Ecrit D'invention à La Manière De Marcel Bluwal

Monsieur, votre lettre sur mon téléfilm Dom-Juan a été très constructive, bien que péjorative. Il est vrai qu’il est devenu rare de lire un courrier de lecteur avec un réel point de vue et une analyse de mon projet aussi élaborée. J’apprécie que vous portez de l’importance à mon travail et je prends donc le temps pour répondre à votre lettre. Ceci pourra être profitable à tous et peut être ainsi comprendrez-vous cette interprétation de Dom-Juan.

Tout d’abord je tenais à clarifier le choix de mes deux personnages principaux, Michel Piccoli incarnant Don Juan et Claude Brasseur dans le rôle de Sganarelle. Vous vous dites « mitigé » quant à mon choix de ce duo peut comique, néanmoins il respecte et reflète l’esprit de mon téléfilm. J’ai choisi un Sganarelle plus jeune que le protagoniste pour pouvoir ainsi souligner son admiration éperdue envers son maître, mais, toute fois, outré de sa totale liberté d’esprit. Grâce à ce duo, j’ai voulu mettre en scène cette relation si particulière des couples d’amis dans les pièces de théâtre de Molière, qui a premier abord peuvent faire penser aux rapports amoureux. J’ai trouvé en Michel Piccoli un Don Juan idéal car j’ai cherché au maximum à détruire toute relation entre le personnage et un séducteur vulgaire, soucieux de son apparence, ce qui est l’antithèse de Piccoli.

Je tiens à justifier mon choix d’adaptation, qui vous a manifestement dérangé. J’ai en effet tourné la plupart du film en extérieur dans les « Salines de Chaux » qui sont très impressionnantes de par leur architecture gigantesque. Ainsi que dans les salons du Trianon-Palace à Versailles à cause de ses grandes baies vitrés et ces couloirs très spacieux qui donnent l’impression que Don Juan et Sganarelle sont toujours de « passage ». Tous ces décors, donne au personnage principal cette impression de déplacement incessant, qui n’aurait pas été possible au théâtre. J’ai omit intentionnellement les décors baroques des châteaux ainsi que les tenues et les perruques du XVIIe siècle car j’ai voulu, en réalisant ce téléfilm, révéler l’intemporalité de la pièce. En effet, étant passionné de l’œuvre de Molière, vous avez du remarquer qu’il n’y a aucune didascalie offrant des indices d’époques. Cela a pour but de faire de Don Juan un personnage qui pourrait exister à une autre époque.

Vous m’avez accusé d’avoir, et je cite « dégradé le personnage de Don Juan ». Il est vrai que le mythe de la séduction qui est habituellement attribué à Don Juan s’efface derrière un homme qui s’ennuie ainsi qu’un personnage résolu à affronter son destin. J’ai voulu plutôt focaliser le film sur l’itinéraire et la quête personnel du protagoniste. La chevauché du personnage et son errance symbolise la mort de Don Juan. Et le fait qu’il abandonne son épée lorsqu’il va voir la statue du commandeur caractérise sa volonté de suicide.

En espérant avoir pu, ainsi, vous éclairer sur mes choix de mise en scène et peut-être pourrez-vous désormais envisager l’adaptation différemment.

Marcel Bluwal.

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