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Analyse linéaire : La princesse de Clèves

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Par   •  10 Avril 2022  •  Commentaire de texte  •  2 375 Mots (10 Pages)  •  530 Vues

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La princesse de Clèves, extrait 3 : la scène de l’aveu 

Parcours : individu moral et société

INTRO

        Madame de Lafayette publie sous un pseudonyme son roman La Princesse de Clèves en 1678 durant le règne de Louis XIV. La Princesse de Clèves (1678) est un roman historique qui s’inscrit au sein de la cour raffinée d’Henri II et que l’on rattache au classicisme. (Madame de la Fayette, épistolière et figure de la noblesse, tient d’ailleurs un salon littéraire à Paris où l’on débat des idées de la  préciosité. Elle est proche de moralistes comme la Rochefoucauld.) Cette œuvre cherche à restituer la vérité d’une époque, et, plus profondément, à dépeindre une vérité universelle : celle du cœur, dont Madame de La Fayette analyse les transports avec une finesse psychologique inédite dans les romans de l’époque. Sa subtilité est caractéristique de l’écriture précieuse. Ce sera son plus grand succès, mais celui-ci suscitera également de nombreuses controverses, notamment morales, puisqu’il dépeint les tourments dans lesquels est plongé la jeune et sublime Mme de Clèves âgée de 16 ans après sa rencontre avec le duc de Nemours aristocrate aussi séduisant que menaçant pour sa vertu dont elle tombe instantanément amoureuse après son mariage.

        Le passage étudié se situe dans la 3ème partie du roman. Passage sans nul doute le plus célèbre du roman, qui a fait l’objet en son temps de nombreux commentaires. Il met en scène l’héroïne et son mari à qui elle avoue (on verra en quels termes) avoir de l’inclination pour un autre homme, le duc de Nemours, qu’elle se garde bien de nommer et qui assiste, caché à cet entretien. Ce passage aux aveux a déjà été envisagé à deux reprises par la princesse (après la scène du portrait dérobé puis après la rédaction d’une lettre en commun avec Nemours), projet aussitôt abandonné dans les deux cas. Cette scène intervient alors que la princesse, qui se trouve à la campagne (officiellement pour se reposer, mais en fait pour s’éloigner de Nemours) est invitée par son mari à rejoindre la Cour… càd Nemours dans l’esprit de la princesse. Dans un premier temps, elle refuse en prétextant de nouveau son besoin de repos, ce qui paraît suspect à son mari. Consciente de la faiblesse de cet argument de façade, elle se trouve alors contrainte de révéler la véritable raison de sa retraite. Cet aveu est donc rendu nécessaire à défaut d’être vraisemblable.

PROBLEMATIQUE

Nous venons à nous demander comment de La Fayette met en exergue le caractère exceptionnel, sublime et même tragique de cette scène ?

Nous verrons dans un premier mouvement comment les débuts des soupçons de M. de Clèves transforment cet échange en interrogatoire pour enfin voir en quoi Mme de Clèves fait un aveu inédit mais qui s’avère incomplet.

ANALYSE
        
Dans ce premier mouvement, nous analyserons l’art de ne pas s’expliquer, du non-dit et de la dissimulation mais en plus nous verrons que La Fayette transforme cette partie en un interrogatoire (mouvement qui s’étale de la ligne 1 à 16)

  • On remarque que La Fayette souhaite insister sur leurs paroles. À chaque fois, un verbe de parole introducteur en incise précise qui parle « s’écria M. de Clèves » (l. 1). Puis, la narration prend le dessus et propose un discours narratif avec des répétitions et des silences (de la l. 4 à la l. 6). Le dialogue reprend toujours au discours direct avec de nouvelles incises « lui dit-elle » (l. 8), « s’écria M. de Clèves » (l. 12). La narration reprend pour commenter un silence et entrer dans la tête du mari afin de dévoiler sa pensée (l. 14,16). Enfin, on note une troisième fois l’emploi du discours direct par une courte réplique du mari, et la princesse répond en une tirade de 13 lignes (l. 17-29) (« lui répondit-elle » l. 17)
  • La princesse à longuement médité la nécessité d’avouer sa passion à son mari (« j’en aie eu plusieurs fois le dessein ») mais ici on remarque que ce n’est pas exactement ce qui se passe car elle ne guide pas la conversation, ne débute pas les échanges et ce manque de prise en main de l’aveu est traduit à travers les silences qui sont également présent de son côté : « elle demeura dans un profond silence » (l.6). Grâce à cette répartition de la parole la romancière parvient à souligner que cet aveu est difficile pour les deux parties. La Princesse emploie la tournure négative ce qui montre qu’elle ne parvient pas à dire la vérité qui se cache derrière son refus de se rendre à la cour.
  • D’autre part l’émotivité dans l’extrait semble être omniprésente, d’un côté un mari qui souffre, qui doute et qui est malheureux, il la pousse à avouer longuement, il se répète « je vous conjure de me les dires », « il la pressa de les lui apprendre ». Et de l’autre, une princesse qui est dans la tourmente. C’est lui qui est le plus pathétique, qui suscite le plus d’émotions chez le lecteur, le prince apparaît ici comme la figure même du désespoir : il subit un aveu qui le déchire mais qu’il n’a pas voulu. - la manière dont il exprime sa jalousie, qui le rend humain : à travers une série de questions, il veut savoir comment un autre homme a réussi à susciter de l’amour chez sa femme (ce qui lui paraît invraisemblable, ayant échoué lui-même) et il est torturé par l’identité de son rival. Il cherche donc, par des formules pressantes, à la faire parler davantage, en vain.
  • Par ailleurs, la conversation se présente au lecteur comme un interrogatoire car l’émotion du mari monte. Interjection, exclamation, ton de la voix, verbes forts qui expriment de la violence « je vous conjure » (l.3), « il la pressa longtemps » (l.4), « se fut défendue » (l.5) « ne me contraignez point » (l.8).
  •  Par conséquent Madame de Clèves crée un aveu vide. Elle en dit trop mais pas assez en même temps « Ne me contraignez point […] à vous avouer une chose que je n’ai pas la force de vous avouer » (l. 8,9). Cette phrase tautologique qui tourne autour d’« une chose » angoisse le mari et il veut en savoir plus. C’est pour cela que moins la princesse en dit, plus elle amplifie l’inquiétude de M.de Clèves « la prudence ne veut pas qu’une femme de mon âge, et maîtresse de sa conduite, demeure exposée au milieu de la cour » (l. 10,11).

        On voit donc comment la princesse se ment à elle-même et à son mari. Si elle était si maîtresse d’elle-même aurait-elle besoin de cette stratégie de fuite de l’aveu ? On voit donc comment un aveu assumé et réfléchi, devient un aveu subi et comment prétendre être honnête et vertueuse masque en réalité de la mauvaise foi et des mensonges.

Dans ce deuxième mouvement, le texte souligne le caractère autant exceptionnel qu’inédit et audacieux de l’aveu qui témoigne de la grandeur héroïque des personnages. Noter que cet aveu est inconcevable, invraisemblable à l’époque, ce que se plaît à souligner Bussy-Rabutin dans sa critique de cette scène, qu’il juge artificielle.

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