LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Marivaux, Les Acteurs De Bonne Foi, Scène 2

Dissertation : Marivaux, Les Acteurs De Bonne Foi, Scène 2. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  15 Avril 2013  •  2 233 Mots (9 Pages)  •  4 687 Vues

Page 1 sur 9

Commentaire composé :

Introduction

Comédie en un acte et en prose, Les Acteurs de bonne foi, publiée en 1757, est, exceptée La Provinciale publiée en 1761, la dernière pièce de Marivaux. Le vieux maître y révèle encore un doigté éblouissant, notamment dans la comédie des valets. C’est le passage qui nous préoccupe ici. Le passage à étudier est situé à la deuxième scène de la pièce. Eraste, grâce à la générosité de sa tante Mme Amelin et de son valet Merlin, va pouvoir épouser Angélique, fille de Mme Argante. La comédie commandée par Mme Amelin pour « surprendre » Mme Argante est en train de se préparer ; Merlin doit faire répéter ses futurs acteurs.

Il s’agira donc dans cette scène de voir en quoi dans cette scène se joue le théâtre, ou qu’est-ce que nous dit cette répétition intrascénique de la pièce de Marivaux.

Nous verrons tout d’abord la structure de la scène et les préparatifs de la pièce, puis dans un second temps le badinage galant et le marivaudage, et enfin dans un troisième temps le phénomène de théâtre dans le théâtre.

I Les préparatifs de la pièce

A/ Structure du passage

Cet extrait de la scène 2 se concentre sur une discussion de la pièce que les personnages vont devoir répéter pour l'union d'Eraste et Angélique. La première réplique de Merlin, "Allons, mes enfants, je vous attendais" réfère à un en-deça du texte, qui indiquerait l'arrivée des autres personnages. L'impératif "Allons" invite à l'urgence : il faut répéter maintenant et ne plus tergiverser sur des sujets annexes. Pourtant, tout le passage voit les personnages discourir à propos de la pièce et des rôles qu'ils y tiendront. Au lieu d'une répétition, qui sera le sujet de la scène troisième, la scène 2 est un discours sur la répétition à venir. Ainsi le dernier impératif de Merlin, "répétons", n'est pas suivi de faits. Lisette ne "répète" pas, mais livre son avis sur la comédie de Merlin. Ce dernier lui répondra longuement, ce qui révèle également une direction autre que la répétition. L'avant-dernière réplique de Merlin est un concentré de la première : "Allons, commençons à répéter". On note une structure circulaire : la parole se fait redondante, et les dialogues compris entre ces deux formes impératives de Merlin sont vains car effacés par celles-ci. L'extrait s'achève sur l'entame de la répétition, Merlin intimant à Lisette de se reculer un peu pour qu'il puisse prendre sa contenance. À cette parole, se joint nécessairement le geste du personnage qui recule sur scène, donc qui change de position. La gestuelle et le mouvement sont souvent sur scène des indicateurs de rupture de tension, en l'occurrence ici de changement de scène.

B/ Les personnages

Les personnages sont les éléments structurants de cette scène. Merlin y a de toute évidence le rôle moteur : c'est lui le metteur en scène, donc lui qui répartit les temps de paroles et les évolutions scéniques. Il ouvre et ferme l'extrait, par ces tournures impératives : il dirige, en un mot, la troupe. De façon assez significative, on remarque que le dialogue se fait systématiquement entre Merlin et un autre personnage. Il parle d'abord à Lisette, ensuite lui répond, ensuite répond à Blaise, ensuite à Lisette, ensuite à Colette, ensuite à Lisette. À tour de rôle, chaque personnage adresse donc une réplique à Merlin, et Lisette revient à deux reprises dans l'échange : on peut donc en déduire qu'elle a le second rôle après Merlin.

La parole se déroule ainsi en tourbillon autour d'un cercle concentrique : Merlin.

Si Merlin a le rôle phare de cet extrait, c'est qu'il dirige les acteurs de bonne foi et monte la pièce dans laquelle ils vont jouer. C'est donc tout naturel qu'il y ait une place prépondérante. C'est en outre le valet d'Eraste, instigateur de cette comédie : il domine donc les autres personnages. S'ils sont tous domestiques, il ne s'en dégage pas moins une hiérarchie entre eux. On donne du "Monsieur" à Merlin. Lisette s'exprime par le même langage que Merlin, et tutoie Merlin, ce que ne fait pas le couple Blaise – Colette. Ces derniers, d'ailleurs, utilisent une langue plus familière, source de leur extraction rurale, par l'emploi de certains termes comme "j'allons" et "appriander".

Les préparatifs de la pièce se fondent donc sur cette structure circulaire, et sur cette répartition des personnages. La pièce est déjà plus ou moins dite par cette ronde des personnages, qui nous révèle leur caractère.

II Le marivaudage ou une certaine esthétique de la parole

A/ La condescendance de Merlin

Merlin, dans ce passage, a donc le rôle premier. Il joue au directeur de troupe, ce que nous reverrons par la suite, et il joue également, de façon plus nette, au maître. Cette répétition est pour lui l'occasion de remettre en question son statut de valet. Son nom, "Merlin", est révélateur, en ce que ce personnage tend dans ce passage à perturber sa condition sociale : il "transforme", comme le magicien, sa condition de valet en condition de maître. Le ton paternaliste qu'il emploie pour s'adresser aux autres valets et serviteurs va en ce sens : Lisette, Colette et Blaise sont désignés comme ses "enfants". Il établit ainsi une distance entre eux et lui. Les rôles qu'il attribue aux autres personnages vont d'ailleurs dans le même sens : Lisette est une "maligne soubrette", Blaise un "nigaud pris sans vert" et Colette une "petite coquette de village", tout en soulignant que ces rôles leur conviennent parfaitement car ils sont en adéquation avec leur véritable personnalité. C'est là introduire un écart condescendant entre eux et lui. Enfin, de manière générale, les trois autres personnages sont désignés, à deux reprises, par la locution péjorative "vous autres". La distance est établie : Merlin joue au maître. Il a d'ailleurs une fort haute opinion de lui-même : "un joli homme et moi, c'est tout un". La parole de Merlin est donc biaisée : s'il est valet d'Eraste, il apparaît ici en position de maître. Le théâtre marivaudien joue de ces ambiguïtés et travaille les écarts : à la fois valet et maître,

...

Télécharger au format  txt (13.5 Kb)   pdf (133.5 Kb)   docx (13.3 Kb)  
Voir 8 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com