La poésie tient-elle ses pouvoirs de sa perfection formelle ?

Elise Reigner 1e9

La poésie tient-elle ses pouvoirs de sa perfection formelle ?

Au XVIIe siècle une grande variété de poésie pouvait être trouvée, passant des fables qui avaient pour but d’enseigner, aux poésies lyriques qui elles partageaient des sentiments sur des thèmes généraux comme l’amour, le temps ou la nature.  Malherbe poète né en 1555 a établi des règles stricte que la population était disposée à accueillir, il imposa l’usage de la pure langue française de Paris avec du vocabulaire spécifique et régla la versification et il exigea des pauses fixes dans les strophes et des rimes riches. C’est pourquoi l’on peut se demander si la poésie puise sa puissance dans sa conformité parfaite ? Pourtant, au XVIIIe avec Charles Baudelaire arrive l’élan d’une poésie moderne plus libre et spontanée. Les règles mises en place ne sont plus autant respectées et une nouvelle forme de poésie voit le jour. La force de la poésie se réduit-elle alors uniquement au respect de sa forme ? En premier lieu nous verrons que la poésie est définie par un respect des règles. Ensuite nous verrons que la poésie puise ses pouvoirs dans d’autres domaines.

Afin de faire de la poésie, il faut respecter des règles précises. 

      Ces règles prennent des formes diverses et nous pouvons nous demander comment elles marchent.  La poésie est connue depuis plusieurs siècles pour sa structure caractéristique. Il est commun d’écrire de la poésie d’une manière ordonnée et précise ainsi qu’avec des procédés communs à l’ensemble des poètes. La poésie traditionnelle demande un comptage de syllabes précis et constant (par exemple en alexandrin), une structure de strophes et de vers spéciaux (par exemple avec des quatrains ou distiques).  Lorsqu’on écrit un sonnet, il est primordial d’y retrouver deux quatrains et deux tercets. Il faut également respecter des procédés afin de retrouver une forme de musicalité et de rythme propre à la poésie. En fonction de l’époque à laquelle le poème est écrit, le poète doit faire attention aux codes sociaux, il est important de respecter les idées du moment afin de ne pas heurter les mœurs. Au XIXe siècle, la religion prenant une grande place dans la société, il était inacceptable pour un poème de traiter de personnes homosexuelles ou lesbiennes car cela allait à l’encontre des règles de cette époque. La poésie exige un lexique adapté, il n’est pas possible d’écrire sur tout. Chaque mot ne peut pas être poétique par nature, il est donc important de faire un choix minutieux en ce qui concerne ses choix de mots afin que cela soit de la poésie et que cela sonne bien.  

         Charles Baudelaire considéré comme un des plus grands poètes de son époque, a composé un poème sur un cadavre en décomposition, un sujet pouvant être considéré comme non-poétique. Nous pouvons donc nous demander ce que représentent ces règles pour Baudelaire.  En 1957 son recueil Les Fleurs du Mal, œuvre clé de la carrière du poète, fut censuré pour “outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs". Lors de sa parution l'œuvre choque par ses inspirations maléfiques, ses aspects morbides et sensuels mais surtout par son ignorance de la morale religieuse. Les codes sociaux de l'époque n'étaient pas respectés. Par exemple dans son poème “Lesbos” Baudelaire décrit l'île prénommé Lesbos qui était connu dans la Grèce antique pour être une "île des plaisirs” ou les personnes homosexuelles et lesbiennes pouvaient se retrouver. A l’époque la religion interdisait l’homosexualité et cela était vu comme un crime. Que ce thème soit utilisé dans un poème avait profondément scandalisé le public de Charles Baudelaire. Le poème “Les bijoux” autre poème de la section des pièces condamnées avait aussi choqué par son aspect sensuel et la description détaillée du corps nu de la femme.  D’une part, une grande partie des poèmes de Charles Baudelaire était composée en sonnet (quatorze vers composant deux quatrains et deux tercets) et écrite en alexandrin (douze syllabes) comme “Alchimie de la douleur” de la section “Spleen et Idéal” des Fleurs du Mal mais aussi “Les aveugles” de la section “tableaux parisiens”. Avec ces poèmes il respecte les procédés de la poésie traditionnelle avec le comptage de vers et de syllabe ainsi que l’utilisation de rimes. D’autre part, Baudelaire a emmené avec lui l’élan d’une nouvelle poésie, la poésie moderne. Il a été un des créateurs de la poésie en prose. La prose est une forme de poésie qui n’est pas astreinte aux règles de la versification, de la musicalité et du rythme qui sont essentielles à la poésie classique. Son recueil “Petits poèmes en prose” publié après Les Fleurs du Mal en 1869 est composé de poèmes utilisant exclusivement ce procédé de prose qui était très novateur pour l’époque. 

         La recherche de nouveauté par la résiliation des règles était un des objectifs majeurs de Charles Baudelaire et cela lui a valu un nombre important de sanctions. Nous pouvons donc nous demander ce qu'il se passe lorsque les règles ne sont pas respectées. 

Nous savons que le recueil des Fleurs du mal a été censuré car trouvé choquant et scandaleux pour cause des thèmes qui y sont abordés et il a fallu attendre jusqu’en 1949 pour que la version originale comme l’avait voulu Baudelaire et contenant tous les poèmes puisse être publiée. Lorsque les règles ne sont pas respectées, il est possible que le public ne veuille pas lire les poèmes. Car étant habitué à une forme très précise et à une poésie très structurés, il est réticent à l’idée d’un changement et des libertés que les poètes peuvent prendre. Il ne parvient donc plus à comprendre ou à analyser le message et la puissance du poème dans son ensemble.

          Pourtant nous savons que le “Petits poèmes en prose” ou “Les fleurs du mal” qui contiennent des poèmes ne respectant pas la perfection formelle de la poésie classique ont connu un grand succès auprès du public et Charles Baudelaire est désormais considéré comme un des plus grands poètes français, nous pouvons donc en déduire que la poésie puise son pouvoir grâce à d’autre domaines que le respect des règles. 

La poésie possède d’autres caractéristiques lui donnant de la puissance.

          Une des grandes puissances de la poésie sont les thèmes qui y sont abordés. Un poème veut faire passer un message, faire ressentir une émotion. L'image poétique est un élément constituant de la poésie : à la fois idée et évocation visuelle, elle parle aux sens et à l'esprit. Et pour cela, les poètes utilisent des thèmes universels qui parlent à tout le monde. Lorsque Charles Baudelaire dans Les fleurs du mal parle d’amour il a une destinataire et ses poèmes ont des muses pour qui il parle de son amour. Mais il n’est pas le seul, l’amour est un thème récurrent chez les poètes comme dans le poème “le sacre de la femme - Eve” du recueil la légende des siècles de Victor Hugo. La mort est également une source d’inspiration inépuisable des poètes. Charles Baudelaire dans son recueil ne cesse de dépeindre son obsession pour la mort. « Les fleurs du mal » contient une section prénommée « La mort » qui se compose de poèmes comme « la mort des amants » et « la mort des artistes ». Cette section met en scène des êtres mis de côté et marginalisés, pour ces personnages la mort apparait comme un salut, une manière de se sentir libéré. Avec ses thèmes morbides Baudelaire se place dans la continuité du mouvement du romantisme noir dont Théophile Gauthier, proche ami de Baudelaire, fait également parti. Ces thèmes connus de tous et quelquefois redoutés par certains font passer des sentiments et des émotions au lecteur qui peut facilement s’identifier à ce qui est dit et trouver de la force dans ce qui est raconté.  Les thèmes sont embellis grâce à la poésie.

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