Le meutre de Laios

Pour les lecteurs modernes, le nom d’Œdipe est étroitement associé à une découverte dans la psychanalyse : le complexe d’Œdipe, que tant d’homme subit à un moment de la prime enfance. Pier Paolo Pasolini transpose à l’image la tragédie antique de Sophocle pour la relier avec son histoire personnelle. En effet, Pasolini était très proche de sa mère, celui-ci va même finir sa vie auprès d’elle. Dès lors nous pouvons donc nous demander quelles sont les fonctions que revêt le meurtre de Laïos dans les deux œuvres. Les fonctions du meurtre de Laïos ont-elles un rapport réciproque dans les deux ouvres ? Dans un premier temps nous verrons que le meurtre de Laïos est significatif du destin d’Œdipe. Dans un deuxième temps nous nous intéresserons à la figure de Jocaste envers le meurtre de son mari. Enfin, nous nous interrogerons sur la figure d’Œdipe envers le meurtre de son prédécesseur et à la fois de son père.

La recherche du meurtrier de Laïos n’est pas seulement une affaire politique. Elle revêt une valeur tragique. En effet, il est courant de voir le fils d’un homme assassiné ayant le devoir de venger le meurtre. En s’initiant vengeur de Laïos, dans une affaire politique, Œdipe s’identifie au fils que le roi était supposé ne pas avoir. Ce qui est révélateur de son propre. Dans le prologue de Sophocle, Œdipe évoque la lumière « je ferai la lumière », à travers cette citation nous pouvons y voir une multitude de symbole sur le destin du roi. D’une part chez Sophocle nous apprenons  qu’Œdipe a su éclaircir le mystère du Sphinx et nous avons pu voir que dans les deux ouvres Œdipe finie par connaitre ses propres origines.  D’ailleurs lorsqu’Œdipe évoque la lumière, inconsciemment il évoque un épisode important de la pièce et du film, c’est-à-dire, lorsqu’Œdipe arrive trop tard pour empêcher le suicide de Jocaste, et qu’il se crève les yeux pour ne pas voir la lumière du jour. Le meurtre de Laïos revêt ainsi le destin d’Œdipe mais permet  également à Sophocle de développer de l’ironie tragique.

Chez Sophocle l’hypothèse du complot émise par Œdipe révèle de l’ironie tragique. En effet, en unissant sa cause d’étranger à la cité et en évoquant le fait que le meurtrier pourrait se trouver à Thèbes, Œdipe ne fait qu’anticiper sans le savoir, sur ce que  l’enquête qu’il lance, dévoilera. Cette hypothèse du complot prépare aussi l’accusation qu’Œdipe lancera contre Créon et contre Tirésias dans le premier et le deuxième épisode afin de repousser les révélations du devin. De plus Œdipe ne fait encore une fois qu’anticiper sur son destin car les sentences très graves prises pour les meurtriers « périr ou exiler du pays », lui arrivera. En effet, dans Œdipe à Colonne Œdipe quittera la cité de cette manière-là. De plus entre Corinthe et Thèbes Œdipe est coupé de la communauté familiale.

Ainsi le meurtre de Laïos permet à Sophocle de montrer que le destin de se moque de lui malgré qu’Œdipe est pris ses précautions pour y échapper. Par ailleurs le meurtre de Laïos nous permet de connaitre deux facettes totalement différentes de Jocaste.

Chez Sophocle, nous avons l’image d’une épouse tendre et anxieuse qui essaie d’arracher son mari à l’enquête troublante. Chez Pasolini, c’est aussi une épouse tendre mais qui veut conserver son bonheur : elle refuse l’évidence, et tente de soustraire son couple de la réalité. Elle rit quand on accuse Œdipe du meurtre, peut-être parce qu’elle croit son fils mort. Dans les deux œuvres elle entame une démonstration destinée à rassurer son mari sur les accusations portées contre lui. En effet, c’est elle qui lui apprend qu’un oracle arriva jadis à Laïos, non d’Apollon lui-même, mais de ses serviteurs et que le sort que Laïos avait à attendre était de périr sous le bras d’un fils qui naitrait de lui et d’elle-même. Or, selon une rumeur publique Laïos aurait été abattu par des brigands étrangers au croisement de deux chemins. Mais au lieu de rassurer Œdipe, ce récit le fait sombrer dans le désespoir. Ce qui l’amène ensuite à poser une multitude de question, tel que, la description physique de Laïos et de son équipage… La réponse de ces questions devrait l’amener à penser que c’est lui le meurtrier. Cependant Œdipe s’engouffre dans la moindre petite faille le faisant lutter contre la vérité.

Chez Pasolini, Jocaste rit quand on accuse Œdipe du meurtre, peut-être parce qu’elle croit son fils mort, et sans doute parce qu’elle a éloigné les preuves. En effet, c’est elle qui a accepté le départ du témoin après le meurtre de Laïos.  Dans les deux œuvres, et plus précisément  dans le troisième épisode de la pièce, lorsqu’Œdipe apprend que sur le Cithéron, un nouveau-né ligoté par les pieds avait été donné au Corinthien par un berger de Laïos, nous n’avons plus une Jocaste destinée à rassurer son mari sur les accusations portées contre lui. En effet, Jocaste laisse place au silence, d’ailleurs, chez Sophocle lorsque le Coryphée exprime l’idée que le berger de Laïos n’est autre que le témoin du meurtre du roi, chez Sophocle la reine n’intervient pas pour le confirmer, elle se fait discrète mais est désespéré devant la révélation. Chez Pasolini Jocaste se fait aussi discrète mais elle est plutôt frustrée de perdre son bonheur. En effet, c’est elle qui a dit à Œdipe «  Après tout, qui n’a pas fait l’amour avec sa mère en rêve ? ». De plus dans le film et la pièce, tous les détails que donne le Corinthien parlent à Jocaste, en effet, c’est elle qui a remis le nouveau-né au berger en lui donnant des instructions. Tous ces détails désignent pour elle, le fils qu’elle a mis au monde, ce qui fait que Jocaste est la première à connaitre la vérité sur le meurtre de Laïos et les origines d’Œdipe.

...