Dissertation sur la tragédie Médée de Sénèque

Médée est une tragédie romaine de Sénèque, philosophe, dramaturge et homme d’Etat romain du 1er siècle après J.-C, Sénèque s’est beaucoup inspiré des trois grands auteurs tragiques athéniens : Eschyle, Sophocle et Euripide. Le mythe de Médée date d’environ 2000 ans avant J.-C., il a inspiré écrivains, philosophes, sculpteurs ou encore peintres. Mais l’origine première du mythe est d’origine grecque, avec la tragédie d’Euripide (sa Médée fut composée en -431 et fut considérée comme la tragédie par excellence). Mais la Médée latine de Sénèque n’est pas une simple copie de l’œuvre grecque. L’épisode de la légende, emprunté à Euripide, est celui de la vengeance de Médée, après que le couple en fuite trouve refuge à Corinthe, à la cour du roi Créon, et que Jason renie Médée afin d’épouser Creüse, la fille de Créon. Cet épisode, marqué par l’horreur, associe, régicide et infanticide, effets de la vengeance de la magicienne Médée. Sénèque se démarque, en donnant à son héroïne un caractère très déchaîné, il donne au personnage toute sa dimension de furieuse et d’inhumaine. La notion d’« inhumanité » peut-être, à la fois le caractère de celui qui manque d’humanité, synonyme ici de cruauté, noirceur, ou alors le caractère d’un comportement, d’un acte inhumain. Médée dans cette pièce s’inscrit donc dans ces deux définitions : abandonnée par Jason, répudiée, expulsée, elle est victime de mort sociale et affective. Seule, rejetée de tous, Médée est condamnée à l’errance. Acculée, elle va retrouver par la force d’une volonté inhumaine ses pouvoirs de magicienne, et ainsi se venger de Jason. La tragédie romaine permet au public romain la représentation de la transformation d'un homme en monstre. Tout héros tragique devient un furiosus pour accomplir le crime qui fera de lui un monstre. ………………………………………………..

On peut donc se demander : « Comment Sénèque, en suivant le schéma propre à la tragédie romaine, fait-il basculer Médée, une figure au départ humaine, vers le crime le plus irrecevable (le régicide) et le plus inhumain (l’infanticide) ? En quoi l’héroïne de Sénèque relève-t-elle de l’inhumanité, de la monstruosité ? » ……………………………………………………………………………………………………

Afin de répondre à la problématique, nous verrons tout d’abord que le personnage de Médée est en proie à une douleur et une souffrance incomparables, qui vont la mener vers un sentiment de colère qui se convertira tout au long de la pièce en actes vengeurs (le nefas). Et enfin nous verrons que le nom de Médée s’inscrit aujourd’hui comme une figure mythologique de l’inhumanité.

Médée est une femme, une mère bafouée, humiliée, répudiée, isolée et condamnée à l’exil. La pièce est réduite à un drame psychologique, à la fois sentimental et familial : Médée est déchirée entre sa passion meurtrie pour Jason et son amour maternel. Sénèque nous offre, dès le début de la pièce, une héroïne souffrante qui ébauche déjà les plans qu’elle va mettre à exécution pour se venger, cependant elle n’a pas encore les moyens de les réaliser. Médée se persuade qu’elle sera assez forte pour accomplir ses crimes : « Courage. Tu chercheras toi-même dans leurs entrailles la voie de la vengeance » (p. 11). Pourquoi se venger de Jason ? Médée a tout abandonné pour Jason, c’est grâce à elle que Jason est parvenu à obtenir la Toison d’or, sans Médée, Jason ne serait rien. Une fois les épreuves accomplies, le couple et leurs trois fils se sont réfugiés chez Créon, qui, a offert à Jason l’hospitalité et la sécurité uniquement si celui-ci se mariait avec sa fille, Creüse. Créon lui offre non explicitement une nouvelle « humanité » : Médée a isolé Jason de l’humanité, depuis leur rencontre, ils n’ont cessé d’accomplir des actes à la limite de l’inhumanité : Médée tue son frère pour protéger son couple, et retarder son père qui les poursuit, ils ont tous deux fait le choix d’être séparés de leur famille, le seul lien qui les rattachait encore à l’humanité était leur lien sentimental et social. Créon offre ainsi, à Jason une dernière chance de fonder une famille avec sa fille, la princesse Creüse. Médée se retrouve ainsi seule, mais elle reste liée à Jason par leurs trois fils, elle ne cesse de répéter qu’elle aime Jason, cependant son amour se transformera en haine, et Médée par la suite se vengera de Jason. Médée devient ainsi une femme répudiée, rejetée de tous. La répudiation, considérée comme une humiliation et une offense, engendre forcément le malheur et la douleur chez la femme, Médée se retrouve seule, Jason l’abandonne, il prend qui plus est les trois enfants, la chair de leur sang. Cet acte ne peut que provoquer la douleur de Médée, l’héroïne est en proie à une douleur effroyable, elle a tout abandonné pour Jason, venant même à tuer son frère, elle a privilégié l’amour à la famille, et se retrouve ainsi seule, sans famille ni amour : « Je ne peux pas y croire Jason aurait pu faire cela après m’avoir volé un père, une patrie, un royaume. » (p. 17). Cette douleur causée par Jason se transforme alors en colère, qui envenimée, provoque le désir de vengeance. Elle ne cesse de répéter qu’elle aime encore Jason, un amour non réciproque et désire mettre fin à cette douleur par une vengeance. …………………………………………………………………………………………………………………………………

La douleur va permettre à Médée de sortir de l’humanité, elle va alimenter, tout au long de la pièce, la fureur dès que l’humanité reprendra le pas sur la colère. Médée, seule et anéantie, ne peut lutter contre le malheur qui s’abat sur elle : elle n’a plus de foyer paternel, ni conjugal, elle n’a plus rien à perdre. Dans la vie romaine, la maison et la famille constituent la vie, le statut humain lui est refusé, elle est niée comme femme et comme humain. Il ne lui reste plus que sa douleur, une douleur qui la rattache à son existence d’humaine, et dont elle va devoir se débarrasser, c’est par cet excès de douleur, que Médée va tomber dans la fureur, elle devient sourde au seul être humain qui tente de la raisonner : la nourrice, confidente de Médée, a le rôle de rappeler Médée à l’ordre, de la calmer et lui rappelle sans cesse qu’elle est la fille d’un roi, et l’épouse d’un héros : « Sauve-toi » (p. 21) ; « Tu mourras » (p. 21). Médée n’a plus sa place parmi les hommes, elle doit disparaître du monde qui n’est plus le sien, cependant

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