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Blaise Pascal, « Divertissement », Pensées (1670)

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Par   •  22 Avril 2022  •  Fiche de lecture  •  1 626 Mots (7 Pages)  •  656 Vues

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EXPLICATION LINÉAIRE N°5 : Blaise Pascal, « Divertissement », Pensées (1670)

Introduction

Pascal rédige ses Pensées à la fin de sa vie ; ce sont des centaines de petites notes manuscrites qui devaient lui servir à écrire une Apologie du christianisme, que la maladie et la mort l’empêcheront d’achever. Influencé par la doctrine janséniste, qui présente une vision très pessimiste de l’homme après sa chute du paradis originel, et qui véhicule une morale extrêmement austère, Pascal cherche à convaincre les incroyants (et les jésuites !) que Dieu est la seule chose importante à l’homme, la seule condition à notre bonheur. Dans la préface des Pensées, son neveu Etienne Perrier explique le dessein de cette œuvre : faire connaître à l'Homme son « état de misère ».

Dans cet extrait du 139e fragment, appartenant à la section "Divertissement" des Pensées, et à la liasse « Misère de l’Homme sans Dieu », Pascal analyse le divertissement dont les hommes ont besoin pour oublier la misère de leur condition. En effet, au lieu de comprendre que notre misère vient du péché originel, et de nous consacrer à notre salut religieux, nous fuyons la triste vérité de notre condition dans les occupations les plus diverses. Pascal cherche ainsi à nous montrer, à travers ces plaisirs illusoires qui nous détournent de notre nature misérable, que l'Homme ne peut accéder au bonheur.

Problématique : Dans quelle mesure ce texte donne-t-il une vision paradoxale de la nature humaine ?

Mouvements du texte

l.1 à 5 : Exposé de la thèse

l. 6 à 9 : Démonstration de la thèse

l.10 à 18 : Paradoxe de la condition du Roi (il a tout pour être heureux et peut être, potentiellement, le plus malheureux)

l.1 à 5 : Exposé de la thèse

  • Pascal commence son argumentation en utilisant un connecteur de temps «  quand » pour ensuite qualifier péjorativement les activités humaines : GN « diverses agitations », signe du caractère superficiel des hommes.
  • L’énumération qui suit « dans la cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc. « traduit le jugement du moraliste sur la société de son temps ( société classique). L’adverbe « souvent » associé à l’adjectif « mauvaises » a pour valeur de donner une dimension universelle à un comportement humain et permet à l’auteur de développer sa thèse.
  • Cet adverbe « souvent » se retrouve à la ligne suivante et la dimension universelle du désenchantement de l’homme est appuyé par l’adverbe de quantité « tout » qui annonce la thèse de l’auteur qui dénonce l’incapacité des hommes à ne pas savoir vivre sans « divertissement ». Le raisonnement de Pascal est donc un raisonnement de type inductif ( part d’observations particulières sur les hommes pour aboutir à une conclusion générale)

l.6 à 9 : Démonstration de la thèse

  • Reprise du connecteur temporel « quand » qui souligne la démarche d’investigation de l’auteur et qui montre la démarche empirique de celui-ci, c’est-à-dire basée sur l’observation d’autrui comme l’indique le cc de lieu« de plus près ».
  • La reprise du substantif « malheur » à la ligne 7 et 8 permet d’insister sur le désenchantement des hommes incapables de vivre au repos sans une occupation qui leur permet d’échapper à la réalité de leur condition d’homme fini ( c’est-à-dire destiné à mourir un jour). Rappel de la « condition » de l’homme à travers deux adjectifs pour la qualifier : « faible, misérable », le jugement de l’auteur étant profondément pessimiste sur ses semblables.
  • L’usage de la négation lexicale « rien » mais également syntaxique «  ne peut » signale une critique des hommes et permet également d’insister sur la démarche expérimentale de Pascal avec la répétition du CC de lieu «  plus près » à la ligne 9.

l.10 à 18 : Paradoxe de la condition du Roi (il a tout pour être heureux et peut être, potentiellement, le plus malheureux)

Pascal se sert de l’exemple du roi afin de développer sa thèse selon laquelle l’homme est malheureux sans divertissement / les hommes se divertissent pour ne pas penser à la misère de leur condition. Démarche inductive.

  • La condition du roi est présentée sous une forme méliorative avec le superlatif hyperbolique « le plus beau poste du monde ». Il s’agit d’un constat qui renvoie à l’opinion commune selon laquelle celui qui ne manque de rien est le plus heureux. Ainsi le roi qui possède le pouvoir, la richesse et les honneurs est généralement celui qui est le plus envié de tous.
  • Le pronom indéfini « on » + le verbe « se figure » + L’expression « qu’on s’en imagine » laissent entendre que Pascal s’appuie sur une opinion commune.
  • Le connecteur d’opposition « Et cependant » est à comprendre comme un « seulement si ». C’est à dire qu’on considère le roi comme le plus heureux quand on pense à tout ce qu’il possède, tous les plaisirs auxquels il a accès. Par l’utilisation de c connecteur, Pascal sous-entend déjà que le roi n’est pas si heureux, il révèle ainsi déjà le paradoxe de la condition du roi.
  • L’hypothétique « s’il est sans divertissement » ramène le roi au même rang que tout homme. Mise en évidence du paradoxe de la condition du roi suggéré juste avant : il semble être le plus heureux des hommes mais tous ses biens ne lui permettent pas d’être complètement heureux.
  • La raison de son malheur est exprimée à l’aide d’une expression qui ressemble à un euphémisme « faire réflexion sur ce qu’il est » = un homme donc un mortel !
  •  L’expression « félicité languissante » est presque oxymorique, elle révèle que tout ce que possède le roi : son pouvoir, ses biens … lui permettent seulement d’atteindre un bonheur illusoire ! Le bonheur véritable ne saurait être dans le fait de ne manquer de rien, dans la possession du pouvoir, des honneurs, des richesses.
  • Les verbes au futur de l’indicatif « ne le soutiendra point » ; « tombera » présentent une certitude, ont une valeur prophétique : le roi, théoriquement à l’abri du malheur, est semblable à tout autre homme, il est enfermé dans sa tragique condition et sa condition est tragique parce qu’inéluctable.
  • Idée de fatalité retrouvée dans le CCM « par nécessité » + les propositions subordonnées relatives « qui peuvent arriver » ; « qui sont inévitables ». Tout roi qu’il est, le roi est avant tout un homme. Comme tout homme, il ne peut concevoir l’idée de sa mort, il ne peut accepter la fragilité de la condition humaine. Et pourtant, il est soumis à la fatalité, il ne peut pas tout contrôler. Cela le rend malheureux d’où la nécessité du divertissement.

  • Pour montrer à quel point le divertissement est nécessaire pour le bien-être de l’homme, Pascal insiste sur le malheur avec un lexique péjoratif : « menacent », « révoltes », « mort », « maladie »
  • Le connecteur « de sorte que » marque la conséquence et permet à Pascal de conclure ce paragraphe. Il a d’abord présenté le roi comme le plus heureux des hommes et il inverse à présent le propos. Le chiasme « s’il est sans ce qu’on appelle divertissement, le voilà malheureux, et le plus malheureux que le moindre de ses sujets, qui joue et se divertit. » : montre bien que le divertissement est la seule issue au malheur commun.
  • Le superlatif « le plus malheureux » l. 11 fait écho à la ligne 1 « le plus beau poste du monde » et souligne ainsi le paradoxe de la condition du roi.

Ainsi ce paragraphe, centré sur le roi, permet à Pascal d’illustrer sa thèse selon laquelle tout homme, même celui qui semble le plus heureux, ne l’est pas réellement. Il a donc besoin de divertir son esprit, de le détourner de l’angoisse qu’il ressent face à la fragilité de sa condition et ainsi d’échapper à la peur de l’ennui.

Conclusion

Le philosophe nous a ainsi montré, par un raisonnement rigoureux et par l’exemple du roi, que l'Homme ne peut accéder au bonheur, du fait de sa misère naturelle. Le divertissement est ainsi ce qui permet aux hommes de supporter leur condition de mortel. Mais Pascal met en évidence une contradiction dans cette idée de divertissement, en effet, l’homme s’agite parce que le repos lui est insupportable mais paradoxalement selon le philosophe dans l’agitation même il y a une aspiration profonde au repos !

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