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Marguerite de Navarre, L’Heptaméron

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Par   •  1 Avril 2016  •  Dissertation  •  4 194 Mots (17 Pages)  •  2 505 Vues

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LITTERATURE FRANCAISE

Marguerite de Navarre, L’Heptaméron 

        Plongée au cœur même de l’effervescence intellectuelle, artistique et religieuse de cette première moitié du XVIème siècle, le nom de Marguerite de Navarre reste associé à ceux qui en font l’histoire.

Lucien Febvre, dans son œuvre Amour sacré, amour profane, autour de l’Heptaméron publiée en 1944 a dit page 380 « Marguerite de Navarre a tendu à ses contemporains, un miroir fidèle, un valable miroir de leurs âmes pècheresses ».

Il cite alors la première œuvre de Marguerite de Navarre publiée en 1531 Le miroir de l’âme pècheresse. Elle s’efforcera tout au long de sa vie de perfectionner sa vie religieuse : elle a adopté certains dogmes en accord avec ses besoins spirituels. Sa religion est au croisement de son époque, qui tente de retrouver une certaine pureté et une évidente ferveur. L’écriture navarrienne est composé de plusieurs genres, qu’il s’agisse de théâtre, de poésie ou de nouvelles. Mais presque tous les écris parlent d’Amour. Malgré l’apparente diversité de l’œuvre, un point central subsiste : Dieu. Le but même de la production littéraire de Marguerite de Navarre se lit à travers le divin. Dans son œuvre, la prise de parole correspond à une vaste quête portant sur l’existence humaine, dont l’exploration s’appuie sur la foi, qui en fournit les réponses et éventualités nouvelles. La croyance ne Dieu entre dans un projet de recherche. Mais Marguerite de Navarre va beaucoup plus loin que son époque, le but étant de toucher l’intemporalité et l’universalité de la condition humaine. Mais il y a aussi en elle une véritable soif de savoir. Sa réputation est la preuve direct de son universelle curiosité, qui la poussait à vouloir tout apprendre et tout comprendre.

Nous pouvons alors nous demander de quelles manières Marguerite de Navarre nous offre-t-elle un récit qui n’est pas ancré seulement dans son époque ?

Nous verrons dans une première partie la véracité du discours de Marguerite de Navarre, pour continuer dans une seconde partie l’inspiration religieuse de cette oeuvre, puis nous finirons par vois que l’Heptaméron est une sorte de livre d’éducation.

        En effet nous pouvons dans une première partie que le discours que Marguerite de Navarre porte dans son œuvre se veut proche de la vérité.

Tout d’abord la vérité se veut proche de la morale. Dominique Bertrand dans son œuvre Lire l’Heptaméron de Marguerite de Navarre donne une définition de la nouvelle : « La nouvelle dit qu’elle dit vrai. Elle se donne pour objet la relation d’événements, de faits, d’incidents ou d’accidents authentiques, certifiés par un témoin digne de foi ; nouveaux, survenus récemment, de fraiche mémoire ; non encore racontés (…) et exemplaires dignes d’être racontés, assez étonnants pour susciter l’intérêt, et donner lieu à une « leçon » ». Le Goff le décrit comme un « récit bref donné comme véridique et destiné à être inséré́ dans un discours (en général un sermon) pour convaincre un auditoire par une leçon salutaire ». Marguerite de Navarre veut dire une histoire vraie, qu’elle a vue ou entendue dire. Chaque personnage introduit ainsi son conte par l'annonce de sa véracité́ formelle : « mais assurez-vous que la chose est véritable », « tout cela est véritable, hormis les noms, les lieux et le pays ». Parlamente débute la troisième journée en précisant la « vérité́ promise et jurée » à propos de son histoire. Le conteur s'applique également à situer son récit dans l'époque historique qui est la sienne, à placer ses aventures dans un passé proche (et à un endroit précis, localisé), encore familier et vivant dans les mémoires pour que la parole paraisse véritable et croyable. Le récit sera soit connu soit rapporté : « je vous dirai une histoire que je sais pour en avoir fait inquisition véritable sur le lieu » (première nouvelle de la quatrième journée). Parlamente présente la nouvelle onze, dont elle a été́ personnellement témoin ; Hircan va raconter dans la nouvelle sept ce qui est arrivé à un ami, et l'histoire trois de la seconde journée sera tirée de l'aventure d'une amie de Parlamente. Un compagnon peut aussi confirmer la réalité́ des faits, affirmer la reconnaissance de tel personnage sous son déguisement narratif. L'Heptaméron contient des histoires vraies, historiquement fondées : Marguerite de Navarre ou François 1er apparaissent souvent comme acteurs ou témoins, ou d'autres garants dignes de foi comme les narrateurs eux-mêmes viennent rapporter ces faits véritablement advenus. L'Heptaméron s'avère donc attaché à une tradition narrative très ancienne par ce recours au topos de la vérité́. En définitive, les histoires du recueil sont pour une part tirées de l'expérience de l'auteure, pour une autre part puisées dans ses lectures, ou encore inventées sur ces schémas rebattus issus du fonds culturel populaire. L'Heptaméron constitue un mélange : il présente un univers de fiction mêlant réel et imaginaire. Cet attachement de Marguerite de Navarre à la vérité́ des récits tient au fait qu'ils expriment une inquiète interrogation sur l'homme : dire vrai et choisir, donc, des sujets historiques ou vraisemblables, et que cette authenticité́ nourrisse une vaste enquête sur la conduite mondaine des contemporains, dont l'objet sera de dégager une vérité́ humaine et une morale pour leur temps.

La vérité est donc bien présente dans le discours que Marguerite de Navarre propose dans son œuvre : elle ne s’arrête pas à des simples faits mais va chercher dans ce qu’elle a vécue et entendue. Cela va donc amener à créer un débat.

        La visée essentielle de l’Heptaméron ne porte alors pas seulement sur cette vérité parfait et temporelle mais c’est une vérité de moraliste qui ne tient pas qu’à la matière des récits mais à l’usage qu’elle en fait. Marguerite de Navarre invite à chercher la vérité́ dans les cas racontés. La vérité́ dépend donc d'un autre ordre : c'est « celle que l'on atteint à travers un enchainement vraisemblable de péripéties, un regard dénué́ de complaisance sur les passions et mobiles des protagonistes ». L'intérêt de l'auteure pour les longs discours s'explique par le fait qu'ils représentent un moyen de s'attarder sur une vérité́ plus intérieure, où l'être se dévoile. La parole se fait revelation des âmes, par sa transparence. Comme le cas de Rolandine, qui triomphe par la vérité de son discours à la reine ; c'est après avoir parlé que son portrait prend une netteté définitive : son exemplaire fermeté apparaît dans sa pleine lumière, sa manière d'affirmer son choix et sa constance face aux obstacles lui donnent un relief grandissant. Le discours sert ainsi la psychologie des personnages, grâce à l'invraisemblance rhétorique qui éloigne l'hésitation et la confusion d'un langage naturel. Structurellement, les débats semblent marquer des lieux intermédiaires entre les histoires et les jugements des lecteurs, ils sont une révélation éventuelle du sens des exemples. Les récits sont alors placés sous le feu croisé d'éclairages divers, par des conteurs attentifs à saisir les diverses facettes d'une même aventure, s'appliquant à découvrir cette vérité des coeurs si difficile à cerner. Seulement, la multiplicité des points d'observation compromet la cohérence du message : les débats, qui confrontent les réactions antithétiques et opinions diverses de dix individualités, et font s'affronter deux camps opposés (hommes et femmes, leur vision des choses différente, leurs deux réalités incompatibles) rendent la morale des nouvelles confuse. La nouvelle deux de la deuxième journée est marquée par un grand débat: faut-il privilégier l'honneur de son sang ou la loyauté envers son maître dont la conclusion restera en suspens. Dans la nouvelle deux de la quatrième journée Bonnivet usurpe l'identité de l'amant d'une femme grâce à un déguisement, lui ôte honneur et chasteté contre sa volonté. Humiliée, elle pardonne lorsqu'il lui promet silence et amour et ils deviennent amants. Les avis du groupe sont mitigés : d'un côté la finesse masculine est louée, de l'autre la cruauté condamnée. Dans ces débats moraux se découvrent et se heurtent des consciences. Certains devisants n'hésitent pas à défendre et justifier de mauvais exemples et à semer de fausses vérités : dans la nouvelle une de la septième journée Hircan incite les femmes à ne pas craindre de tomber entre les mains des hommes car leur esprit, leur finesse défendra leur honneur. Longarine s'oppose à ses propos, qui ne sont pas un bon exemple à suivre pour les femmes. Ces vérités malhonnêtes énoncées pour le seul profit des devisants amènent à douter de la portée de l'oeuvre, entre exhortation à la vertu et louange du plaisir. Cette écriture éclatée qui signe l'identité du recueil, avec ses voix plurielles et divergentes, révèle des incompatibilités idéologiques : les dialogues créent une chute brusque par rapport à cette recherche fragile, car ils ouvrent une trouée sur l'incohérence du monde, et l'irréductible pluralité des jugements humains qui s'égarent hors le sens moral de l'histoire, de méditer l'exemple. Mais parfois, on peut observer une insatisfaction du narrateur devant le sens moral qu'il avait lui-même inscrit en tête de son récit, et qui n'avait pas encore été soumis à l'épreuve des passions et des événements. Le débat s'écarte soudain d'une proposition morale qui a perdu toute force d'évidence. En d'autres termes, les nouvelles sont en tant qu'exemples racontées pour illustrer des propositions éthiques générales ; pourtant les devisants sont incapables de se mettre d'accord sur leur application pratique dans la vie particulière de tel homme ou telle femme. Chaque histoire de l'Heptaméron se veut manifestation d'une vérité. Les débats opposent à la vérité manifestée par les narrateurs les doutes et objections des auditeurs. Ces dix voix en Un seul récit provoque un assentiment significatif de tous, l'inceste redoublé, qui insiste sur l'importance de s'humilier et se recommander à Dieu pour ne pas trébucher. C'est là la vérité fondamentale de l'oeuvre. « Dans toute son oeuvre littéraire, Marguerite de Navarre exprime une vision, chrétienne et évangélique, selon laquelle les paroles humaines servent à nous orienter (...) vers la Parole éternelle de Dieu, devant qui l'homme doit se taire, et dont la Sentence viendra achever l'Histoire ».

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