Critique du roman Le Terroriste Noir de Tierno Monénembo

Tierno Monénembo, lauréat du Prix Renaudot pour Le Roi de Kahel en 2008, signe avec Le terroriste noir un des romans majeurs de la rentrée littéraire. À travers le parcours du guinéen Addi Bâ, donné par son père au « Blanc » sur les conseils d'un devin Bambara, tirailleur puis résistant pendant la seconde guerre mondiale et figure marquante des Vosges où il créera le premier maquis avant d'être fusillé « un matin si brumeux […] que l' on pouvait voir les ailes des anges frôler les clochers d'Épinal », sans grandiloquence, avec justesse et poésie, Tierno Monénembo livre un roman aux résonances d'Afrique noire, cadre de la plupart de ses écrits et dont il est originaire.

C'est une vieille femme de Romaincourt, personnage de fiction contemporaine du célèbre tirailleur, qui nous narre ce récit sous la forme d'un témoignage adressé au neveu d'Addi Bâ à l'occasion de la remise de médaille, soixante ans après l'exécution du « terroriste noir ». Tierno Monénembo entraîne le lecteur dans un dédale complexe (parfois un peu trop) d'anecdotes et de souvenirs, mêlant oralité et narration, pour dresser le portrait fascinant d'un homme remarquable qui reste cependant mystérieux, tant pour la narratrice que pour le lecteur. « La vie d'un tel homme ne se résume pas, Monsieur ; trop vaste, trop sinueuse, trop incompréhensible, un vrai fleuve ! ». Et, de fait, cette vie n'est pas résumée mais évoquée. Au fil du récit l'intrigue se dénoue, la narratrice, Gervaise, nous livre les clés pour la compréhension du drame qui, lui, se noue inéluctablement.

Le terroriste noir est l'histoire poignante d'un résistant oublié par l'histoire, mais c'est également un portrait incisif et assez drôle du quotidien d'un village français et de ses habitants, tous singuliers, tous attachants. Monénembo glisse, au fil du roman, des perles de poésie et de justesse dans les sentiments décrits. Ainsi Gervaise avoue finalement avec sincérité et pudeur que le tirailleur « incarnera pour toujours l'amour que je n'ai jamais vécu », aveu dont le lecteur saisit l'immense préciosité, résumé de la quête amoureuse déçue de la vieille femme. Monénembo brosse également le portrait attachant de la Pinéguette, à qui Addi Bâ doit la reconnaissance de la nation, activiste, féministe de la première heure, incomprise et rejetée par le reste du village qui lui témoigne néanmoins une reconnaissance légitime pour le combat de réhabilitation qu'elle a mené.

Tierno Monénembo adopte une écriture qui relève à la fois du parlé des Vosges et d'une grande justesse dans le choix du mot, rendant ainsi un roman d'une beauté non-conventionnelle, qui se lit d'une traite et avec délice.

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