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Commentaire Composé Cinna

Commentaire de texte : Commentaire Composé Cinna. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  1 Avril 2019  •  Commentaire de texte  •  2 071 Mots (9 Pages)  •  680 Vues

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Corneille, célèbre auteur du XVIIe siècle, écrivait des pièces de théâtre dont les personnages sont confrontés à ce qu’on a appelé par la suite un « dilemme cornélien ». Cette expression désigne le conflit intérieur qui déchire un personnage et qui le met dans une situation impossible où il doit choisir entre son devoir moral et ses sentiments personnels. Dans Cinna, le personnage éponyme de la pièce est confronté à un choix de ce type : il doit trancher entre son amour pour Émilie qui le pousserait à assassiner Auguste et la loyauté qui le lie à ce dernier.

Dans cet extrait, Cinna expose son tiraillement à Maxime. Dans ce travail, il s’agira d’étudier dans quelle mesure le dialogue entre les deux conjurateurs aide Cinna à résoudre son dilemme en se concentrant d’abord sur le dilemme de Cinna puis sur son interaction avec Maxime.

Cinna est habité par deux fidélités inconciliables. Une partie de lui veut assassiner Auguste, ce qui lui permettrait de gagner la main d’Émilie et d’être le héros qui rétablirait la république à Rome. Mais Auguste est le bienfaiteur de Cinna et ce dernier lui doit tout : son rang, sa fortune et son prestige. Cinna présente ses réflexions à Maxime : « Émilie et César, l’un et l’autre me gêne : / L’un me semble trop bon, l’autre trop inhumaine. » (vv. 797-798) Dans cette citation, le chiasme des mots « Émilie et César » et « trop bon […] trop inhumaine » souligne à quel point Cinna est indissociablement lié à ces deux personnages. Ses pensées sont si entremêlées que faire un choix entre eux semble impossible. Il pèse le pour et le contre : lorsqu’il évoque l’empereur, Cinna emploie des termes appartenant au champ sémantique de la bienfaisance : « soins » ; « aimer » ; « aimât » ; « bonté » ; « beauté » ; « charme » ; « adoucir » ; « bienfaits » et « faveur ». (vv. 799-805) Comment peut-il penser à assassiner son bienfaiteur ? Comment peut-il penser à trahir un homme qui lui fait entièrement confiance ?

En plus de porter une attention presque paternelle à Cinna, Auguste lui demande son avis pour les affaires d’État : « ‘Cinna, par vos conseils je retiendrai l’empire ; / Mais je le retiendrai pour vous en faire part.’ » (vv. 810-811) Ici, le verbe « retiendrai » utilisé deux fois illustre que l’empereur fait totalement confiance à Cinna : il est prêt à placer l’empire entre ses mains. Auguste place Cinna à un rang égal au sien, et pourtant Cinna, certes plein de remords, est malgré tout prêt à l’assassiner. Cette trahison le ronge, d’autant plus qu’il y est tenu par le serment qu’il a fait à Émilie : « Ah ! plutôt… Mais, hélas ! j’idolâtre Émilie ; / Un serment exécrable à sa haine me lie ; / L’horreur qu’elle a de lui me le rend odieux » (vv. 813-815) Dans cette citation, le sens fort des mots « exécrable » ; « haine » et « horreur » est accentué par les exclamations et la ponctuation du premier hémistiche du vers 813. Ces procédés langagiers soulignent à quel point Cinna est torturé par ce « serment exécrable ». Il ne peut pas s’en délier car dans l’Antiquité, un serment était un engagement solennel dont on prenait les dieux à témoins : s’y soustraire, c’est devenir sacrilège et être déshonoré. Comment ne pas obéir à Émilie ? Comment ne pas respecter le serment qu’il lui a fait d’assassiner Auguste ? Cinna se trouve donc confronté à un dilemme tragique : ou il est fidèle aux dieux et à Émilie en ne tuant pas Auguste, ou il est infidèle à Auguste en le tuant. Dans les deux cas, il se déshonore.

Ce dilemme étant si profondément ancré en lui, Cinna ne peut trouver de solution qui lui permette de conserver son unité intérieure. Il tente cependant de repousser le choix qu’il aura indubitablement à faire. Effectivement, lorsqu’il expose son dilemme à Maxime entre les vers 797 à 818 et lorsqu’il répond à ce dernier entre les vers 822 à 832, on peut remarquer que l’utilisation qu’il fait des pronoms est totalement différente. Dans le premier paragraphe, les pronoms « me » (v. 797 ; v. 798 ; v. 800 ; etc.) et « je » (v. 803 ; v. 812 ; v. 813 ; etc.) se rapportent à la première personne du singulier, c’est-à-dire à Cinna. Parce qu’il expose une difficulté qui ne concerne que lui, l’abondance de pronoms à la première personne du singulier est cohérente. Cependant, il est intéressant de noter que dans le second paragraphe, la seule fois où Cinna emploie un pronom se rapportant à lui-même est lorsqu’il tente de faire un analogie entre lui et Brutus (« Je crois que Brute même, à tel point qu’on le prise, / Voulut plus d’une fois rompre son entreprise » (vv. 829-830)). Le reste du temps, Cinna emploie des tournures impersonnelles avec le pronom « on » (v. 822 ; v. 823) ainsi qu’une métonymie à travers le mot « main » : « Et l’on ne reconnaît de semblables forfaits / Que quand la main s’apprête à venir aux effets. » (vv. 823-824) Faire reposer la réalisation de ces « forfaits » uniquement sur sa main, sur une partie de son corps, c’est vouloir s’en détacher. Le dilemme entre Émilie et Auguste est intrinsèque à Cinna. Mais ce qu’il tente de réaliser en repoussant l’utilisation de pronoms personnels, c’est de faire reposer le choix qu’il redoute tant sur quelqu’un d’autre, Maxime en l’occurrence.

Cinna tente aussi d’atteindre son complice en faisant une analogie entre lui et Brutus. Ce dernier est un héros pour les républicains : en assassinant César, il a protégé la république. Cinna s’exprime ainsi : « Je crois que Brute même, à tel point qu’on le prise, / Voulut plus d’une fois rompre son entreprise, / Qu’avant de frapper elle lui fit sentir / Plus d’un remords en l’âme, et plus d’un repentir. » (vv. 829-832) Au vers 831, le pronom « elle » reprend « la main » évoquée plus haut. En faisait le lien entre Brutus et lui à travers la main qui commet le crime, Cinna et l’assassin de César deviennent physiquement liés : il tente de se mettre sur un pied d’égalité avec Brutus. Si deux hommes aux objectifs similaires se sont retrouvés dans une situation quasi identique, Cinna pourrait simplement copier les actions de Brutus. Au lieu de cela, il décrit Brutus comme un homme empli de doutes alors qu’il représente pour la postérité un féroce républicain qui s’est sacrifié pour la liberté de Rome. Sa façon de remanier le passé souligne à quel point il est désespéré de trouver une solution, même au fondement absurde, à son dilemme.

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