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Le robot comme métaphore. Comparaison de RUR et les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?

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Par   •  1 Octobre 2017  •  Commentaire de texte  •  12 608 Mots (51 Pages)  •  651 Vues

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Le robot comme métaphore.

Une approche entre histoire littéraire et herméneutique

R.U.R

&

Les androïdes rêvent-ils de moutons  électriques ?

MER Marc Atallah

Université de Lausanne

Séminaire de Master

Septembre 2016

Alexandra Monnier

                

1. Problématique

En 1921, l’auteur tchèque Karel Capek s’est imposé comme figure clé de la science-fiction[1] par l’invention du terme "robot" et l’instauration d’un scénario qui deviendra un stéréotype de la science-fiction : la révolte des machines[2]. Le mot "robot", dont il est possible de mesurer aujourd’hui la conséquente prospérité[3], apparaît dans sa pièce de théâtre Les robots universels de Rossum (R.U.R) afin de désigner des « androïdes conçus pour le travail[4] ». Si l’on se réfère aux réflexions de Paul Ricœur dans son essai La Métaphore vive publié en 1975, Karel Capek crée ainsi une métaphore vive[5], qui consiste à décrire de façon novatrice le rapport entretenu par l’homme à une réalité[6]. En effet, l’auteur opère un « glissement sémantique[7] » dans la mesure où, en langue slave, ce terme signifie "travailleur", "corvée" ou "esclave"[8]. R.U.R est jouée pour la première fois à Prague en 1921, c’est-à-dire à l’aube de la dictature stalinienne[9]. Or, le fait que le travailleur y soit assimilé à un être artificiel apparaît sans l’ombre d’un doute comme une critique de la déshumanisation politique et technologique de l’homme sous le communisme, dont le robot serait la métaphore. En analysant l’origine du robot telle que les personnages la donnent ainsi que leur statut et leur fonction au sein de l’usine, il s’agira de répondre à l’interrogation suivante : comment et dans quel but  Capek construit cette métaphore vive ?

Philip K. Dick constitue l’un des auteurs ayant le plus exploité les ressources symboliques de la métaphore crée par le dramaturge tchèque[10]. Dans son essai Androïde contre humain (1972), il définit explicitement l’androïde comme la métaphore de l’homme instrumentalisé[11], faisant ainsi écho aux robots-travailleurs de Capek. En effet, ses fictions mettent en scène des androïdes, notamment dans Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (1968), afin de produire un questionnement ontologique sur l’humanité[12]. En nous appuyant sur les propos de son essai, il s’agira d’esquisser les contours de sa réflexion et d’analyser comment celle-ci se manifeste dans cette œuvre majeure : comment remotive-t-il la métaphore des robots de Capek et que signifie-t-elle ? Quel est le moteur de celle-ci ?

2) R.U.R, la création d'une métaphore vive : le robot comme métaphore du travailleur-esclave

                a) L’invention des robots : entre métaphore vive et métaphore remotivée

Comme le développe Marc Atallah dans son essai L’art de la science-fiction, la science-fiction permet aux lecteurs de réfléchir à ce que devient l’homme lorsqu’il est en permanence « pétri et informé par un monde techno-industriel[13] ». Dans cette optique, l’auteur de SF crée un monde conjecturé autour duquel il déploie un scénario. Ce monde et l’intrigue qui s’y déroule ont pour vocation de grossir les traits de la réalité économique, sociale et/ou politique du lecteur afin de mettre en évidence les aspects problématiques de celle-ci[14]. C’est précisément cette démarche qu’entreprend Capek quand il choisit le terme "robot" afin de désigner des « hommes industriels » et « artificiels[15] » conçus pour le travail, autrement dit des « ouvriers artificiels[16] ». En nous référant aux propos de Paul Ricœur, on peut affirmer que Capek crée une "métaphore vive". Créer une métaphore vive correspond à un processus créatif qui attribue une signification à un mot originellement pourvu d’un sens différent[17]. C’est ce que fait Karel Capek quand il emprunte à son frère le terme « robot » pour désigner ses travailleurs artificiels puisque il ajoute aux sens précédents de ce mot, "travailleur", "esclave", "corvée", celui de « travailleurs-androïdes organiques produits en série[18] ». Le choix d’un tel terme est lourd de sens et le changement qu'a opéré l'auteur en témoigne. Lorsqu'il préparait sa pièce, Capek avait initialement choisit le terme "labori" signifiant simplement "travailleurs"[19]. Or, en qualifiant finalement ses créatures artificielles de "robots", il ajoute le sème de l'esclavage et du travail forcé à celui du travail. Dès lors, le mot "robot" constitue la « matérialisation textuelle[20] » de la conjecture crée par Capek. Concrètement, il crée une conjecture en extrapolant la réalité du monde du spectateur, c’est-à-dire les conséquentes avancées technologiques et industrielles du XXe siècle. Les didascalies situent effectivement l’action dans un espace scénique industriel[21] :

« Les bureaux de la direction des usines Rossum’s Universal Robots. L’entrée se trouve à droite. Par les fenêtres au fond on voit les bâtiments des usines alignées à l’infini. A gauche, d’autres bureaux de la direction. Domin est assis à son bureau de directeur, dans un grand fauteuil. Sur le bureau une lampe, un téléphone, des presse-papiers, des classeurs, etc. Sur le mur gauche, des panneaux indicateurs de lignes ferroviaires et maritimes […][22] »

Le décor scénique amène sans équivoques le spectateur à situer l’intrigue dans un cadre industriel, ce dont témoigne l’indication de la présence d’usines, d’un bureau de travail et de chemins de fer. De plus, la création des robots est d’emblée posée comme conséquence des progrès technologiques :

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