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Danielle Sallenave, Le personnage de roman

Dissertation : Danielle Sallenave, Le personnage de roman. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  24 Novembre 2020  •  Dissertation  •  2 998 Mots (12 Pages)  •  678 Vues

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Dissertation :

        En 1961, George Parros écrivait dans son œuvre Papier collés : «  Je ne dirai jamais de mal de la littérature. Aimer lire est une passion, un espoir de vivre davantage, autrement mais davantage que prévu ». En cela il semble se rapprocher de la pensée de Daniel Sallenave qui, en 1995, écrivait dans son essai Le Don des morts :  « Le personnage me fait accéder à mon tour au grand règne des métamorphoses. C’est par lui que le roman peut se faire expérience du monde, en m’obligeant à devenir moi aussi un être imaginaire. En lisant, je me livre, je m’oublie ; je me compare ; je m’absorbe, je m’absous. Sur le modèle et à l’image du personnage, je deviens autre.» . Sallenave met donc en avant la forte relation entre le personnage et le lecteur. Le personnage de roman est l’élément principal de l’œuvre et c’est grâce à lui que le lecteur peut accéder à la connaissance. Par la transmission de la connaissance le roman se fait témoin du monde et le personnage acteur. Le roman est donc indissociable du personnage et c’est grâce à ce dernier que l’œuvre se fait expérience du réel. Par le roman le lecteur va donc être absorbé et va pouvoir échapper à sa propre condition et se métamorphoser en un être de fiction. A travers ce personnage le lecteur peut donc être et devenir ce qu’il veut. C’est grâce à cette comparaison qu’il va pouvoir se détacher de lui-même afin de mieux se comprendre. On peut donc se demander dans quelle mesure l’identification du lecteur au personnage permet-elle au roman de se faire expérience du monde et quelles sont les limites de la métamorphose du lecteur en être imaginaire. Il semble en effet que le lecteur se fonde entièrement dans le roman lors de sa lecture, mais cette transformation se fait par l’identification au personnage qui est impossible si ce dernier est déconstruit ou trop éloigné de notre réalité. En définitive cette relation du lecteur avec personnage provoque-t-elle des changements importants et surtout définitifs?

        Le personnage de roman est donc ce qui permet à l’œuvre de se faire expérience du réel. L’auteur crée un personnage auquel il est possible de s’identifier pour qu’on se fonde dans la peau de ce dernier et pour devenir membre à part entière du roman. L’identification au personnage est simplifiée pendant la seconde moitié du XIXème siècle avec l’apparition du réalisme. En effet, les auteurs montrent une volonté de retranscrire le réel le plus possible. Grâce à cela le lecteur peut se reconnaître dans ce qu’il lit et devient un personnage à part entière du roman. Dans Le père Goriot  de Balzac, la description de la Maison Vauquer est si précise que le lecteur peut se voir au côté de Rastignac, entrant dans cette nouvelle demeure. L’utilisation de la description des plus précise aide le lecteur à imaginer le plus fidèlement possible la scène de l’action, il devient donc lui aussi un « être imaginaire » totalement pris dans sa lecture. L’auteur réaliste utilise la mimesis pour capter sont lecteur et le transporter. Cependant, la première rencontre du personnage et du lecteur reste sentimentale. Ce dernier s’investit émotionnellement dans le récit grâce aux expériences, aux pensées et bien souvent aux malheurs du protagoniste. L’identification et donc l’entrée dans le monde du roman sera plus facile si le lecteur partage les sentiments du personnage, il est en effet plus facile de comprendre l’amour que Séverine Roubaub porte à son Jacques Lantier que la folie de ce dernier car l’amour est un sentiment commun et connu. Plus les sentiments exprimés seront fort, plus le lecteur pourra comprendre et donc devenir le personnage. L’amour de Quasimodo dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo est si fort que le lecteur vit à travers les émotions du bossu, il devient le personnage. Cette absorption est d’autant plus importante qu’elle dépasse les contraintes de l’époque, du sexe ou de l’âge. En effet une femme du XXIème siècle peut parfaitement s’identifier à Julien Sorel, dans Le Rouge et le Noir de Stendhal, par la force et la jeunesse de ses sentiments. L’identification au personnage est donc possible par les similitudes que l’on se trouve avec le protagoniste. Cependant, la lecture peut aussi permettre au lecteur de se comparer en se détachant de lui-même.

        Après s’être identifié comme être imaginaire appartenant au roman le lecteur, se voyant en qualité de personnage, peut se détacher de lui-même afin de mieux se comprendre. Le roman peut donc avoir une visée cathartique. En effet les actions égoïstes et irréfléchies de Manon Lescaut dans le roman éponyme l’abée Prévost, recentre le lecteur sur ses propres tares et le pousse à se remettre en question. Ce dernier se « compare » avec le personnage tout en devenant totalement autre. Un lien de confiance, presque intime se crée entre le personnage et le lecteur. Ce dernier connaît la moindre des pensées du personnage et se place plus en tant que confident qu’observateur. En contrepartie, le personnage permet au lecteur d’exprimer ses plus profonds sentiments et surtout ses réactions à ceux-ci. Il y a donc tout un échange où le lecteur se « livre » au personnage. Nous vivons les déboires de l’amour en même temps que  Marie dans La Princesse de Montpensier, en tant que lecteur nous n’avons aucune influence sur l’action cependant nous avons bien une opinion, du moins une préférence, entre le Duc de Guise,  le duc d’Anjou ou encore Monsieur de Chabannes. C’est grâce à cette nécessité d’intervenir dans l’action que le lecteur peut s’oublier totalement en tant qu’être réel et voir le personnage comme un reflet de lui-même. En effet il peut se comparer et mieux comprendre ses propres réactions en projetant son image sur le protagoniste. De plus cela permet dans certain cas de légitimer les émotions que ressent le lecteur. Dans le roman autobiographique Lambeaux de Charles Juliet, un lecteur ayant subi la perte d’un parent pourra se comparer à l’auteur et donc dans un sens se voir agir à travers le roman. Au-delà de la compréhension de ses sentiments, le lecteur pourra les légitimer, se sentir comme compris par le personnage et surtout s’absoudre. Il crée alors une relation de confiance avec le personnage qui lui permet de se livrer corps et âme dans l’intrigue du roman. Le lecteur peut alors devenir part intégrante de l’œuvre et échapper à sa condition.

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