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Made in China

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Par   •  27 Février 2019  •  Analyse sectorielle  •  2 437 Mots (10 Pages)  •  505 Vues

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TRANSVERSALES

Courrier international – no 1441 du 14 au 20 juin 2018

Version éthiopienne du “made in China”

[pic 1]

Usine textile du groupe Wuxing, dans le parc industriel de Hawassa.

Photo Nicole Sobeck/VII.REDUX-REA.

Textile. Avec le soutien financier Pékin, Addis−Abeda industrialise le pays à marche forcée – en misant sur une main – œuvre très bon marché.

⎯Bloomberg Businessweek (extraits)

New York

D

ans son bureau lumineux de l’usine flambant neuve d’Indochine International, Raghav Pattar, vice-président de cette entreprise chinoise de confection, est enthousiaste. Nous sommes en novembre, et six mois seulement après l’ouverture du parc industriel de Hawassa, il fait déjà travailler 1 400 personnes. Son objectif est d’employer 20 000 Éthiopiens d’ici à 2019. « Il y a vingt-quatre mois, il n’y avait que des champs ici, souligne-t-il. Quel pays peut changer autant en vingt-quatre mois ? C’est ça, l’Éthiopie ! »

Cet Indien, qui travaille dans le textile au Bangladesh et en Égypte, regarde par la fenêtre l’atelier où des centaines de femmes sont en train de coudre, d’apposer des étiquettes ou d’enlever les plis au fer à repasser sur des sous-vêtements Warner’s, une marque vendue principalement chez Walmart. « Le gouvernement est très engagé à nos côtés, il a fait venir des ouvriers qui ont travaillé jour et nuit, 24 heures sur 24, pour construire le site. Et il n’y a pas du tout de corruption ! »

Le parc de Hawassa a effectivement surgi de terre très rapidement grâce à une entreprise publique chinoise qui a fabriqué en neuf mois 56 bâtiments métalliques rouges et gris identiques, destinés à la production textile, le tout pour 250 millions de dollars [214 millions d’euros], selon la Commission éthiopienne de l’investissement.

Mais si Raghav Partar s’emballe autant, c’est parce qu’il reçoit Belay Hailemichale, le directeur du parc qui s’occupe du « guichet unique » pour les démarches. Ce centre d’aide permet aux sociétés d’obtenir rapidement des licences d’importation et d’exportation ainsi que des visas pour les cadres, et facilite le recrutement de la main-d’œuvre.

Celle-ci est majoritairement composée de femmes, arrivées de leur village après un long voyage dans des cars poussiéreux, et qui ont attendu des heures pour postuler à des emplois assortis d’un salaire de base d’environ 25 dollars [21,5 euros] par mois. Le centre leur fait passer un test de dextérité pour les classer en trois catégories : les douées (première catégorie), destinée à travailler sur des machines de coudre, et les moins débrouillardes (catégories 2 et 3), qui mettrons les produits dans des cartons et brayerons les locaux.

L’Éthiopie, pays de 100 millions d’habitants de la corne de l’Afrique, souvent touché par la sécheresse et sans accès à la mer, est en passe de devenir l’échelon le plus bas de la chaîne d’approvisionnement qui nous inonde d’une mode jetable. Appâtés par des avantages fiscaux, des promesses d’investissements dans les infrastructures et une main-d’œuvre très bon marché, la Chine et le Sri Lanka – où les pays occidentaux externalisaient naguère leur production – jouent désormais le rôle intermédiaire pour accroitre la production éthiopienne au profit des marques comme Guess, Levi’s et H & M. Depuis 2004, l’Éthiopie a déjà ouvert quatre gigantesques parcs industriels détenus par l’État, et huit autres sont prévus d’ici à 2020.

Les industriels qui s’installent ici sont exonérés de l’impôt sur le revenu durant les cinq premières années et n’ont pas à payer de droits de douane ou de taxes sur les biens construction importés. L’Éthiopie peut se permettre de telles largesses grâce à la Chine, qui lui donne beaucoup d’argent : elle lui a accordé 10,7 milliards de dollars de prêts entre 2010 et 2015, selon le Projet de recherche sur la Chine en Afrique de l’École des hautes études internationales de l’université Johns Hopkins [à Washington].

Mode jetable. Actuellement, une grande partie des fonds sert à financer des contrats juteux conclus avec des entreprises chinoises qui, grâce à la main-d’œuvre éthiopienne, construisent des barrages, des routes ou des réseaux de téléphonie mobile. Ces infrastructures devraient, selon le gouvernement, permettre à l’Éthiopie de rejoindre les rangs de la classe moyenne mondiale. « L’objectif est de créer 2 millions d’emplois dans l’industrie manufacturière d’ici à la fin de 2025, explique Belachew Mekuria, de la Commission éthiopienne de l’investissement. Nous sommes un pays agricole, mais cela va changer. »

Si une guerre civile n’éclate pas avant… Lors des Jeux olympiques de Rio de Janeiro en 2016, le marathonien Feyisa Lilsesa avait attiré l’attention du monde entier sur la crise qui couvait dans son pays : en franchissant la ligne d’arrivée, il avait levé les bras en croix pour symboliser son opposition au gouvernement. Le sportif appartient à la plus grande communauté du pays, les Oromos. Depuis 2015, ces dernières organisent de grandes manifestations pour protester, disent-ils, contre l’accaparement des terres agricoles qui accompagne le projet d’industrialisation planifié par un gouvernement autocratique.

Le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), qui possède tous les sièges au Parlement, prétend représenter tous les peuples du pays (plus de 70), mais le pouvoir est entre les mains des Tigréens, qui représentent seulement 6% de la population. Durant les années de troubles, des certains d’Oromos ont trouvé la mort, des usines ont été brûlés et de nombreux dissent ont été emprisonnés.

À la mi-février, le gouvernement a surpris la pays en relâchant des certains de prisonniers, un geste d’apaisement en direction des Oromos et peut-être aussi des investisseurs, sur lesquels repose le processus de transition en Éthiopie. Dans la foulée, le Premier ministre, Hailemariam Desalegn, a démissionné [il a été remplacé, début avril, par Abiy Ahmed, considéré comme un réformateur].

Le parc, qui se trouve dans la campagne, à la périphérie à la petite ville de Hawassa, n’a pas suscité de grandes manifestations. Les 500 paysans déplacés à cause de lui appartiennent à la communauté sidama, qui a peu de poids politique. Cependant, leurs protestations font écho à celles des Oromos.

[pic 2]

Les industriels sont exonérés de l’impôt sur le revenu pendant cinq ans

Urese Dinsa, 69 ans, ancien chef de la circonscription où le parc a été construit, dit ainsi avoir été trompé par la promesse d’obtenir 37 000 dollars et des emplois pour ses enfants s’il quittait le terrain d’un hectare qu’il cultivait depuis dix-sept ans. En fait, il n’a reçu que 6 000 dollars – plus cependant que bien d’autres paysans. Au début, de nombreuses femmes déplacées ont obtenu un travail en usine, mais maintenant, « moins de dix y sont encore ». Respecter des horaires stricts n’est pas dans leurs habitudes. « Elles n’ont qu’une demi-heure pour déjeuner. Elles ont mal au dos. Elles sont épuisées. Ces boulots rendent tout le monde malade. »

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