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Essai théorie critique: "Combray" (La Recherche, Proust)

Dissertation : Essai théorie critique: "Combray" (La Recherche, Proust). Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  15 Juin 2017  •  Dissertation  •  3 611 Mots (15 Pages)  •  1 197 Vues

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Théorie critique :

À la recherche du temps perdu : du côté de chez Swann

À la recherche du temps perdu est un roman en sept tomes de Marcel Proust, souvent appelé plus simplement La Recherche. Il a été écrit entre 1908-1909 et 1922 et publié entre 1913 et 1927. Les trois derniers tomes parurent après la mort de Marcel Proust. À la différence d’un récit d’évenements determinés et chronologiques, cette œuvre est une réflexion sur la littérature,sur la mémoire et le temps. Cependant, comme le souligne Jean-Yves Tadié, dans Proust et le roman, « tous ces éléments indistincts se découvrent reliés les uns aux autres quand, à travers toutes ses expériences négatives ou positives, le narrateur (qui est aussi le héros du roman), découvre le sens de la vie dans l'art et la littérature au dernier tome. » C’est le récit d’une vie rêvée, gâchée, mais une vie antérieure enfin retrouvée. Marcel Proust y raconte l’expérience de la création.                                                                                                                                   Le premier volume de la Recherche, Du côté de chez Swann, est constitué de trois parties : Combray, Un amour de Swann et Noms de pays. Nous nous concentrerons ici sur Combray, longue introduction à l'œuvre où se retrouvent inscrits tous les thèmes. C'est là que le Narrateur perçoit sa vocation sans en comprendre la nature, qui se révèlera à la fin de la Recherche. Les deux axes majeurs de cette partie peuvent être définis ainsi : Le temps au centre de la narration, et L’ébauche de l’expérience du narrateur.

I-contexte spatio-temporel

L’incipit commençant par la célèbre phrase « longtemps je me suis couché de bonne heure » se déroule dans un lieu familier au narrateur : sa chambre ( le terme « la bougie » indique une connaissance des objets de la chambre, donc une familiarité avec les lieux). Durant 9 pages, la scène se déroule à cet endroit précis, puis commence le travail de remémoration, et alors le lecteur est plongé dans un cadre antérieur, du temps de l’enfance du narrateur. Celui ci explore ses souvenirs d’enfance dans la campagne normande au tournant du XXe siècle , à Illiers , un bourg en bordure de Beauce, devenue si célèbre qu'elle s'est adjoint le nom de Combray. Ce nom est devenu désormais le lieu mythique d'où est sortie la géographie imaginaire et symbolique de la Recherche. Ce qui caractérise Combray dans la perception de l'enfant, c'est sa partition en deux « côtés » qui semblent irréconciliables, mais devenu adulte, le Narrateur découvrira que ces deux mondes, en fait, se rejoignent en leur lointain. (Ces deux côtés, Swann et Guermantes, sont le symbole de la partition de la société de la Recherche, mais que le temps va réunir à la fin du dernier volume.)

Combray contient tous les thèmes de la Recherche portés par les personnages multiples, de la mère à la duchesse, en passant par Françoise et Swann. Tous, sauf les parents, sont des annonces, non seulement des faits à venir mais de comportements humains, quelle que soit leur appartenance sociale.  Le premier de tous, ce « monsieur qui dit Je » n'a d'autre nom que le Narrateur, même si une fois, l'auteur glisse que celui-ci pourrait bien s'appeler Marcel... Le Narrateur, dans Combray, est à la fois un jeune garçon, un adolescent et l'homme qui a déjà atteint la fin de sa vie. Cette liberté est banale dans le roman autobiographique qui envisage le récit rétrospectivement. L'enfant est d'une sensibilité et d'une affectivité extrêmes, caractéristiques d'un tempérament inquiet, qui trouvera sa pleine réalisation dans la maladie, l'asthme, (maladie révélatrice de l'état psychique.) Nous le voyons, dans Combray, se poser la question de son avenir, il voudrait écrire mais sur quoi ? Il cherche de grands sujets sérieux et c'est au contraire sur ce qu'il jugeait sans intérêt qu'il passera les dernières années de sa vie ! Mais il lui faudra attendre, pour commencer son œuvre, d'en avoir eu la révélation, dans le Temps retrouvé. Combray donne une image intérieure du personnage et chaque anecdote entraîne une réflexion qui conduit à découvrir la généralité du comportement humain, et sa psychologie. Les parents sont évidemment présents dans ce livre de souvenirs d'enfance. Le narrateur consacre un long temps à la mère, Maman. Le père, et non Papa, puissance tutélaire à la fois bienveillante et sévère, n'apparaît que par intermittences. Un personnage très important est la grand'mère. Affectivement d'abord mais surtout pour son rôle dans le roman : elle permet au Narrateur de dédoubler le personnage de la mère, trop proche, trop douloureux. C’est une figue aimante, maternelle et dévouée: « Ma pauvre grand-mère entrait (…) et repartait, triste, découragée, souriante pourtant, car elle était si humble de cœur et si douce que sa tendresse pour les autres et le peu de cas qu’elle faisait pour sa propre personne et de ses souffrances se conciliaient dans son regard en un sourire où, contrairement à ce qu’on voit dans le visage de beaucoup d’humains, il n’y avait d’ironie que pour elle-même, et pour nous tous un baiser (…) » (p21) . Ainsi, Proust ne raconte pas la mort de sa mère mais celle de sa grand'mère.  Les personnages du deuxième cercle sont Swann, Gilberte, Madame de Guermantes, Vinteuil, Legrandin, St Loup. Ces personnages apparaissent dans Combray comme les annonces de la Recherche et du rôle qu'ils y jouent. Le premier, Swann, est la figure même de l’esthète reçu dans les salons bourgeois, mais pour le narrateur, par ses yeux d’enfants, il n’est que celui qui interrompt son bonsoir avec sa mère.                                          

Cette époque lointaine décrite par le biais de ces personnages et paysages et l’époque des impressionnistes, mouvement pictural français de la deuxième moitié du XIXème. On peut faire, dans la lecture de Proust, un rapprochement avec ce mouvement, par les descriptions en tout genre (paysages, scènes quotidiennes, personnages, etc.) et par la volonté du narrateur à capturer l’instant présent pour le retranscrire exactement. Il lui importe plus « la mobilité des phénomènes climatiques et lumineux, plutôt que l'aspect stable et conceptuel des choses », or c’est le principe même de l’impressionnisme. En effet, en lisant des scènes de diners sur l’herbe ou de promenades dans la campagne, nous pensons à ces tableaux de Monet, comme « femmes au jardin » ou « champs de coquelicots ». Dominique Busillet, dans son essai Mirabeau, Zola et les impressionnistes dit : « Car Marcel Proust est bel et bien considéré un romancier impressionniste. Il s’est inspiré du travail des peintres qui ont rompu avec le dessin au trait, qui ont tenté d’apprivoiser les couleurs changeant au fil des heures. Il a appliqué la même démarche pour montrer la psychologie de ses personnages dans son mouvement. Rien n’est figé, rien n’est définitif, comme dans une toile de Monet. On ne sait rien de la nature profonde de ces hommes et de ces femmes. Juste en a-t-on quelques impressions ! » Ce mouvement s’emploie à dépeindre des moments précis de la journée, pour en saisir la parfaite lumière, la parfaite atmosphère. Proust, lui, s’emploie à décrire un souvenir du passé, précis mais fugace, avant qu’il ne s’échappe. La temporalité des tableaux impressionnistes ressemble en de nombreux points à celle du roman proustien.

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