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L'écriture De Montaigne Dans Les Essais, Son Originalité Littéraire Et Son Intérêt Philosophique

Note de Recherches : L'écriture De Montaigne Dans Les Essais, Son Originalité Littéraire Et Son Intérêt Philosophique. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  16 Mai 2015  •  5 610 Mots (23 Pages)  •  5 797 Vues

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L'ensemble des Essais de Montaigne constitue une somme de réflexions des plus diverses, qui présente dans sa totalité un intérêt philosophique, et par la singularité de son style un intérêt littéraire ; ils sont, par ces deux aspects un ouvrage humaniste singulier. Du point de vue de l'écriture, la profusion des exemples tirés de l'Histoire antique ou de l'Histoire militaire de son temps, l'aisance avec laquelle il associe le latin des grands auteurs au français du magistrat, et la diversité des sujets traités, font de ce livre l’œuvre d'un gentilhomme érudit. Pourtant, s'il illustre par biens des aspects, l'idéal de l'homme lettré des XVème et XVIème siècles, son écriture se distingue de celle d'un humaniste conventionnel comme celui d'Érasme, de More, ou de Pic de la Mirandole, qui aurait sa place dans un traité philosophique ou théologique ; comme on l'a dit, Montaigne pour qui le latin était une langue naturelle, écrit en français; et c'est là peut être sa première singularité : car même si le français est déjà diffusé et compris par biens des lettrés au cours du XVIème siècle, inscrire un ouvrage en langue vulgaire dans la continuité d'une sagesse lettrée antique – la citation n'est parfois pas même utilisée à titre d'exemple, de référence, d'appui ou d'autorité mais comme la continuation logique d'une phrase commencée en français – constitue déjà en soi, sinon un tour de force, du moins, un essai. Par ailleurs, la composition des trois livres est révélatrice d'une autre spécificité : alors que les ouvrages de philosophie, de théologie ou les œuvres morales ayant la prétention de parler de la nature humaine, se présentaient en suivant des impératifs rhétoriques et une énonciation à la troisième personne, Montaigne prend au rebours cette tradition : les idées s'enchaînent au gré de sa pensée et il utilise sa propre expérience au service de ses réflexions ; c'est le deuxième trait caractéristique des Essais, l'auteur n'a pas la prétention de présenter des vérité générales sur l'homme, mais parle avant tout de lui-même, de sa propre expérience, de son rapport aux grands auteurs et à l'Histoire, bref il entend se peindre à la manière d'un portraitiste ; il ne parlera que de lui-même et cela sans composer à l'avance les étapes d'une argumentation, laquelle, trop artificielle, fausserait le cours de ses pensées ; en cela, il pratique une forme littéraire qui lui est propre, et que l'on pourrait qualifier - en reprenant une de ses expressions - de « parler prompt ». Mais cette manière d'écrire, qui paraît pour le moins audacieuse et hermétique en ce qu'elle pourrait perdre l'auteur au fil de ses pensées, l'écarter du cours de sa réflexion, ou même lui faire oublier son interrogation primitive, est en fait au service d'une certaine conception de la philosophie. En réalité, s'il semble parfois faire des digressions inutiles ou des remarques déplacées, Montaigne ne se perd jamais et par là, n'oublie jamais son lecteur ; son originalité est donc constituée par le fait qu'en écrivant, il s'éprouve lui-même, il a besoin d'essayer sa pensée à des réflexions diverses pour trouver un juste équilibre et finalement trouver, dans l'ensemble de son œuvre, le fil conducteur d'une certaine conception de la sagesse. Or ce qui donne toute sa force à l'écriture des Essais, c'est que cette façon d'appréhender la philosophie de manière à la fois personnelle et expérimentale, au-delà d'une simple méthode de penser, est devenue un genre littéraire. Comment dès lors, comprendre cette démarche, sinon comme celle d'un écrivain ? On ne connaît pas la formation universitaire de Montaigne, bien qu'on sache qu'il exerça diverses fonctions dans des tribunaux et qu'il eut tout loisir de voyager, il ne s'illustra pas par des ouvrages de philosophie sous forme de traité – hormis par la traduction. On a en revanche de l'auteur l'image – cliché révélateur – de la bibliothèque et des « Sentences peintes », à la manière cette fois, plutôt d'un Érasme qui se plairait à apprécier et à commenter les adages des anciens. La situation de son œuvre est donc des plus ambivalentes, et par là même des plus décisives : en effet se demander si Montaigne est écrivain ou philosophe revient à s'interroger sur la nature de ses Essais : sont-ils un genre littéraire ou philosophique ? Et à partir de cette question, apparaissent plusieurs étapes nécessaires à la compréhension de cette écriture : que nous apprennent les Essais s'il s'agit de philosophie ? Qu'est-ce qui fait leur originalité en tant qu’œuvre littéraire ? En somme : peut-on répertorier ce genre d'écrit - avant qu'il ne devienne un genre à part entière ? Mais cette dernière interrogation nous arrête à ce qui est sans doute le comble du paradoxe de Montaigne : tout en se réappropriant la pensée de grands auteurs en les citant, il ne se réclame pour lui-même d'aucune école philosophique, ni son livre d'aucun genre littéraire ; il fut en cela bien conscient d'avoir écrit une œuvre singulière, « le seul livre au monde de son espece ». Pour bien saisir cette spécificité, il convient donc dans un premier temps de définir les caractéristiques formelles et littéraires des Essais, puis de voir en quoi cette démarche nous paraît essentielle d'un point de vue philosophique et en règle générale pourquoi ce genre est devenu un exercice fondamental. Il ne sera pas question ici ni d'exhaustivité sur la question, ni de réponses définitives et préétablies aux problématiques secondaires qui se poseront au cours de cette réflexion.

NB : Les citations et références à la numérotation des chapitres correspondent au texte établi par l'édition de 1595.

I/ Le style des Essais :

Comme on l'a vu, Montaigne veut avant tout mieux connaître sa personnalité, la mettre à l'épreuve, en définitive : l'essayer. Et ses essais sont construits comme des monologues intérieurs où interviennent de nombreuses références à la culture antique et à celle de son temps ; mais si l'on veut les comprendre dans leur diversité, il ne faut pas négliger un aspect fondamental : tous ne traitent pas de philosophie où n'ont pas pour but de délivrer des messages de sagesse – même si c'est très souvent le cas, quand les auteurs servent d'autorité et de modèle -, certains en effet, sont simplement des situations communes auxquelles pense l'auteur

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