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La Peau De Chagrin Analyse

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Par   •  12 Novembre 2014  •  2 155 Mots (9 Pages)  •  4 427 Vues

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Dès le premier regard, La Peau de chagrin, à la fois roman appartenant au courant réaliste et conte fantastico-philosophique, se fait remarquer dans l’œuvre de Balzac par l’étrangeté inouïe qui pénètre la vie de ses personnages. La Peau de chagrin occupe une place particulière dans La Comédie Humaine, à la fin des Études de mœurs, ouvrant les Études philosophiques. Il ne faut pas voir ces deux titres (Études de mœurs et Études philosophiques) en antithèse, comme on aurait peut-être tendance à le faire, car ils ne sont, en fait, que deux parties essentielles de La Comédie Humaine et, en même temps, de la Société. En ce qui concerne la place particulière occupée par ce roman dans l’œuvre de Balzac, l’écrivain la justifia lui-même: « Le premier ouvrage, La Peau de chagrin, relie en quelque sorte les Études de mœurs aux Études philosophiques par l’anneau d’une fantaisie presque orientale où la Vie elle-même est peinte aux prises avec le Désir, principe de toute Passion. » En même temps, l’auteur cherche à briser l’isolement de ce roman dans La Comédie Humaine, en donnant à ses personnages des noms qu’on retrouve dans ses autres romans, technique de liaison qui a été considérée comme pas trop efficace.

Le 22 janvier 1838, Balzac écrit une lettre à Madame Hanska, où il lui avoue: « […] il y a encore des gens qui s’obstinent à voir un roman dans La Peau de chagrin […] », ce qui – affirme Pierre Citron – n’oppose nullement roman à conte; oui, Le Peau de chagrin n’est pas un roman balzacien semblable à ceux que Balzac a écrit dans sa période de maturité, mais un œuvre qui représente le sommet artistique de l’écrivain et qui tire le rideau sur la première période créatrice de Balzac, un œuvre qui veut saisir et comprendre la société dans son entier.

Le caractère fantastique du roman n’empêche pas le contexte social et politique de se faire remarquer. Ainsi, le roman débute par les mots suivants, qui inscrivent l’œuvre dans le présent de l’époque: « Vers la fin du mois d’octobre dernier […] », c’est-à-dire d’octobre 1830, trois mois après la révolution. Balzac exprime par son personnage, Raphaël – un « poète » condamné à vivre dans un monde où « rien n’est complet que le malheur » – sa déception envers la société de ce temps-là: « Entre une mort volontaire et la féconde espérance dont la voix appelait un jeune homme à Paris, Dieu sait combien se heurtent de conceptions, de poésies abandonnées, de désespoirs et de cris étouffés, de tentatives inutiles et de chefs-d’œuvre avortés. » Ainsi, on se rend compte que le drame de Raphaël est essentiellement constitué par le fait que celui-ci est pris dans une société qui le conduit à gaspiller son énergie en vaine agitation. Car, selon la théorie de Balzac, tout homme possède à sa naissance une quantité d’énergie vitale qu’il a le droit de dépenser à son bon gré (soit en avare, soit en prodigue). C’est pourquoi une vie longue, mais sans éclat est l’équivalente d’une vie brève, mais intense (que le personnage aura choisise en acceptant la Peau de chagrin).

Avant d’aller plus loin dans ce périple balzacien, il faudrait étudier un peu le sujet et la structure du roman. Ainsi, un après-midi d’octobre 1830, à Paris, un jeune homme inconnu entre dans une maison de jeu, où il perd tout; alors, il décide d’en finir avec la vie. Attendant la nuit pour se noyer dans la Seine, le jeune homme erre dans Paris et entre dans un magasin d’antiquités. L’antiquaire est un vieillard énigmatique, qui montre au jeune inconnu la Peau de chagrin et qui formule la théorie d’après laquelle se conduit le roman de Balzac: VOULOIR et POUVOIR usent l’individu, brûlent et détruisent la substance (« VOULOIR nous brûle et POUVOIR nous détruit »). Le vieil antiquaire affirme qu’un homme ne peut pas arrêter le cours de sa vie, car il doit dépenser l’énergie vitale qui lui est offerte (« Peut-on arrêter le cours de la vie? L’homme a-t-il jamais pu scinder la mort? ») et il révèle au jeune homme le mystère de la vie humaine. Son discours est la clé théorique du roman: tout acte de volonté, tout désir, toute action – affirme-t-il – ont pour conséquence de réduire la durée de l’existence humaine. C’est grâce au fait qu’il a placé sa vie « non dans le cœur qui se brise, non dans les sens qui s’émoussent, mais dans le cerveau qui ne s’use pas et qui survit à tout » qu’il a réussi à atteindre l’âge de cent deux ans. La Peau de chagrin est, selon les dires de l’antiquaire, « le pouvoir et le vouloir réunis », elle est le désir excessif, le vice, la joie qui tue, la débauche et la passion violente. Le jeune homme accepte la Peau, parce qu’il a besoin « d’embrasser les plaisirs du ciel et de la terre dans une dernière étreinte pour en mourir ». Cette scène pourrait nous faire penser à l’histoire de Faust, mais on doit quand même faire une remarque: contrairement à Faust, le héro de Balzac ne signe aucun « pacte » pour vendre son âme; Raphaël ne donne que sa vie terrestre.

L’antiquaire est décrit par des détails qui se trouvent en antithèse, étant homme et Dieu, son visage ayant la « belle image du Père Éternel » et « le masque ricaneur du Méphistophélès ». L’antithèse est aussi présente dans la description de l’image de la Peau de chagrin (« cette peau projetait au sein de la profonde obscurité qui régnait dans le magasin des rayons si lumineux que vous eussiez dit d’une petite comète »), située juste en face du portrait du Christ – un autre objet qui rayonne d’une lumière surnaturelle, mais celui-ci appartenant à un univers complètement différent de celui vers lequel appelle la Peau.

Les paroles inscrites sur la Peau de chagrin (« Si tu me possèdes, tu posséderas tout. Mais ta vie m’appartiendra. Dieu l’a voulu ainsi. Désire, et tes désirs seront accomplis. Mais règle tes souhaits sur ta vie. Elle est là. À chaque vouloir je décroîtrai comme tes jours. Me veux-tu? Prends. Dieu t’exaucera. Soit! ») donnent au jeune homme le sentiment de renaître, il oublie sa vie et sa mort; l’antiquaire – initié dans les secrets de la Peau – se rend compte de l’influence fantastique que ce talisman a sur le jeune homme et il lui lance « un regard empreint d’une froide ironie qui semblait dire: – Il ne pense déjà plus à mourir. » L’antiquaire semble savoir que Raphaël

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