Lorenzaccio, Musset

Lorenzaccio de Musset n’a cessé, dès sa publication (1834) et surtout depuis sa « création » très tardive (1896), de susciter les interprétations les plus diverses, voire les plus opposées. Une pièce totalement libre. Une entière liberté prise par Musset, notamment dans la multiplication des décors et des tableaux, mais aussi dans la multiplication des lieux et des endroits, qui rendent impossible la moindre représentation théâtrale complète et fidèle de sa pièce si libre de toute contrainte. Dans un premier temps nous analyserons une chronologie complexe. Et puis dans un second temps nous verrons une multiplicité des lieux et des endroits

La chronologie dans Lorenzaccio semble se déployer sur dix jours, du 29 décembre 1535 au 7 Janvier 1536, si l’on établit un compte à rebours à partir de la fameuse constatation superstitieuse dressée par le marchand, autour du chiffre 6, à la fin de la pièce (V, 5), à propos de la mort du duc survenue donc le 6 janvier 1536.

Mais il faut souligner que Musset, en fait, s’est employé, à brouiller les pistes et à rendre la chronologie interne presque impossible à établir réellement.

Au total, on ne relève que trois indications temporelles sûres, quoique datations vagues, dans toute la pièce :

1) La durée de l’absence du marquis de Cibo : « ce sera l’affaire d’une semaine » (I, 3).

2) Le fait que la foire de Montolivet ait lieu un vendredi : « je ne reste jamais plus d’une heure ici, et je n’y viens jamais qu’un seul vendredi » (I, 5).

3) La superstition des « six Six » : « il avait six blessures, à six heures de la nuit, le 6 du mois, à l’âge de vingt-six ans, l’an 1536. Maintenant, un seul mot. Il avait régné six ans » (V, 5).

En prenant pour point de repère certain le vendredi de la foire de Montolivet, on aboutit plutôt à une chronologie d’une semaine, et non pas d’une décade (dix jours), qui s’établirai ainsi :

- Du jeudi minuit au vendredi à la tombée de la nuit pour l’acte I

- Du vendredi à l’heure du dîner au vendredi tard dans la soirée pour l’acte II

- La journée du samedi pour l’acte III

- La journée du dimanche pour l’acte IV

- Enfin, le lundi et mardi à florence, et sans doute le mercredi et jeudi à Venise pour l’acte V

Pour ne prendre l’exemple que de ce même acte V, on y relève des invraisemblances : ainsi de l’élimination de Lorenzo, survenue dans la pièce alors que celui-ci est réfugié à Venise depuis « plusieurs jours » (V, 2, l.187-188, p. 221),

Mais donc avant l’installation de Côme de Médicis, censée pourtant se dérouler moins de deux jours après le tyrannicide. (V, 1, l.60-61, p.216).

Lorenzaccio illustre l’éclatement de l’unité de lieu revendiqué par le drame romantique.

Pas moins de 38 endroits pour 39 scènes, répartis en 5 actes.

Le premier acte comporte 6 scènes pour 6 endroits. On constate de multiples endroits qui ne

...