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L'ivrogne et sa femme, La Fontaine, analyse de la fable

Commentaire de texte : L'ivrogne et sa femme, La Fontaine, analyse de la fable. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  22 Mars 2021  •  Commentaire de texte  •  3 341 Mots (14 Pages)  •  900 Vues

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                Lopes Claire

                Lettres modernes

Jean de La Fontaine, « L’Ivrogne et sa femme »

La Fontaine est un auteur célèbre du XVIIe siècle, qui s’inspire de l’Antiquité, et notamment de l’écrivain grec du Ve siècle, Esope, qui serait le « père » des Fables. Bien que ce n’est que dans le second recueil des Fables que La Fontaine reflète des préoccupations philosophiques, en réfléchissant sur la vie et sur les lois qui la régissent, cette caractéristique se retrouve au sein de la fable « L’Ivrogne et sa femme » au livre III. En effet, La Fontaine, au détriment de représenter le monde animalier, comme il a l’habitude de la faire, car il est riche en « modèles » pour représenter les travers et les vices des hommes, choisit le monde humain, afin d’en dresser un tableau pessimiste.

La fable « L’Ivrogne et sa femme » est l’histoire d’un échec, notamment celui de la tentative de lutte contre le vice, dont La Fontaine prend l’exemple de l’alcoolisme. La Fontaine met au centre de la narration le portrait d’un homme, qui par sa dépendance au vin, connaît une déchéance morale. La fable s’ouvre par la même disposition de l’« âme » et du « corps », principales structures de l’apologue, que la fable « Le Loup et l’Agneau ». Elle prend la forme d’un distique et comprend les deux premiers vers de la fable (v.1-2). Rattachée à l’« âme » de la fable succède la remémoration d’un souvenir, d’une histoire qui appuie la morale du début et qui vient surtout introduire un exemple de vice : l’alcoolisme (v.3-8). Il en suit la narration d’une situation concrète, tout en utilisant un dispositif théâtral (v.9-16). La fin de la fable présente le dénouement qui vient confirmer la moralité et surtout clôt par un aspect comique, qui tourne en dérision la tentative de la femme à éradiquer le vice de son mari. Toute tentative s’avoue être un échec, car le dernier mot de la fable reprend le premier mot du titre, ainsi le cercle se ferme sur lui-même (v.17-fin).

        Comment est-ce que La Fontaine, tout en mélangeant plusieurs dispositifs narratif, argumentatif, théâtrale, surtout comique, joue-t-il avec le genre de l’apologue de manière assez pessimiste en ramenant l’homme à son vice ?

La fable s’ouvre sur une structure en diptyque (« âme » puis « récit ») par une morale introductive, énoncée au début dans un distique. L’« âme » de la fable est antéposée au récit et sert comme fil conducteur au récit, qui ne peut qu’aboutir en conséquence de ce qui est énoncé à l’intérieur de la morale. Par l’utilisation du présent de vérité (ou présent gnomique, « a », « revient », « remédié »), de l’alexandrin tétramétrique (3/3/3/3), de l’adverbe « toujours », de l’impersonnel « il » et du pronom indéfini « chacun », qui réduit une pluralité à l’aide d’un singulier, la morale indique une vérité générale qui s’applique à chacun et elle a donc une portée universelle. Elle stipule que chaque individu « a son défaut », un travers, un vice, thème principal de la fable, qui, même s’il est cherché à être éradiquer, persiste. Cette persistance du vice chez l’homme est donnée par l’adverbe « toujours », qui marque la continuité d’une chose qui se produit sans cesse, mais aussi par le verbe « revient », dont le préfixe re- indique une répétition, une action qui se produit à nouveau. La morale est très brève et ne semble tenir qu’en un seul vers, mais elle découle dans un octosyllabe, qui par sa brièveté face à l’alexandrin, prouve son importance minime. L’octosyllabe, qui par soucis de métrique (4//4) semble se détacher d’une conjonction de coordination « ni » dans l’expression « ni … ni », présente une double négation de deux sentiments coordonnés et éprouvés par l’être humain, tel que la « honte » et la « peur ». Cette double négation montre que la lutte contre l’éradication du vice humain est inutile et vaine, car l’homme a toujours, à un moment ou à un autre, recours à son vice. Le caractère de l’inutilité est renforcé par l’expression « (rien ne peut) y remédier » et aussi par l’assonance en i (« Chacun a son défaut, où toujours il revient : / Honte ni peur n’y remédie. »).

Les vers qui suivent la morale représentent être une anecdote, qui constitue le « corps » de la fable. L’histoire semble illustrer l’« âme » de la fable est reliée de manière indissociable à elle, non seulement par la disposition des rimes croisées qui forment deux quatrains, mais aussi par le parallélisme et la symétrie de construction des vers 1 et 3, notamment par la reprise du double point « : », qui marque un lien logique et joue le rôle argumentatif d’un exemplum. Il se dessine ainsi la structure de la fable : elle est constituée d’une « leçon », suivie d’une « illustration », d’un « exemplum ». Le vers 3 est spécifique dans sa forme, car il est le seul vers représenté sous la forme d’un décasyllabe, ainsi que dans le fond, car il introduit le récit. La coupe du décasyllabe (4/2/4) renferme entre deux segments de longueurs identiques, le « propos », l’intention de la fable sur lequel est posé l’accent, c’est-à-dire le « conte », le récit. Par respect de la symétrie de construction toujours, le fabuliste garde l’emploi de l’impersonnel au vers 3, qui donne un aspect étrange, mais qui reste compréhensible au lecteur. Littéralement, le fabuliste dit qu’« il lui revient le souvenir » ou qu’« il se souvient », mais qu’il traduit sous la forme « il me souvient ». Le pronom personnel « me » indique une omniprésence du « je », qui se manifeste clairement dans le vers suivant où il est repris à deux reprises, et dans l’esprit duquel seul vit l’anecdote qu’il souhaite partager avec son lecteur. L’anecdote suppose être un souvenir, précisément celui de la lecture (ou de l’écoute) de la fable d’Esope « La Femme et l’Ivrogne », soutenu et accentué par la mise à la rime en fin de vers des verbes « revient » et « souvient », dont le changement put de préfixe accompagne le changement ou le passage de l’« âme » au « corps » de la fable. Le rapport entre « corps » et « âme » persiste néanmoins, car la locution « rien que » sous-entend l’expression populaire « ne dire rien que la vérité, toute la vérité » et sert d’appui à la caractérisation dans la morale, qui est validée comme vérité générale. Le caractère véridique du « propos » tenu par le fabuliste la persistance du vice se consolide par le complément d’objet direct « de quelque exemple », mis en valeur par le rejet et le hiatus, auquel le lecteur se heurte. L’utilisation d’un singulier désigne un choix opéré par l’auteur, qui prend appui sur un vice humain pour démontrer sa théorie émise dans la morale, alors que l’adjectif « quelque » indique une quantité indéterminée, qui montre la nature vicieuse de l’homme. L’auteur s’adonne à une véritable illustration à portée argumentative, qui est le moteur de l’intrigue, parce que l’exemple illustratif suit l’idée principale mise en avant dans la morale, afin de l’éclairer et de la préciser. Au même vers, l’exemple se précise et prend en tant que cible « un suppôt de Bacchus », métonymie pour l’ivrogne, terme que La Fontaine emprunte au langage familier. Pour introduire le vice humain qu’est la dépendance à l’alcool, Bacchus, dieu du vin et de l’ivresse dans la mythologie romaine, est injecté au récit, qui se distingue par l’énallage du présent à l’imparfait (temps du récit), afin de rappeler que le mot de la fable désigne également les récits mythologiques. La dépendance de l’homme à la boisson est marquée par le terme « suppôt », qui signifie littéralement serviteur, et qui soumet l’homme à un dieu, le vin et aussi par le verbe conjugué « altérait », relatif à donner soif. L’utilisation du verbe « altérer » implique une nouvelle direction de la fable, car la consommation excessive d’alcool et la dépendance plongent l’homme dans une forme de déchéance. Cette dégradation vers le mal suit une accumulation, une énumération de défauts et d’imperfections propres à l’homme, d’abord psychologique ou physique (« sa santé »), puis intellectuel (« son esprit »), et finalement financier (« sa bourse »). Il se dresse un tableau assez pessimiste des ivrognes, qui passent d’un singulier à un pluriel, dont l’ouverture vers un nombre confirme la portée universelle de la fable, par la synecdoque « telles gens », adjectif qualificatif épithète à valeur dépréciative. La critique et la dénonciation des vices humains se transcrit par la récurrence des négations au sein même du premier mouvement de la fable ; le passage est teinté de négation qui accompagne le pessimisme de l’auteur. La première conséquence de l’ivresse est dépeinte par la mise à la rime des termes « bourse » et « course », « Bacchus » et « écus », terme archaïque pour l’effet prosodique : l’homme atteint ses limites et son extrémité financière, il est ruiné à cause de Bacchus, le vin. Les conséquences de l’ivresse ne se retrouvent pas uniquement dans le fond, mais aussi dans la forme par l’utilisation de vers hétérométriques et par l’alternance des rimes qui se croisent, qui imitent le vacillement et le titubement du « saoulard ». Le rythme de la fable est donné par la succession des alexandrins et des octosyllabes, qui par leur brièveté introduisent des éléments par surprise ou par immédiateté, à l’exception du vers 3 qui fait irruption et intègre le récit dans le récit.

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