Critique "Petit Pays" Gaël Faye

Critique littéraire

Petit Pays

Un voyage en Afrique pour dix balles, impossible, vous dites ? C’est pourtant ce que vous offre le nouveau roman de Gaël Faye. Partiellement autobiographique, Petit Pays vous conte le Burundi tel que l’auteur l’a connu. Né à Bujumbura en 1982, de mère rwandaise et de père français, Gaël Faye a dû fuir son pays lors de la guerre civile au Burundi et du génocide Tutsi au Rwanda. Il a passé son adolescence en France, a étudié dans un lycée à Versailles puis dans une école de commerce, a obtenu un master en finance, et a travaillé à Londres pendant deux ans, puis s’est lancé dans la musique. Depuis 2015, il vit à Kigali, au Rwanda, avec sa femme et leurs enfants. Gaël Faye a fui son pays à 13 ans, et vingt ans plus tard, les blessures cicatrisées mais toujours présentes, il nous raconte, sous le refuge de la fiction, le bonheur et l’horreur qu’il a vécu.

Il était une fois, un petit pays tranquille, le Burundi. Il était une fois, un petit garçon innocent, Gaby, né d’un expatrié français et d’une réfugiée rwandaise. Il était une fois les lourdes mangues qui faisaient ployer les branches, les longues heures de rigolade sur le terrain vague, les descentes du fleuve sur un tronc d’arbre, les jardins de bougainvilliers. Les parents qui s’aiment, les copains qui blaguent. Les pieds nus qui soulèvent la poussière rouge, les grillons qui chantent le monde, les pluies chaudes et torrentielles qui rincent la terre et les hommes de leur rancœur. Il était une fois. Mais tout ça c’est fini. La démocratie c’était un beau rêve, un faux espoir, qui n’a que ravivé l’animosité entre Hutu et Tutsi, et a apporté la guerre civile dans un petit bout d’Afrique Centrale autrefois si calme. Gaby ne veut pas choisir un camp, il ne veut pas se battre. Il ne veut pas voir ses amis s’éloigner, il voudrait que tout reste comme avant. Il s’échappe de ce monde hostile à travers la lecture, mais rien ne saurait protéger un enfant de la haine qui l’entoure. La réalité le rattrape, trop vite. « Certains soirs, le bruit des armes se confondaient avec le chant des oiseaux ou l’appel du muezzin. » La mort est partout, et chaque jour on vit dans la peur qu’elle ne s’arrête à notre porte.

Petit Pays, c’est un enfant de dix ans qui vous prend la main dans les siennes, et vous traine avec lui vers son pays pas si imaginaire. L’histoire de Gaby, la chaleur du soleil d’Afrique, vous croirez les avoir vécus. Le roman se laisse lire, le humble langage de l’enfant se mariant à la perfection avec la poésie habile et touchante de Gaël Faye. Il troque son micro pour la plume, et nous offre un roman en musique. Les mots sonnent juste, les phrases résonnent en rythme avec le récit. Gaby vous entraine dans ses aventures, ses joies et ses peines. Il vous raconte le Burundi d’avant-guerre, vous fait souhaiter que ça ait duré un peu plus longtemps. Le début du roman vous plonge dans la bonne humeur et la joie, avant de sombrer lentement à la catastrophe. La transition est habilement écrite, la tranquillité de Gaby se fissurant petit à petit avant que son monde ne tourne au chaos. Sans qu’on l’ait vu arriver, ou plutôt sans qu’on ait voulu le voir, le havre de paix qu’était l’impasse se transforme en tranchée de guerre. Derrière ce récit de fiction, l’auteur nous relate l’histoire du Burundi telle qu’il l’a vécue. Un réalisme poignant, une écriture à la fois simple et poétique, une histoire touchante… Ce livre vous sert le cœur et vous ouvre l’esprit. Attention, une fois commencé, on ne le lâche plus !

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