Le meutre de laios

Pour les lecteurs modernes, le nom d’Œdipe est étroitement associé à une découverte dans la psychanalyse : le complexe d’Œdipe, que tant d’homme subit à un moment de la prime enfance. Pier Paolo Pasolini transpose à l’image la tragédie antique de Sophocle pour la relier avec son histoire personnelle. En effet, Pasolini était très proche de sa mère, celui-ci va même finir sa vie auprès d’elle. Dès lors nous pouvons donc nous demander quelles sont les fonctions que revêt le meurtre de Laïos dans les deux œuvres. Les fonctions du meurtre de Laïos ont-elles un rapport réciproque dans les deux ouvres ? Dans un premier temps nous nous interrogerons sur la figure d’Œdipe envers le meurtre de son prédécesseur et à la fois de son père. Dans un deuxième temps nous nous intéresserons à la figure de Jocaste sur l’accusation d’Œdipe. Enfin, nous verrons que le meurtre de Laïos est significatif du destin d’Œdipe

Chez Sophocle, le meurtre de Laïos revêt la colère fréquente et soudaine d’Œdipe, comme face à Tirésias puis à Créon. Elle explique en partie le meurtre de Laïos, car, c’est pendant  une altercation après  qu’Œdipe reçoit un coup de fouet d'un des serviteurs qu’il se met à tuer tout le groupe sous le coup de la colère. Chez Pasolini, le meurtre est moins lié à la colère. Œdipe ne semble pas vouloir se plier à une contrainte, à un ordre. Lorsque le conducteur du char lui demande de lui laisser le passage, Œdipe refuse. Il s’emporte lorsqu’un soldat s’approche vers lui avec son arme. Œdipe lui jette alors une pierre lourde. Œdipe utilise la ruse d’Horace contre les Curiaces, il court pour séparer les cinq gardes et achève en tuant Laïos. Dans d’autre épisode du film nous apercevons qu’Œdipe ne semble pas vouloir se plier à un ordre. Par exemple lorsqu’il triche au lancer de disque. C’est d’ailleurs à cet épisode qu’Œdipe apprend pour la première fois qu’il a été adopté. De plus lorsque le Sphinx l’interroge «  Une énigme assombrit ta vie. Quelle est-elle ? », Œdipe réplique « Je ne veux pas savoir », puis la rejette dans l’abîme. Nous constatons qu’à chaque fois qu’Œdipe s’emporte, l’épisode renvoie soit à ses origines ou à la réponse de ses origines, qu’il refuse d’ailleurs d’entendre jusqu’à ce qu’il soit roi et qu’il apprenne  le meurtre de son prédécesseur. A travers cette colère, Pasolini a peut-être voulu traduire la relation difficile qu’il a avec son père.

Pasolini s’approprie le personnage de Laïos. Le traitement autobiographique est très net. Il le dit lui-même dans un entretien aux Cahiers du cinéma en 1927 « L'enfant du prologue, c'est moi, son père est mon père, officier d'infanterie, et sa mère, une institutrice, est ma mère. Je raconte ma vie, mythifiée, naturellement, rendue épique par la légende d'Œdipe. » Pasolini lie l’histoire d’Œdipe Roi de Sophocle au complexe d’Œdipe de Freud pour parler de son propre complexe d’Œdipe. Le meurtre de Laïos serait un symbole d’hostilité pour l’autre parent. Lorsqu’Œdipe tue son père dans le film, on peut y voir comme l’image de l’enfant qui veut prendre la place du père auprès de sa mère pour s’assurer de l’exclusivité de l’amour de cette dernière. Chez Sophocle et Pasolini, le meurtre de Laïos peut être aussi vu comme  une vengeance envers ce ce dernier, car, lorsque l’oracle d’Apollon lui avait prédit qu’un fils qui naitra de son union avec Jocaste, lui ôtera la vie, Laïos afin d’échapper au destin dont le dieu l’avait menacé, prit cet enfant trois jours après sa naissance, lui perça les pieds, et, ordonna qu’on le fit périr. Pour Pasolini se serait une vengeance envers son père militaire toujours absent, le cinéaste se sentant abandonné.

Le meurtre de Laïos nous permet de connaitre deux facettes totalement différentes de Jocaste. Chez Sophocle, nous avons l’image d’une épouse tendre et anxieuse qui essaie d’arracher son mari à l’enquête troublante. Chez Pasolini, c’est aussi une épouse tendre mais qui veut conserver son bonheur : elle refuse l’évidence, et tente de soustraire son couple de la réalité. Elle rit quand on accuse Œdipe du meurtre, peut-être parce qu’elle croit son fils mort. Dans les deux œuvres elle entame une démonstration destinée à rassurer son mari sur les accusations portées contre lui. En effet, c’est elle qui apprend à Œdipe qu’un oracle arriva jadis à Laïos, non d’Apollon lui-même, mais de ses serviteurs et que le sort que Laïos avait à attendre était de périr sous le bras d’un fils qui naitrait de lui et d’elle-même. Or, selon une rumeur publique Laïos aurait été abattu par des brigands étrangers au croisement de deux chemins. Mais au lieu de rassurer Œdipe, ce récit le fait sombrer dans le désespoir. Ce qui l’amène ensuite à poser une multitude de question, tel que, la description physique de Laïos et de son équipage… La réponse de ces questions devrait l’amener à penser que c’est lui le meurtrier. Cependant Œdipe s’engouffre dans la moindre petite faille le faisant lutter contre la vérité. Il se laisse persuader par Jocaste que les oracles et autres divinations ne sont que mensonges. Cependant lorsque l’enquête avance Jocaste va changer totalement de comportement.

...