LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Misanthrope, Molière

Fiche de lecture : Misanthrope, Molière. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  20 Mai 2013  •  Fiche de lecture  •  2 275 Mots (10 Pages)  •  742 Vues

Page 1 sur 10

Molière

ACTE I, SCENE PREMIERE.

Philinte.

Qu' est-ce donc ? Qu' avez-vous ?

Alceste.

Laissez-moi, je vous prie.

Philinte.

Mais encor dites-moi quelle bizarrerie...

Alceste.

Laissez-moi là, vous dis-je, et courez vous cacher.

Philinte.

Mais on entend les gens, au moins, sans se fâcher.

Alceste.

Moi, je veux me fâcher, et ne veux point entendre.

Philinte.

Dans vos brusques chagrins je ne puis vous comprendre,

et quoique amis enfin, je suis tout des premiers...

Alceste.

Moi, votre ami ? Rayez cela de vos papiers.

J' ai fait jusques ici profession de l' être ;

mais après ce qu' en vous je viens de voir paroître,

je vous déclare net que je ne le suis plus,

et ne veux nulle place en des coeurs corrompus.

Philinte.

Je suis donc bien coupable, Alceste, à votre compte ?

Alceste.

Allez, vous devriez mourir de pure honte ;

une telle action ne sauroit s' excuser,

et tout homme d' honneur s' en doit scandaliser.

Je vous vois accabler un homme de caresses,

et témoigner pour lui les dernières tendresses ;

de protestations, d' offres et de serments,

vous chargez la fureur de vos embrassements ;

et quand je vous demande après quel est cet homme,

à peine pouvez-vous dire comme il se nomme ;

votre chaleur pour lui tombe en vous séparant,

et vous me le traitez, à moi, d' indifférent.

Morbleu ! C' est une chose indigne, lâche, infâme,

de s' abaisser ainsi jusqu' à trahir son âme ;

et si, par un malheur, j' en avois fait autant,

je m' irois, de regret, pendre tout à l' instant.

Philinte.

Je ne vois pas, pour moi, que le cas soit pendable,

et je vous supplierai d' avoir pour agréable

que je me fasse un peu grâce sur votre arrêt,

et ne me pende pas pour cela, s' il vous plaît.

Alceste.

Que la plaisanterie est de mauvaise grâce !

Philinte.

Mais, sérieusement, que voulez-vous qu' on fasse ?

Alceste.

Je veux qu' on soit sincère, et qu' en homme d' honneur,

on ne lâche aucun mot qui ne parte du coeur.

Philinte.

Lorsqu' un homme vous vient embrasser avec joie,

il faut bien le payer de la même monnoie,

répondre, comme on peut, à ses empressements,

et rendre offre pour offre, et serments pour serments.

Alceste.

Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode

qu' affectent la plupart de vos gens à la mode ;

et je ne hais rien tant que les contorsions

de tous ces grands faiseurs de protestations,

ces affables donneurs d' embrassades frivoles,

ces obligeants diseurs d' inutiles paroles,

qui de civilités avec tous font combat,

et traitent du même air l' honnête homme et le fat.

Quel avantage a-t-on qu' un homme vous caresse,

vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,

et vous fasse de vous un éloge éclatant,

lorsque au premier faquin il court en faire autant ?

Non, non, il n' est point d' âme un peu bien située

qui veuille d' une estime ainsi prostituée ;

et la plus glorieuse a des régals peu chers,

dès qu' on voit qu' on nous mêle avec tout l' univers :

sur quelque préférence une estime se fonde,

et c' est n' estimer rien qu' estimer tout le monde.

Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps,

morbleu ! Vous n' êtes pas pour être de mes gens ;

je refuse d' un coeur la vaste complaisance

qui ne fait de mérite aucune différence ;

je veux qu' on me distingue ; et pour le trancher net,

l' ami du genre humain n' est point du tout mon fait.

Philinte.

Mais, quand on est du monde, il faut bien que l' on rende

quelques dehors civils que l' usage demande.

Alceste.

Non, vous dis-je, on devroit châtier, sans pitié,

ce

...

Télécharger au format  txt (14.3 Kb)   pdf (141 Kb)   docx (17 Kb)  
Voir 9 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com