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Dissertation Paul Ricoeur vision de l'homme

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Par   •  12 Décembre 2022  •  Dissertation  •  2 536 Mots (11 Pages)  •  187 Vues

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Dissertation

Dans la Grèce antique, les premiers poèmes mis par écrit avaient pour sujet la célébration de dieux et de héros. Le premier rapport de l’homme à un texte contribuait donc à former de ces personnages, dans l’esprit du public lecteur ou auditeur, l’image de modèles ou de sources d’admiration. Par la suite, certains écrivains de l’Antiquité, puis leurs successeurs, ont continué d’utiliser dans leurs textes des images connues et conventionnelles de dieux, héros, ainsi que d’hommes célèbres, quand d’autres ont au contraire choisi de rompre avec cette tradition mettant l’homme à l’honneur. C’est dans ce contexte, de l’évolution du rapport de l’homme au reflet de lui-même que lui attribue la plume de l’écrivain, que Paul Ricœur affirme : « L’écrivain déchire l’image conventionnelle et hypocrite que les bien-pensants tentent de se donner d’eux-mêmes et, ainsi, il est toujours accusé de pervertir l’homme en abîmant l’image de l’homme. » En employant le terme « déchire », Paul Ricœur semble tout d’abord vouloir mettre en avant la rupture que fait l’écrivain avec ce qui est supposé correspondre à une représentation classique de l’homme, pour révéler et dénoncer la véritable nature de ce qui veut être faussé. Paul Ricœur présuppose également dans son affirmation qu’il existe une image conventionnelle de l’homme. Cette image peut correspondre à une attitude conforme aux codes sociaux et moraux typiques d’une catégorie sociale à époque donnée. L’expression « bien-pensants » peut, quant à elle, désigner un ensemble de personnes qui prétendent, avec une certaine ostentation, disposer de connaissances et d’un savoir-faire plus vastes qu’ils ne le sont en vérité. Paul Ricœur marque ensuite un tournant dans son affirmation en constatant que l’écrivain est « accusé de pervertir l’homme » pour la raison qu’il « déchire l’image conventionnelle de l’homme ». On peut donc interpréter le point de vue des accusateurs de l’écrivain comme une dénonciation de son comportement qui incite le lecteur à prendre conscience de l’écart qu’il existe entre l’attitude attendue d’un personnage par son lectorat et le comportement réel de l’homme parmi ses contemporains ; et qui, ce faisant, détourne l’homme de sa vraie nature, en mal. Cette accusation peut nous amener à se demander : Peut-on considérer que la rupture avec l’image « conventionnelle et hypocrite » de l’homme, conçue par les bien-pensants, est une fin en soi pour l’écrivain ? Si l’image de l’homme peut paraître « abîmée » par l’écrivain, par rapport à celle voulue par les bien-pensants, l’écrivain, cependant, confronte l’homme aux notions de morale et de vérité de manière beaucoup plus intéressante que ne peut le faire une image « conventionnelle et hypocrite » véhiculée par des bien-pensants ; toutefois, les différents reflets renvoyés du comportement de l’homme diffèrent de celui de l’écrivain, comme des bien-pensants, dans leur manière de décrire l’homme.

Tout d’abord, l’écrivain peut être perçu comme celui qui révèle, affirme et même revendique le caractère mauvais de l’homme, et, en cela, contribue à le pervertir. En effet, lorsque dans un récit, un personnage est propice à inviter le lecteur à s’identifier à lui, le lecteur qui se reconnaît à travers le personnage peut considérer qu’il le représente mais aussi qu’il représente, plus généralement, un type d’homme, si ce n’est l’homme. Cependant, si un glissement de comportement hors des conventions a lieu chez ce personnage, l’écrivain peut être perçu comme étant celui qui montre à l’homme l’étendue du vice de la nature humaine, et qui montre des situations dans lesquelles l’homme agit contre une morale conventionnelle ; en cela, il peut être considéré qu’il incite implicitement l’homme à n’avoir pas de scrupule s’il agit de même, ce qui amène à penser qu’il pervertit l’homme. C’est le cas par exemple dans La femme de Paul de Maupassant, où apparaissent deux thèmes qui entrent en conflit avec les conventions morales exigées par la religion catholique, plus encore au moment de la publication de ces récits, c’est-à-dire à la fin du XIXème siècle, qu’aujourd’hui : le lesbianisme de Madeleine, maîtresse de Paul ; et le suicide Paul. Maupassant affirme donc le caractère contraire à la morale religieuse de l’homme en développant son récit autour de ces deux interdits des conventions catholiques. C’est également le cas dans la fable intitulée « La cigale et la fourmi » extraite du recueil des Fables de La Fontaine : si l’auteur montre en quoi le comportement de la fourmi n’est pas celui à adopter, il admet qu’il s’agit là d’un comportement que l’homme peut souvent avoir, et en cela, on peut considérer qu’il légitime – dans le sens où il sous-entend qu’elle est tout de même compréhensible – cette attitude.

D’autre part, l’écrivain peut abîmer l’image de l’homme, par rapport à l’image qu’en font les bien-pensants, non plus en ce qu’il abîme celle de personnages pouvant représenter l’homme, mais directement l’image que lecteur a de lui-même, en cherchant à rester fidèle à la réalité. L’écrivain peut faire apprécier une vision autre monde au lecteur, et de là lui fait trouver attrayantes des situations qui sont conventionnellement considérées comme honteuses. Ainsi, le lecteur peut avoir l’impression de perdre une forme de contrôle moral sur lui-même, parce que les limites qui lui sont conventionnellement imposées ne sont absentes dans le comportement des personnages auxquels il peut s’identifier. C’est le cas par exemple dans La Maison Tellier de Maupassant, où l’association des thèmes de la prostitution et de la religion, sont harmonieusement liés, notamment lorsque l’euphorie gagne tous les personnages un à un, à savoir les prostituées, puis le reste de la salle, lorsque tous sont dans l’église : les codes moraux, sociaux et religieux des « bien-pensants » auxquels Pierre Ricœur fait allusion ne veulent pas accepter de telles situations. De même, dans le poème en prose intitulé « La Darelette », extrait du recueil La nuit remue d’Henri Michaux, l’auteur décrit ce qu’est la « darelette ». Bien que comparé à un rat, animal pouvant conventionnellement être perçu comme répulsif, cet animal attise la curiosité du lecteur, parce qu’il est imaginaire et improbable.

Toutefois, les images conventionnelles forgées par les bien-pensants se modifient de la même manière qu’évoluent les mœurs. Ainsi, la nouvelle vision du monde proposée par l’écrivain peut être reçue comme une prise de conscience plutôt qu’une perversion de l’homme.

        En effet, en faisant prendre à l’homme conscience de l’attrait que peuvent avoir des idées conventionnellement reçues comme honteuses, l’écrivain ne se borne pas à une vision statique et manichéenne du monde qui diviserait les hommes selon des critères moraux dictés par des codes sociaux et qui les diviserait selon une idée soit exclusivement de « bien » soit exclusivement de « mal ». Dans le même exemple de La Maison Tellier, Maupassant met en avant une image qui, aux yeux de la religion catholique, n’est ni entièrement conforme à la morale, puisqu’il y a la présence de prostituées, ni entièrement pervertie, puisqu’ il s’agit d’une scène de célébration religieuse. En explorant le nombre infini de portraits de l’homme qui ne correspondent ni à une image exclusivement conventionnelle ni entièrement « pervertie » de l’homme, l’écrivain se démarque d’une vision manichéiste du monde pouvant être celle des bien-pensant, et entraîne ainsi le lecteur vers une plus grande ouverture d’esprit dans son appréhension du monde. C’est également le cas dans le dixième chapitre des Tropismes de Sarraute, où des femmes sont décrites comme « voraces » et bavardes, mais cependant le contexte dans lequel elles sont montrées apparaît comme chaleureux et agréable, et donc enviable malgré les défauts apparents des personnages.

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