Le savetier et le financier analyse des personnages

I. Le portrait du financier. 1. Un homme d'argent.

a) Des signes extérieurs de richesse :

"En son hôtel"

 Il s'agit d'un hôtel particulier – une grande demeure imposante, luxueuse, et qui manifeste la puissance d'une famille. On parle encore des "hôtels" des grandes familles dans Balzac.

"tout cousu d'or".

L'expression est familière, elle semble empruntée à un jugement populaire, et souligne ainsi la réputation du financier (le peuple en parle, et en parle de cette façon) ainsi que l'étendue de sa richesse, dont il est inséparable ; s'il est "cousu d'or", c'est que sa fortune lui "colle à la peau" comme un vêtement. À l'origine, l'expression peut désigner une façon de dissimuler des pièces d'or, durant un voyage, en les cousant dans la doublure d'une veste.

Le narrateur prend parti : "Du moment qu'il gagna ce qui cause nos peines". La périphrase désigne l'argent d'une manière péjorative et généralisante,

grâce au présent de vérité générale et à l'adjectif possessif "nos", qui inclut le narrateur, les lecteurs et l'humanité dans son ensemble.

b) Une mentalité :

Une façon de voir l'argent :

"Que gagnez-vous par an ? - Eh bien, que gagnez-vous, dites-moi, par journée ?" Le financier est l'homme des bilans comptables ; il tient des livres de comptes,

et ne raisonne pas à la même "échelle" que le savetier. D'un côté, un spéculateur, qui brasse de grandes sommes d'argent ; de l'autre, un travailleur, qui a une vue à court terme : gagner de quoi vivre.

L'autorité d'un homme habitué à être obéi.

"il fait venir" "et lui dit" "Le financier, riant de sa naïveté Lui dit : "Je vous veux mettre aujourd'hui sur le trône. Prenez ces cent écus ; gardez-les avec soin, Pour vous en servir au besoin."

Le savetier est convoqué chez le financier – et tout se passe très vite ; l'autorité incontestée du financier s'exprime dans "Je vous veux" et les impératifs "Prenez", "gardez".

Prétention :

Il "rit" de ce qu'il juge être de la "naïveté", l'appelle "sire Grégoire" en employant une apostrophe qui prend ici une valeur ironique, "sire", juste avant le prénom populaire.

"Je veux vous mettre sur le trône" : Le financier se présente comme un faiseur de roi... Il pense que pour le savetier, être riche et être roi, c'est la même chose... et peut-être est-ce aussi l'opinion du financier, incapable de voir dans le roi autre chose que l'argent (et la noblesse ? Le souci des intérêts de l'État ?)

Un calcul :

En apparence, le don du financier est une fantaisie charitable ; l'argent est proposé "pour vous en servir en cas de besoin" – on songe à la maladie...

Mais en réalité, le financier veut réduire le savetier au silence, pour pouvoir enfin dormir le matin ! Le financier veut donc bien acheter "le dormir"...

2 Un homme malheureux, insatisfait :

Le manque de sommeil

"Chantait peu, dormait moins encor.

Si sur le point du jour, parfois il sommeillait, Le savetier alors en chantant l'éveillait ;"

L'imparfait permet de faire un portrait, dans la durée. Ce qui est essentiel : le sommeil. "Chantait peu" sert de transition, installe l'antithèse, et permet de passer de

l'insouciance heureuse du savetier aux soucis du financier, les "chants" sont associés à la gaieté – et une gaieté qui s'exprime, que les autres entendent...

Or, la gaieté du savetier achève de torturer le financier. Le vers "Si sur le point du jour, parfois il sommeillait" – riche de sifflantes qui évoquent le ronflement de l'homme enfin assoupi,

après une nuit blanche, est suivi du vers dynamique, où l'on repère un "V", guilleret, au début et à la fin :

"Le savetier alors en chantant l'éveillait". La joie du savetier fait alors le malheur du financier, privé de sommeil. Cependant, si le financier a passé une nuit blanche, c'est à cause des soucis

liés à son métier : "C'était un homme de finance" est une explication, qui n'est pas précédée d'un lien logique ("car", "parce que") ; le lien est immédiatement trouvé par le lecteur, et senti comme une évidence.

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