnelle de transports Freymuth importait depuis l’Allemagne des déchets ménagers afin de les incinérer ou de les mettre en décharge. Or, le décret du 18 août 1992 a interdit, dès sa publication, l’importation de déchets étrangers, sans prévoir aucune mesure transitoire ou d’accompagnement de cette interruption brutale d’une activité économique jusqu’alors licite. La société demande donc des réparations pour les préjudices qui lui ont été causés.

Le 8 décembre 1994, le tribunal administratif de Strasbourg a conclu que l’Etat était responsable du préjudice porté à l’entreprise. Le 13 mai 1996, il a condamné l’Etat à verser des indemnités à hauteur de 5,8 millions de francs. Le 17 juin 1999, la cour administrative d’appel de Nancy a annulé l’article 2 de ce jugement (article déclarant l’Etat comme responsable), en jugeant que l’entreprise personnelle de transports Freymuth ne pouvait pas arguer de la méconnaissance du principe de confiance légitime de la part de l’Etat, principe général résultant du droit communautaire. Le Conseil d’Etat a confirmé la décision de la cour d’appel de Nancy le 9 mai 2001.

Le cœur de ce jugement repose sur la question des principes de confiance légitime et de sécurité juridique. Le principe de confiance légitime, l’un des principes généraux du droit de la communauté européenne, peut-il être appliqué en droit interne ?

Pour cela, nous verrons que le Conseil d’Etat ne reconnaît pas le principe de confiance légitime en droit interne (I), puis nous observerons le contrôle de la responsabilité de l’Etat pour faute (II).

  1. Le principe de confiance légitime n’est pas applicable en droit interne.

Il y a eu un grand débat autour du principe de confiance légitime et de son application en droit interne, et le cas Freymuth est l’illustration de ce débat. Si le principe de confiance légitime est bel et bien reconnu, il n’est pas applicable en droit interne.

  1. Le principe de confiance légitime

  • Le principe de confiance légitime est tiré du droit Allemand, précisant qu’une autorité administrative se doit de tenir compte des attentes des particuliers. Il est difficile à distinguer du principe de sécurité juridique en France. Les deux visent la stabilité de la situation juridique des administrés. Mais le principe de sécurité juridique ne vise que les règles juridiques et leur application dans le temps. La confiance légitime, elle, inclut les pratiques de l’administration et les normes administratives par lesquelles l’autorité publique exerce son pouvoir discrétionnaire.
  • En l’espèce, la limitation de l’importation des déchets mise en place par le décret du 18 août 1992 porte gravement préjudice à l’activité économique de l’entreprise Freymuth. Or, une approche assez subjective de la notion de sécurité juridique, qui rapprocherait largement sécurité juridique et confiance légitime, invite le juge à prendre en considération les espérances légitimes des acteurs économiques.
  • En 1994, la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait entrepris de statuer explicitement sur la conformité d’une mesure nationale aussi bien au regard du principe de sécurité juridique qu’à celui de la confiance légitime, mais pour conclure finalement que le non-respect éventuel de ces principes ne saurait avoir pour effet de faire obstacle à l’application de la loi.
  1. L’invalidité de ce principe en droit interne
  • Le Conseil d’Etat a reconnu le principe de confiance légitime, mais seulement lorsqu’un acte administratif est à prendre dans le cadre du droit communautaire. C’est ce que l’on voit avec l’arrêt FNSEA du 11 juillet 2001, par exemple, ce principe était respecté, avec la PAC, tant que les agriculteurs ont eu les moyens de voir venir et de s’adapter à la modification future des règlementations.
  • Ici, le principe de confiance légitime est inapplicable car ne rentre pas dans le cadre du droit communautaire : le décret du 18 août 1992 n’a, en effet, pas été pris dans le cadre d’une précision du droit communautaire, et a été pris avant l’intervention du règlement n°259/93 (CE) du Conseil du 1er février 1993. La cour d’appel, qui avait admis le principe de confiance légitime dans cette circonstance, a donc fait une erreur de droit.
  • Dans l'arrêt KPMG de 2006, le Conseil d'Etat considère qu'il incombe au pouvoir règlementaire d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'impliquent, s'il y a lieu, une réglementation nouvelle. L'idée est de protéger la sécurité juridique de situations contractuelles en cours en se conformant au principe de non-rétroactivité des actes administratifs. La décision aurait très bien pu être justifiée par le principe de confiance légitime (F. Melleray: l'arrêt KPMG aboutit à « l'avènement d'un principe de confiance légitime à la française »). L’arrêt Lacroix, de 2006, étend ce principe à une « atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause » et non plus seulement sur le terrain contractuel. L’on peut donc se demander si le Conseil d’Etat aurait caractérisé différemment la situation si le jugement avait eu lieu après 2006, en allant dans le sens du tribunal administratif de Strasbourg.

La cour administrative d’appel a donc commis une erreur de droit en 1999, en considérant qu’il était possible d’appliquer le principe de confiance légitime à ce cas. Qu’en est-il alors de la responsabilité de l’Etat vis à vis de l’entreprise ?  

  1. La responsabilité de l’Etat pour faute

Le principe de responsabilité et le principe d’égalité devant les charges publiques sont deux piliers du droit français, régissant les rapports entre administration et administrés.

  1. Le principe de responsabilité pour faute

  • La responsabilité administrative est l’obligation pour l’administration de réparer les préjudices qui sont causés par son activité ou celle de ses agents. Ce principe a été établi avec l’arrêt Blanco du 8 février 1873.
  • Ici, le Conseil d’Etat considère que l’application des principes de la responsabilité administrative pour faute par le tribunal administratif de Strasbourg ne sont pas justifié. En effet, le décret du 18 août 1992 a été pris pour l’application de la loi du 15 juillet 1975, qui est conforme aux objectifs de la directive de la CEE. Par ailleurs, l’Etat français n’avait pas l’obligation de mettre en place des mesures transitoires.
  • L’Etat n’a donc pas commis de faute.
  1. Le principe d’égalité devant les charges publiques
  • Le principe d’égalité devant les charges publiques a été consacré par le conseil d’Etat comme l’un des principes généraux du droit. On peut penser à l’arrêt Ah Won et Butin de 1993, rappelant ce principe d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.
  • Or, ici, le Conseil d’Etat considère que le décret du 18 août 1992 est un règlement légalement pris en l’application de la loi du 15  juillet 1975 modifiée, qui a pour but de protéger l’environnement, en organisant le traitement des déchets. La cour n’a donc pas fait d’erreur en considérant que l’Etat n’était pas responsable vis-à-vis de l’entreprise Freymuth. L’Etat n’a donc pas à payer l’entreprise.
  • Mais l’entreprise non plus n’a pas à payer l’Etat, c’est ce que signifie le rejet de l’application de l’article L.176-1 du code de justice administrative, demande d’application faite par le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, demandant à Freymuth de payer une somme à l’Etat.

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