Rhinocéros et les effets de la massification

Rhinocéros est une pièce de théâtre publiée en 1959 par Eugène Ionesco (1909-1994), écrivain et dramaturge franco-roumain du théâtre de l’absurde. Cette œuvre s’inscrit dans le courant littéraire de l’absurde qui suit l’existentialisme et la 2ème guerre mondiale. Il dénonce les visions politiques et sociales. Ce courant littéraire traite surtout de l’absurdité de l’existence humaine. Ionesco est l’un des pionniers et fondateurs de ce courant. Nous montrerons que dans son œuvre Rhinocéros, l’auteur dénonce le dangereux phénomène de la massification. Selon le Larousse, la massification se définit comme « l’adaptation d'un phénomène à la masse, au grand nombre, par la suppression des caractères différenciés qu'il présentait ». Nous cernerons le phénomène de la massification tout en présentant ses effets dangereux.

Ionesco dénonce le dangereux phénomène de la massification par des personnages de la pièce qui cessent d’être des individus distincts. Cette situation crée un effet de troupeau. Grand nombre de personnages n’ont pas de nom ou ont le même nom : Jean. Puisque les personnages perdent leur singularité, il devient facile de les transformer en rhinocéros. Le personnage de Béranger est le seul qui résiste à cet effet de masse. Il est différent, «il se sent mal à l’aise dans l’existence, parmi les gens » (p.30). Un effet marquant de la massification, Béranger, le seul personnage qui n’a pas changé se remet en question et se culpabilise. Dans l’acte III, il est le seul qui n’est pas devenu rhinocéros. Il se sent coupable de n’avoir pas changé : « J’aurais dû les suivre à temps. Trop tard maintenant! Je suis un monstre! » (p.162). Cette culpabilisation devient un signe des dangers de la massification.

L’auteur dénonce le dangereux phénomène de la massification par la façon de donner la parole à ses personnages dans le discours et le langage. Les personnages réagissent uniformément face à l’arrivée des rhinocéros. Toute la communauté montre un raisonnement commun tel un troupeau où les bêtes répètent le même son : Jean : « Oh! Un rhinocéros! » ; La serveuse : « Oh! Un rhinocéros! » ; L’épicier : « Oh! Un rhinocéros! » (p.41-42). À la longue, les répliques deviennent insignifiantes. L’effet le plus visible est la disparition de l’individu au profit de la masse. Au départ, le ton, le langage et le mouvement de la pièce sont comiques. Ensuite elle vire tragique à l’acte II. Le personnage de Béranger devient victime parce qu’il se retrouve seul contre tous, mais aussi désemparé face aux forces de la « rhinocérite » : « À qui se fier, mon Dieu, à qui se fier! Le Logicien est rhinocéros! » (p.132). Petit à petit l’entourage de Béranger se réduit. Il est de plus en plus gagné par la solitude. L’auteur dénonce aussi le caractère dangereux des rhinocéros en mutation. La transformation n’est pas comique comme celles des autres. Elle vire au tragique, Jean se met à raisonner comme un animal et devient violent. Son discours change et appelle à la destruction de l’évolution : « Démolissons tout cela La civilisation humaine, on s’en portera mieux! » (p.105). Pourtant, ce personnage a été décrit comme le plus grand défenseur de l’humanisme (p.115). Il abandonne ses belles valeurs pour rejoindre les rhinocéros. Mêmes les plus humains ne résistent pas

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