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Tragédie du masque à Lorenzaccio de Musset

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Par   •  11 Avril 2014  •  Analyse sectorielle  •  7 552 Mots (31 Pages)  •  976 Vues

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La tragédie du masque dans Lorenzaccio de Musset

Tout au long de l’œuvre, Lorenzo porte des ’’masques’’ car il joue plusieurs rôles.

La montée de la tension dramatique est réalisée par la progression du thème du masque au moyen de cinq couples :

.Dissimulation et honnêteté,

.Dissimulation et efficacité,

.Dissimulation et identité,

.Dissimulation et sincérité,

. Fin de la dissimulation et vide.

Acte I : honnêteté et dissimulation

Dès la 1re scène, nous abordons les thèmes de l’apparence et de la vérité profonde ; Musset insiste sur le regard aiguisé et cynique du libertin débauché qui sait deviner les êtres. Les deux protagonistes nous sont présentés en action. Le duc Alexandre est un consommateur de chair fraîche, et Lorenzo, le rabatteur, le pourvoyeur de ses plaisirs.

Je réponds de la petite. Deux grands yeux languissants, cela ne trompe pas. Quoi de plus curieux pour le connaisseur que la débauche à la mamelle ? Voir dans une enfant de quinze ans la rouée à venir ; étudier, ensemencer, infiltrer paternellement le filon mystérieux du vice dans un conseil d’ami, dans une caresse au menton ; tout dire et ne rien dire, selon le caractère des parents ; – habituer doucement l’imagination qui se développe à donner des corps à ses fantômes, à toucher ce qui l’effraye, à mépriser ce qui la protège ! Cela va plus vite qu’on ne pense ; le vrai mérite est de frapper juste. Et quel trésor que celle-ci ! tout ce qui peut faire passer une nuit délicieuse à Votre Altesse ! Tant de pudeur ! Une jeune chatte qui veut bien des confitures, mais qui ne veut pas se salir la patte. Proprette comme une Flamande ! La médiocrité bourgeoise en personne. D’ailleurs, fille de bonnes gens, à qui leur peu de fortune n’a pas permis une éducation solide ; point de fond dans les principes, rien qu’un léger vernis ; mais quel flot violent d’un fleuve magnifique sous cette couche de glace fragile qui craque à chaque pas ! Jamais arbuste en fleur n’a produit de fruits plus rares, jamais je n’ai humé dans une atmosphère enfantine plus exquise odeur de courtisanerie.

Lorenzaccio, I, 1.

Dès le début, Musset pose une thématique essentielle : celle de l’opposition entre l’intérieur et l’extérieur. Cette intériorité n’est pourtant pas aussi secrète qu’il n’y paraît au premier abord. Le libertin débauché qui cultive le plaisir de la perversion, le prédateur qui traque ses proies sait que le regard est une porte de l’âme. Par nécessité donc, le libertin est devenu attentif à ce jardin secret. Il sait y entrer par effraction, chaque fois qu’il y rencontre une sensualité qui fait frémir une correspondance en lui. La frontière entre extérieur et intérieur n’est donc pas aussi marquée que le sens commun pourrait le concevoir. Déjà nous pouvons comprendre que pour Lorenzo il faudra élever la dissimulation au rang d’art accompli afin d’échapper à la clairvoyance d’un regard roué et de plus méfiant. Lorenzo révèle aussi avec une certaine prescience le rôle sournois de l’imagination pour abattre les défenses, le rôle du désir impur qui porte plus loin qu’on ne voudrait aller, qui mène en terres interdites et dangereuses. Il y aurait donc dans l’esprit délicat une faculté traîtresse propre à ouvrir la boîte de Pandore, une faiblesse inconnue, un ennemi intérieur dissimulé. Musset traduirait-il à sa manière le dogme chrétien du péché originel ?

La deuxième scène nous présente le masque carnavalesque. Il conviendrait dès lors de se demander si dans l’esprit de Musset il s’agit du simple loup ou du masque vénitien ? Dans le premier cas, la fonction essentielle de ce masque est la seule dissimulation de l’identité. « Vois-tu celui-là qui ôte son masque ? C’est Palla Ruccellai. Un fier luron ! ». Pour aller en joyeuse compagnie sans risquer de ternir sa réputation, il permet de dissimuler ses traits aux badauds. Dans le second cas, il offre également une autre utilité : pièce du déguisement, il confirme le personnage joué et peut afficher le désir de provocation. « Le duc sort, vêtu en religieuse, avec Julien Salviati, habillé de même, tous deux masqués », précise la didascalie sans que nous puissions déterminer exactement de quel type de masque il s’agit. Il nous est cependant loisible d’imaginer que le souci de choquer a conduit le duc et ses affidés à parfaire leur désir de transgression en portant un masque en accord avec leur habit sacrilège. La marquise Cibo, dans la scène 3, a d’ailleurs bien perçu la volonté provocatrice du déguisement princier.

LA MARQUISE

Il l’avait en effet. Ah ! Malaspina3, nous sommes dans un triste temps pour toutes les choses saintes !

LE CARDINAL

On peut respecter les choses saintes, et, dans un jour de folie, prendre le costume de certains couvents, sans aucune intention hostile à la sainte Église catholique.

LA MARQUISE

L’exemple est à craindre, et non l’intention. Je ne suis pas comme vous, cela m’a révoltée. Il est vrai que je ne sais pas bien ce qui se peut et ce qui ne se peut pas, selon vos règles mystérieuses. Dieu sait où elles mènent. Ceux qui mettent les mots sur leur enclume, et qui les tordent avec un marteau et une lime, ne réfléchissent pas toujours que ces mots représentent des pensées, et ces pensées des actions. I, 3.

Ce projet sacrilège va trop bien selon la jeune femme avec la débauche et les atteintes aux libertés républicaines.

Ce masque est enfin le signe d’appartenance à une confrérie d’initiés. De toute façon, le masque est, dans une certaine mesure, transparent pour les spectateurs qui reconnaissent très bien les notabilités à partir d’autres signes comme la corpulence, la démarche…

La scène 3 de l’acte I nous présente le thème de la dissimulation d’abord au travers des larmes, parce que les larmes sont ambiguës. Ainsi les larmes peuvent-elles être une forme du masque chez la femme. C’est ce que nous pouvons en déduire de l’esprit tortueux du cardinal Cibo dont les connaissances

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