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Nicolas Bouvier - L'usage du monde

Commentaire de texte : Nicolas Bouvier - L'usage du monde. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  25 Mars 2022  •  Commentaire de texte  •  3 632 Mots (15 Pages)  •  1 132 Vues

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Bouvier – Explication de texte

Introduction

Le texte proposé à l’étude se situe dans le chapitre « Le Lion et le Soleil ». Ce chapitre correspond à la traversée de la frontière turco-iranienne qui apparaît pour les deux voyageurs comme un véritable changement, le passage d’un monde à un autre. En arrivant en Azerbaïdjan, ils séjournent dans la ville de Tabriz dans laquelle ils louent deux chambres et font la rencontre, entre autres, du vieux M., du père Hervé, de Paulus et de la veuve Chuchanik. L’épisode narré se situe en plein milieu de l’hiver, en janvier, après que Bouvier et Vernet ont été tous les deux malades. La vie suit son cours à Tabriz, mais l’hiver et la maladie ont porté un coup au moral des deux protagonistes. C’est pourquoi le principal objet du passage est l’annonce de Vernet souhaitant rejoindre Floristella, sa compagne. Autour de cet élément noyau se soudent plusieurs thématiques que l’on retrouve tout au long de l’œuvre : l’importance des livres, de la lecture pour Bouvier, et la mise en place d’un véritable ethos du voyageur.

LECTURE

Nous pouvons découper le texte en quatre mouvements :

  • Le premier se situe de la ligne 1, « Le père Hervé avait dit vrai … » à la ligne 13 « l’espace est une drogue que cette histoire dépensait sans lésiner » et correspond à la description des livres de « la petite bibliothèque » et aux lectures de Bouvier ;
  • Le second mouvement se situe de la ligne 14 « En déjeunant je la racontai à Thierry » à la ligne 31 « Puis ils s’en iraient de leur côté » : l’annonce de l’empressement de Thierry à rejoindre Floristella et la décision d’une séparation à l’été ;
  • Le troisième mouvement se situe de la ligne 32 « Bon, je ne voyais guère que la maladie … » à la ligne 48, qui clôt le paragraphe par « pour accéder à une intensité qui l’élève » : correspond à l’observation rêveuse et poétique des cartes géographiques ;
  • Le quatrième mouvement, de la ligne 49, début du dernier paragraphe à la fin décrit la déception de la séparation mais aussi le recul dont fait preuve Bouvier sur la situation et la manière dont cet événement lui sert de support de réflexion à propos du voyage, de l’ethos du voyageur.

La question que l’on pourrait se poser est la suivante : comment Bouvier fait-il des événements centraux du passage (la découverte de la bibliothèque et l’annonce du départ de Thierry) un support de réflexion sur la nature même du voyage ?

Premier mouvement

Le début de la première phrase fait mention d’une personne déjà rencontrée quelques pages avant notre passage, à savoir « Le père Hervé ». A la page 122, on apprend que peu après son arrivée à Tabriz, Bouvier cherche à aller à la rencontre des deux lazaristes français qui résident dans la ville afin de leur emprunter des livres. On fait alors la connaissance du père Hervé, le second du Supérieur de la Mission. Le passage étudié fait donc suite à cette volonté initiale de Bouvier de trouver des livres en français comme l’indique le plus-que-parfait « avait dit vrai ». Les deux points introduisent l’objet de cette affirmation : « la petite bibliothèque possédait deux cent volumes en français au moins ». La richesse de la bibliothèque est illustrée par l’opposition apparente entre la taille de celle-ci « petite » et ce qu’elle contient « deux cent volumes » : elle apparaît comme une sorte de salle aux trésors pour Bouvier. La phrase qui suit est nominale, comme souvent chez Bouvier lorsqu’il entame une description : « Surprenant assemblage ». Prend l’apparence du carnet de bord, de notes prises rapidement. Ce qui constitue cet assemblage, ce sont des livres de plusieurs auteurs français de différentes époques. Seules les Lettres du Maréchal de Soubise semblent avoir le droit à un commentaire de la part de Bouvier : « dont le style gracieux, tout fleuri d’euphémismes, paraissait traduit du persan ». Commentaire intéressant par rapport à la manière dont la culture étrangère imprègne véritablement Bouvier lors de ce voyage. Sorte de renversement dans la comparaison : Bouvier est tellement plongé dans la culture étrangère, il s’est tellement livré entièrement au voyage que son regard semble s’être renversé : le point de départ n’est plus la langue française mais la langue persane qui est elle-même pleinement chargée de puissance poétique. Ce n’est donc pas le français qui est « gracieux » mais la langue persane. Comme à de nombreuses reprises dans l’œuvre, Bouvier associe étroitement une réalité occidentale à une réalité exotique. Il produit ainsi un effet de surprise et exprime au plus près l’impression immédiate du voyageur contraint de reconfigurer ses repères en articulant le connu et l’inconnu. Nous voyons ainsi comment la simple découverte d’un livre français permet l’énonciation implicite d’un véritable mode de voyage. Bouvier s’arrête un instant sur un autre livre, L’Empire des Steppes, de Grousset. Ce bref paragraphe donne lieu à une anecdote tirée de cette œuvre, racontée non sans humour par Bouvier, comme on peut le voir avec les points de suspension, qui ménagent un effet de surprise et provoque le sourire du lecteur : « l’affaire s’était finalement conclue … à la génération suivante. » Là encore, l’anecdote sert de point d’appui à une réflexion sur une notion quasi philosophique, celle du temps. Il ne tire pas vraiment une leçon de cette petite histoire mais plutôt une appréciation personnelle, formulée de manière extrêmement courte : « J’aime la lenteur ». La formulation de la phrase traduit en elle-même ce goût pour la lenteur : étant courte, elle invite le lecteur à goûter avec intensité et soin la saveur de chaque mot. La locution adverbiale « en outre » qui suit le point-virgule introduit un autre concept, celui de l’espace, qui apparaît pour Bouvier comme « une drogue que cette histoire dispensait sans lésiner ». L’espace est plus qu’un besoin pour Bouvier, c’est une « drogue », quelque chose dont l’usage peut conduire à l’accoutumance. Pour un voyageur comme Bouvier, l’espace apparaît comme une véritable nécessité sans laquelle il ne pourrait vivre. On voit apparaître dans cette simple phrase l’immense richesse des livres qui sont les premiers moyens de voyager : la lecture offre des paysages infinis, des voyages à l’autre bout du monde que l’on peut faire et refaire à souhait en se plongeant dans les livres.

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