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Dissertation sur la trilogie de Beaumarchais

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Par   •  20 Novembre 2019  •  Dissertation  •  5 063 Mots (21 Pages)  •  989 Vues

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ROBREAU

Fanny

Dissertation de 18ème (DM)

Dans Le Mariage de Figaro, le valet malicieux, expose, à la scène 3 de l’acte V :

« (…) quel est ce moi dont je m’occupe: un assemblage informe de parties inconnues ». Il semble alors que Figaro soit en proie à une crise existentielle. Cela pose le problème de l’identité d’un des personnages les plus fameux du théâtre français, problème repris par Sainte-Beuve dans ses Causeries du Lundi (6ème lundi) : « Mais laissons ce Figaro final vertueux et dégénéré, qui ne se ressemble plus à lui-même. Il n’y a plus de vrai Figaro chez Beaumarchais après le Mariage ». Dans cette citation, Sainte-Beuve semble donc opposer le personnage de Figaro des comédies de Beaumarchais (Le Barbier de Séville, et Le mariage de Figaro) à celui du drame qui vient clore la trilogie (La mère Coupable). Si l’on en croit l’assertion de Sainte-Beuve, la définition d’un « vrai Figaro » apparaîtrait en creux des adjectifs « vertueux » et « dégénéré ». Selon  le  CNRTL,  être  vertueux  signifie : « qui possède des qualités morales », ou « qui est mû par un idéal moral ». Évoquer la vertu renvoie donc à un critère axiologique, et son contraire signifierait soit que le vrai Figaro est immoral (dimension plutôt péjorative), soit qu’il est davantage amoral (notion de neutralité). De la même manière, l’adjectif « dégénéré » renvoie au fait de

« perdre les qualités et la vigueur originelle de sa race ou de son espèce », ou plus largement, et moins connoté négativement, au fait « d’évoluer ». Il est donc étonnant de voir que Sainte-Beuve scinde ici le personnage de Figaro en deux, un de l’avant Mariage et un de l’après, et seulement l’un des deux serait le « vrai », adjectif qui interpelle ici. En effet, asserter une vérité du personnage (conforme à la réalité, ou à la vérité, et donc à la notion de vraisemblance dans le théâtre) semble quelque peu osé : qui mieux que l’auteur peut décider de la vérité d’un personnage ? La question mérite d’être soulevée. Le critique littéraire, postérieur à l’écrivain qu’était Beaumarchais, fait donc mention d’une conformité du personnage à un modèle qui aurait été bousculé « après le Mariage ». Si nous élargissons l’échelle de l’analyse, Figaro peut également être perçu comme une métonymie de la trilogie dans son entièreté. Après tout, il est dit dans la préface au Barbier

: « Figaro monte ses intrigues comme Beaumarchais les siennes ». Ainsi, étudier les aspérités, les changements dans le personnage, c’est aussi étudier l’oeuvre, et notamment la transition entre les comédies et le drame, que Sainte-Beuve semble  critiquer ici.

Nous nous demanderons ainsi s’il est possible d’établir une unité fondant une cohérence au sein de la trilogie de Beaumarchais ?

Pour cela, nous verrons dans un premier temps ce qui fonde le caractère disparate de la trilogie, au travers de ce que l’on pourrait appeler un essoufflement de ses attributs ; avant de nous pencher sur ce qui permet tout de même de concéder à l’oeuvre une réelle unité, qui ne serait pas générique. Enfin, nous verrons qu’au-delà d’une simple unité, il s’agit de penser la trilogie comme une véritable évolution, fruit d’une intentionnalité de Beaumarchais, et qui justifierait donc également le sentiment de déchéance positive (puisque « vertueux ») qu’exalte Sainte-Beuve.

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Commençons tout de suite par évoquer la disparité à l’oeuvre dans la trilogie. En effet, plusieurs points permettent de mettre en avant des discordances, aussi bien au niveau esthétique, dramaturgique et générique et donc une certaine autonomie des oeuvres.

Il nous faut tout d’abord partir du personnage de Figaro, puisque de son caractère découle presque le genre de la pièce, étant donné qu’il est le celui en charge d’en établir les machinations. Il est en quelque sorte le double interne de Beaumarchais à la pièce. Or, à certains égards, les changements de son caractère après Le Mariage trahiraient peut- être une aliénation et une dénaturation du machiniste de la trilogie. Dans Le Barbier de Séville, il est l’adjuvant du Comte mais aussi celui qui tire toutes les ficelles dans l’ombre. Il est caractérisé par une grande gaieté, intrinsèque à son caractère, et la diversité de ses saillies font rire et laissent admiratif. Dans la scène 8 de l’acte IV, la dernière réplique, qui clôt la pièce, semble montrer une invalidation de la morale au profit du pur plaisir et d’une euphorie partagée par les gagnants, à savoir ces membres de la « jeunesse  et  de l’amour ». Dans le Mariage, Figaro est déjà passé dans la postérité : il est devenu un Personnage (du théâtre français), et dirige le reste de la maison, jusqu’au Comte. Il garde encore cet esprit d’effronterie, et à la scène 5 de l’acte III, en voulant jouer l’aristocrate, il est emporté par son propre brio et perd alors contre le maitre. Le qualifier de vertueux n’est donc pas ce qui nous vient à l’esprit alors. Cependant, dès la fin de la pièce, dans son long monologue de l’acte V, il adopte un caractère beaucoup plus supérieur, presque condescendant, en satirisant la société sans détour : « que je voudrais bien tenir un de  ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu’ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil ». Chose qui se confirmera dans La Mère Coupable, dans laquelle ses monologues, placées aux moments charnières (à l’ouverture des actes I, II, IV, et en clôture de l’acte II), témoignent d’une importance accrue laissée à la réflexion du personnage, devenu philosophe plus que brimeur. Le caractère vertueux se ressent également lorsqu’a une certaine forme de cupidité (« Que la quittance de mes cent écus : ne perdons pas la tête » IV, 8) se succède la simple aspiration à finir ses jours chez son maitre : « Ma récompense est de mourir chez vous » (V, 8). Enfin, on peut considérer Figaro dans La Mère Coupable comme vertueux, car il est positionné en contraste avec le personnage du « méchant » machiniste, le Tartuffe qu’est Bégearss, qui est en quelque sorte son jumeau maléfique (ils partagent tous deux une intelligence et une vivacité d’esprit, qu’ils mettent au service d’intrigues et de farces dans un but précis).

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