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Justice Force - Rousseau

Analyse sectorielle : Justice Force - Rousseau. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  8 Avril 2015  •  Analyse sectorielle  •  2 207 Mots (9 Pages)  •  685 Vues

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[1. Introduction] 

Justice, force.

À chaque élection en Tunisie, depuis deux décennies, le président Ben Ali est réélu à 99 % des voix. Il légitime ainsi le règne de sa force et lui donne une apparence de pouvoir juste.

Selon Pascal, dans le texte que nous allons commenter, la justice a besoin de la force pour s'appliquer, la force, de la justice pour se légitimer. Il faut donc les assembler. Mais, dans les faits, c'est la force qui a corrompu la justice et se prétend juste à sa place.

Après la lecture de ce texte de Pascal, on s'interroge. Peut-on mettre la force au service de la justice sans que le processus ne s'inverse? Les hommes ne respectent-ils la justice que parce qu'ils y sont contraints? La justice peut-elle annihiler la force et se maintenir indépendamment d'elle? Le droit, qui est supposé être l'expression de la justice, n'est-il en fait que le droit du plus fort?

[Première partie]

Dans un premier temps, Pascal oppose les concepts de justice et de force et conclut à la nécessité de les mettre ensemble (du début à "…ou que ce qui est fort soit juste."). Puis, il dénonce ironiquement la force qui se prétend juste (de "La justice est sujette à dispute …", jusqu'à la fin).

Le texte est construit comme une boule-de-neige qu'on pose en haut d'une pente et qui se met à rouler et à grossir, sans que l'on puisse l'arrêter. L'enchaînement des arguments est comme une suite d'événements irrémédiables qui conduit à la catastrophe finale, trahissant le pessimisme de Pascal en ce qui concerne le genre humain.

Pascal attaque son argumentation par deux mots : "Justice, force", deux concepts qui semblent tout d'abord opposés.

Le concept de justice est pris à la fois comme norme du droit, c'est-à-dire comme le système abstrait des valeurs fondamentales qui défend les idéaux d'égalité entre les hommes, de liberté individuelle et de droit à la sécurité et sur lequel se fonde la légitimité; et comme institution judiciaire, c'est-à-dire comme le système concret de la justice dans la société, chargé de faire respecter ces principes et sur lequel s'appuie la légalité.

Quant au concept de force, Pascal joue sur son ambiguïté : est-ce une force d'oppression, violente, ou une force vertueuse, puissance au service du bien? Si l'on prend "force" comme "force d'oppression", elle est antagoniste avec la justice car dans cette force-là règne l'inégalité, la hiérarchie, la domination, toutes choses contraires à l'égalité et à la liberté défendues par la norme de justice. Si l'on prend "force" comme "force vertueuse", alors on la met au service de l'idéal de justice, comme instrument du judiciaire, puissance qui défend la justice, va avec elle et lui est subordonnée.

Après avoir juxtaposé les deux concepts de justice et de force et les avoir ainsi implicitement opposés, Pascal va explicitement caractériser cette opposition.

"Il est juste que ce qui est juste soit suivi". En d'autres termes, nous sommes moralement obligés de faire ce qui est juste. Mais c'est justement parce que nous y sommes "obligés" que nous avons la possibilité de nous y soustraire. Et dans ce cas-là, si nous évitons de faire ce qui est juste, c'est soit par immoralité, soit parce que nous avons une autre conception de la justice et que nous remettons en cause tout ou une partie de l'idéal de justice ou de l'application particulière de cet idéal.

"Il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi". Il faut prendre ici "force" comme "force d'oppression". Cette force-là, on ne peut pas s'y soustraire. On la suit nécessairement, c'est-à-dire inévitablement, sans possibilité de choix.

[Deuxième partie]

Ainsi, justice et force s'opposent en théorie comme l'obligation s'oppose à la nécessité. Mais, paradoxalement, force et justice s'associent en pratique. En effet, dit Pascal, "La justice sans la force est impuissante". Cette sentence déclare que la justice, comme norme du droit, a besoin de l'institution judiciaire pour s'appliquer. Sinon, elle est impuissante, vaine, dénuée d'application concrète. C'est tout le problème de l'application de l'idéal dans le réel qui est posé.

Par ailleurs, "la force sans la justice est tyrannique". "Force ne fait pas droit" disait Rousseau. Quel que soit le sens de "force" ici, appliquer la force indépendamment de la justice n'est que violence et absurdité. La force brute est dénuée d'intelligence, dévastatrice, sans raison. Un état fondé sur la force est tyrannique en ce sens qu'il est privé de l'accord des êtres raisonnables qu'il asservit et il n'a donc pas de légitimité, même s'il prend les apparences d'un état de droit. Il est une force privée de raison et de sens.

Ainsi, Pascal a posé les limites concrètes des deux concepts : la justice est dénuée de force, (d'efficacité) ; la force est dénuée de droit (de légitimité). Il va pouvoir énoncer sa thèse : il faut associer justice et force pour pallier leurs carences respectives. Il y a pour cela deux voies. Soit faire que "ce qui est juste est fort" et l'on confère la force bénéfique à l'institution judiciaire pour faire appliquer l'idéal de justice ; soit faire que "ce qui est fort est juste" et la force oppressive modifie l'idéal de justice à son compte et fait croire que ce qui est accompli par la force est accompli dans la justice. Quelle que soit la solution, Pascal voit l'homme de façon pessimiste.

Dans la première possibilité, la justice a besoin de la force parce qu'elle est contredite et "qu'il y a toujours des méchants", c'est-à-dire des hommes qui ne suivent pas le droit chemin et qui se donnent tous les droits parce qu'ils refusent de faire leur devoir. Mais ne pouvons-nous pas nous demander si la justice a réellement besoin de la force? A-t-elle réellement besoin de contraindre pour exister? Être juste par force, n'est-ce pas ruiner toute moralité? La moralité ne suppose-t-elle pas l'autonomie, c'est-à-dire une volonté libre qui se donne à elle-même ses propres lois et qui les suit par pur respect parce qu'il en reconnaît le bien fondé? "S'il

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