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Le rythme dans Carnet d'un retour au pays natal. Césaire

Commentaire de texte : Le rythme dans Carnet d'un retour au pays natal. Césaire. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  13 Janvier 2017  •  Commentaire de texte  •  5 849 Mots (24 Pages)  •  1 024 Vues

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Exposé : Retour à l’oralité première : parole et rythme.

Lecture

Introduction

Maintenant, voici quelques mots extraits du poème Rien ne délivre jamais que l’obscurité du dire d’Aimé Césaire: « Rien ne délivre jamais que l’obscurité du dire, dire de pudeur et d’impudeur, dire de la parole dure ». Ces vers peuvent être considérés comme un des fondements de l’œuvre de l’auteur francophone, c'est-à-dire la conviction que la parole est libératrice, toutefois, cette parole est dure, parce qu’elle est difficile à entendre et parce qu’elle révèle une vérité difficile à supporter. Le moyen de déchiffrer, d’interpréter cette parole est de prendre en compte son rythme qui fait d’elle une écriture orale. Cette relation ténue entre la parole, l’oralité et le rythme est ce que nous avons tenté de mettre en vertige au cours de notre lecture d’extraits du Cahier d’un retour au pays natal. Ces trois pôles ne sont pas fixes, vous avez peut-être remarqué qu’ils évoluent.

En préambule voici des prémices définitionnelles de ces trois pôles, leurs caractérisations seront sans doute développées durant notre discussion.

La parole : La parole est le langage articulé humain destiné à communiquer la pensée. Articuler la parole consiste à former des signes audibles, les syllabes formant les mots qui constituent des symboles. La parole étant un assemblement de sons, cet assemblement crée un rythme.

Le rythme : le rythme est l’effet sonore créé par l’association, la dissociation, la séparation, la répétition de certains sons.

L’oralité : Jean Dérive la définit ainsi : « ce n’est pas une culture par défaut, placée sous le signe du manque : manque d’écriture, manque d’auteur, manque du raffinement que seul permettrait le recul de l’écrit. Elle est plutôt un choix culturel impliquant un type de rapport au verbe incarné consommé à chaud dans le cadre « immédiat » d’une cohésion communautaire qui adhère collectivement »

Ces définitions aident à comprendre, pour commencer, ce cahier. Nous nous en sommes servies tour à tour pour analyser l’œuvre que nous avons séparé en trois mouvements. Le premier, de l’incipit jusqu’à la p°24 avec un petit appendice de l°37 à 43 a été analysée par Ophélia. Il se caractérise par la présence de deux styles, de deux rythmes : l’un très écrit, prosaïque et l’autre tendant à l’oralisation. Il s’agit d’un tableau dépréciatif des Antilles colonisées et des volontés poétiques du poète. Le second mouvement sur lequel a travaillé Marie est situé de la p°24 à la p° 36, il met en place une destruction du sens et de la culture occidentale. Ce chaos est intelligible grâce au rythme proprement oral qui ressuscite …qui diffère de la première partie. Cette instabilité installée par les deux premiers mouvements est maîtrisée dans le dernier mouvement compris entre la p°43 et la fin. Cette fois, l’oralité est omniprésente, elle consiste en un équilibre entre la culture écrite et la tradition orale : seule méthode valable qui permette au poète de dire la vérité, de l’affronter, et de la dépasser : avouer le passé colonial, l’accepter et la transcender à travers une littérature nouvelle : la négritude.

Quoi de plus surprenant que ce processus là, passer de l’écrit à l’oral ? Dans la littérature occidentale, il est d’usage de commencer par l’oral, brute, éphémère et de le transformer par un travail rigoureux en texte écrit, poli. Césaire emprunte le chemin inverse. Il part de l’écrit pour parvenir à la parole.

PB : C’est là une entrée envisageable, une interprétation possible du Cahier d’un retour au pays natal : Le récitant choisit de déconstruire l’écriture, de la faire parole oralisée par le biais du rythme car elle est plus à même de dire la vérité, la transparence (ce sur quoi s’achève l’œuvre, l’immobile verrition de la langue).

Question 1) Quelle est cette parole ? Et quelle est sa fonction ?

Dans la première partie (Ophélia)

Pour répondre à cette question, je dirais que la parole a un statut très particulier dans cette première partie du cahier. Ce n’est pas vraiment une parole. Ce passage se caractérise par les non dits, par que j’appellerai la non parole. Ce mouvement initial se répartit en deux discours, celui se rapportant au peuple antillais et celui se rapportant au poète. Dans les deux cas, le texte est le fruit d’une absence de parole. Par exemple : « les martyrs qui ne témoignent pas », « cette ville […] muette », « cette ville […] ne participant à rien de ce qui s’exprime »… Chaque occurrence relevant de la parole exprime le silence à part aux p°8 et 9, les martyrs s’expriment tels des « perroquets babillards » et la « foule » est « criarde ». Le suffixe ard est péjoratif et reflète la nature dépréciative de cette parole, il ne s’agit pas de discours raisonnés, le nègre répète ce que le colon lui a inculqué sans l’analyser, il fait du bruit, il crie et piaille mais passe « à côté de son vrai cri », c'est-à-dire de la plainte. Césaire donne la parole à un peuple opprimé qui refuse d’avouer cette oppression, de la dire, de revendiquer ses droits. C’est donc une non parole qui n’engendre aucune action.

Ce qui détermine la non parole du peuple antillais repose sur le rythme. C’est un rythme prosaïque et intense, des blocs de longueurs variables s’imposent, lourds, martelés par des anaphores. Il y a peu d’oralité dans ce passage, c’est un rythme propre à la prose avec une ponctuation régulière, en somme, c’est très écrit. Il semble intéressant d’observer que le peuple ne dit pas, donc le rythme qui le caractérise est celui de l’écrit et non de l’oral, de la diction.

Pour ce qui est du poète, ou du récitant, lui aussi est dans la non parole. En fait, il essaie de dire sans succès. A la page 21 : « Je retrouverai le secret des grandes communications […] et venant je me dirais à moi-même », le récitant utilise le conditionnel, il est dans l’hypothétique, dans le rêve de dire. Le rythme est totalement différent lorsque le poète s’empare de la non parole, il tend vers l’oralité : p°20, anaphores nombreuses, répétitions, la ponctuation tend à disparaître, les blocs sont brisés par des blancs typographiques : « Partir. […] un mendigot ». Le poète a l’ambition de vouloir tout dire,

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