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Gracq Julien/ le role du lecteur

Dissertation : Gracq Julien/ le role du lecteur. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  29 Décembre 2021  •  Dissertation  •  3 831 Mots (16 Pages)  •  515 Vues

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TOSTIVINT Théo

        Pour Balzac, « Lire c'est peut être créer à deux. »Dans Lettrines (1967), Julien Gracq reprend cette idée de rôle du lecteur dans la construction de l’œuvre et l'associe à l'idée de discontinuité dans l’œuvre d'art :« On se préoccupe toujours trop dans le roman de la cohérence, des transitions. La fonction de l'esprit est entre autre d'enfanter à l'infini des passages plausibles d'une forme à une autre. C'est un liant inépuisable. Le cinéma au reste nous a appris depuis longtemps que l’œil ne fait pas autre chose pour les images. L'esprit fabrique du cohérent à perte de vue. C'est d’ailleurs la foi dans cette vertu de l'esprit qui fonde chez Reverdy la fameuse formule : « plus les termes mis en contact sont éloignés dans la réalité, plus l'image est belle. » » Dans cet extrait, Gracq met en valeur l’intérêt du « discontinu »  dans l’œuvre d'art, comme une manière de mobiliser l'esprit des lecteurs, leur imagination et ainsi créer le beau, rendre l’œuvre belle. Il commence d'abord par émettre une critique vis à vis de l'attention porté par le lecteur ou les auteurs dans le roman, à ce qu'il appel la « cohérence », les « transition ». Par là, on peut comprendre ce qui permettent de relier entre eux  les éléments de l'intrigue, les fils conducteurs qui guident l'intrigue, la logique dans l’enchaînement des idées du roman, la structure du roman en différents chapitres ayant une unité…Cette critique d'un excès de ces éléments logiques est justifié par Gracq par « La fonction de l'esprit ». Par l'esprit, c'est à dire par la capacité d'imagination des lecteurs, il n'y a pas besoin de matérialiser ces liens dans l’œuvre. Le lecteur dispose pour Gracq d'une capacité d'imagination qui lui permet de faire le lien, d'interpréter le sens d'un passage, « le passage d'une forme à une autre ». En plus de cela, cette capacité serait « infini », c'est à dire que le nombre de ces interprétation serait variable selon les individus, ou  chaque lecteur pourrait interpréter de plusieurs manières un même texte. « C’est un liant inépuisable », c'est à dire que peut importe le blanc qu'on laisse, l' « esprit » est fait de telle sorte qu'il à la capacité de trouver un sens à ce qui est lu. Il étaye ensuite cet idée par une comparaison avec le cinéma. Ce qui n'est pas montré à l'écran, l’œil est parfaitement capable de le reconstituer, de redonner un sens cohérent avec le reste du film malgré ce manque. Il reprend ensuite l'idée d'infinité de cette possibilité par l'expression « à perte de vue ». A cela est en plus associé l'idée de fabrication, »l'esprit fabrique » et donc une action concrète exercé par le lecteur vis a vis de l’œuvre lu. Le lecteur fabriquerait en partie l’œuvre qu'il lit, le sens de l’œuvre qu'il lit. C'est de là que Gracq cite Reverdy affirmant que c'est cette éloignement entre les termes qui fait la beauté. C'est à dire que moins le liens est évident, plus c'est au lecteur d'interpréter, plus l'image en est belle. L'image évoqué par l'association de plusieurs terme ici. Mais il est évident que Gracq ici extrapole cette idée à celle de l’œuvre entière, l’œuvre étant censé être doté d'une certaine beauté . Il en reste que pour Gracq, plus une œuvre d'art laisse de place à l'interprétation , plus cette œuvre est belle, et cela sans rendre incohérente l’œuvre. On peut donc dès lors se demander dans quelle mesure une œuvre qui laisse plus de place à l'imagination, c'est à dire une œuvre qui n'explicite pas tout et ne lie pas tout d'elle même, est-elle une œuvre plus belle ? L'absence de certains liens matérialisé à l'écrit dans l’œuvre n’empêchent pas nécessairement que le lecteur se sente concerné par l’œuvre, qu'il apprécie l’œuvre. L’œuvre peut alors être considéré comme étant plus belle, car elle donne potentiellement un sens plus profond, plus vaste à l’œuvre. Mais il y a cependant des limites dans la discontinuité dans l’œuvre.

        La présence de blanc dans une œuvre n’empêche pas une lecture cohérente de l’œuvre. Le lecteur en est même plus actif, il investie l’œuvre littéraire de son imagination. Ce qui peut paraître comme un vide peut même être l'occasion d'un remplissage, le lecteur qui complète le récit de l'auteur.

        Le fait qu'il y est des choses qui ne sont pas explicités dans une œuvre ne bloque pas nécessairement la lecture d'une œuvre d'art. Les éléments qui manquent avec la lecture peuvent être comblés par l'imagination des lecteurs. Par exemple, dans le théâtre, on peut considérer qu'un faible nombre de didascalie peut constituer une discontinuité car sans didascalie, seul les répliques des personnages sont indiqués. Le mouvement des personnages, les décors, l’enchaînement entre des potentiels décors n'est pas donné par l’œuvre elle même. Or, on constate que le faible nombre de didascalie ne fait pas nécessairement blocage dans la mise en scène d'une pièce de théâtre. Dans Phèdre de Racine seul la didascalie initiale donne le lieux du décors :  « La scène est à Trézène, ville du Péloponnèse. ». De plus, les seules indication à la suite dans la pièce sont les quelques indications du fait que Phèdre s’assoie. Hormis cela, le metteur en scène n'as pas d'autres indications par la voie des didascalies. Au contraire, dans le Mariage de Figaro , Beaumarchais explique avant le début de la pièce les « Caractères et habillement de la pièce » de manière précise. Par exemple, « Le comte Almaviva doit être joué très noblement, mais avec grâce et liberté... ». L'absence de ce type de description pour les personnages de Phèdre n’empêche cependant pas aux metteurs en scène de lire la pièce, de faire les liens entre les éléments, d'interpréter ce qui n'est pas précisé, la manière dont les acteurs doivent jouer, leurs déplacements sur scène… Ce n'est pas parce que ces éléments ne sont pas précisé que les lecteurs ou les metteurs en scène ne peuvent pas imaginer une manière de jouer la pièce, et donc imaginer une cohérence dans l’œuvre.

        Le lecteur de cette manière en est même plus investi dans l’œuvre qu'il lit. Si une œuvre nécessite que le lecteur imagine ce qui fait le lien entre deux éléments, le lecteur si il veut comprendre ce qu'il lit doit imaginer, il met donc une part de lui dans l’œuvre, il se sent plus proche de l’œuvre. Le lecteur n'est pas dans cette conception un lecteur passif, il est un lecteur actif qui ne peut pas se contenter de lire, il doit en même temps cherche à faire des liens, à interpréter ce qu'il dit, etc. Par exemple dans les Lettres Persanes roman épistolaire de Montesquieu, le fil conducteur doit être reconstruit par le lecteur. C'est au lecteur de faire le lien entre les différentes lettres, qui sont présentés de manières non commenté par un narrateur qui permettrait de faire le liens entre les différents événements et idées présentés dans les lettres. Si le lecteur veut garder le fil ce qu'il lit, il doit faire le lien entre les différentes lettres, il  doit regarder qui envoie une lettre à qui entre Rica, Usbek, leurs amis, les femmes du sérail, les eunuques…  La lettre première par exemple est adressé à Rustan par Usbek, et il faudra attendre la lettre V pour avoir la réponse de Rustan à Usbek. L'absence d'un narrateur qui fait des liens entre les lettres fait fonctionner le livre par un système de bond dans le temps entre les différentes lettres qui n’entraînent pas un manque de sens, mais un sens à reconstituer par les lecteurs qui doivent faire des allers-retours dans le livre afin de ne pas se retrouver perdu dans l’enchaînement des lettres. Le lecteur est parfois plus investi dans l’œuvre car cette œuvre le force à jouer un rôle pour comprendre.

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