Extrait du pamphlet satirique de Voltaire « femmes soyez soumises à vos maris »
Mémoires Gratuits : Extrait du pamphlet satirique de Voltaire « femmes soyez soumises à vos maris ». Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar thib88 • 2 Janvier 2014 • 667 Mots (3 Pages) • 1 217 Vues
Elle passa quarante années dans cette dissipation, et dans ce cercle d’amusements qui
occupent sérieusement les femmes ; n’ayant jamais rien lu que les lettres qu’on lui
écrivait, n’ayant jamais mis dans sa tête que les nouvelles du jour, les ridicules de son
prochain, et les intérêts de son coeur. Enfin, quand elle se vit à cet âge où l’on dit que
les belles femmes qui ont de l’esprit passent d’un trône à l’autre, elle voulut lire. Elle
commença par les tragédies de Racine, et fut étonnée de sentir en les lisant encore
plus de plaisir qu’elle n’en avait éprouvé à la représentation : le bon goût qui se
déployait en elle lui faisait discerner que cet homme ne disait jamais que des choses
vraies et intéressantes, qu’elles étaient toutes à leur place ; qu’il était simple et noble,
sans déclamation, sans rien de forcé, sans courir après l’esprit ; que ses intrigues,
ainsi que ses pensées, étaient toutes fondées sur la nature : elle retrouvait dans cette
lecture l’histoire de ses sentiments, et le tableau de sa vie.
On lui fit lire Montaigne : elle fut charmée d’un homme qui faisait conversation avec
elle, et qui doutait de tout. Ou lui donna ensuite les grands hommes de Plutarque : elle
demanda pourquoi il n’avait pas écrit l’histoire des grandes femmes.
L’abbé de Châteauneuf la rencontra un jour toute rouge de colère. « Qu’avez-vous
donc, madame ? lui dit-il.
— J’ai ouvert par hasard, répondit-elle, un livre qui traînait dans mon cabinet ; c’est,
je crois, quelque recueil de lettres ; j’y ai vu ces paroles :
Femmes, soyez soumises à
vos maris ;
j’ai jeté le livre.
— Comment, madame! savez-vous bien que ce sont les Épîtres de saint Paul?
— Il ne m’importe de qui elles sont ; l’auteur est très impoli. Jamais monsieur le
maréchal ne m’a écrit dans ce style ; je suis persuadée que votre saint Paul était un
homme très difficile à vivr
e. Était-il marié?
— Oui, madame.
— Il fallait que sa femme fût une bien bonne créature : si j’avais été la femme d’un
pareil homme, je lui aurais fait voir du pays.
Soyez soumises à vos maris!
Encore s’il
s’était contenté de dire :
Soyez
...