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Note sur les éditions de Manon Lescaut

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Par   •  11 Juin 2023  •  Dissertation  •  1 793 Mots (8 Pages)  •  242 Vues

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Note sur les éditions de Manon Lescaut

I.Le roman est publié pour la 1ère fois en Hollande, à Amsterdam, en 1731, comme le t.VII des Mémoires et aventures d’un homme de qualité, sous le titre : Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut.

Prévost a fui l’Angleterre et s’est installé à Amsterdam en octobre 1730.

Le roman est rédigé en grande hâte, en janvier-février 1731, pour répondre à une commande de l’éditeur(« libraire »), qui veut prolonger le succès commercial des Mémoires (t. I et II parus en 1728 ; t. III et IV en 1729). Prévost interrompt pour cela la rédaction de Cleveland, à laquelle il travaille depuis 1730, roman pourtant réclamé par son libraire Neaulme, avec qui il a conclu un contrat en décembre 1730 (Prévost s’y engage à livrer Cleveland le 1er février au plus tard).

En 1731, en effet, connaissant des difficultés financières, Prévost multiplie les publications :

  • Mars 1731 : parution à Londres de la traduction anglaise de Cleveland (avant donc l’édition française : le roman est traduit au fil de la plume par  ;
  • Début avril : sortie groupée des t. V, VI et VII (Histoire du chevalier des Grieux et de Manon) des Mémoires et aventures d’un homme de qualité ;
  • En avril paraît le projet de traduction de l’Histoire de M. de Thou, à laquelle travaille aussi Prévost en parallèle (Jacques Auguste de Thou, histoire célèbre des années 1543 à 1607, inachevée, rédigée en latin et publiée entre 1604 et 1608) ;
  • Juillet : parution des t. I et II de Cleveland ;
  • Octobre : sortie des  t. III et IV de Cleveland.

En 1731, Prévost travaille donc sur quatre projets : Cleveland, les Mémoires et Manon, l’Histoire de M. de Thou.

Cette précipitation peut expliquer un élément important : la 1ère édition de Manon en 1731 est de mauvaise qualité, elle compte un grand nombre de fautes typographiques, textuelles (confusion M. de M.G./G.M.), d’orthographe, de ponctuation et de style.

= « une œuvre conçue peut-être comme un addendum, une pièce fugitive née de l’inspiration de quelques semaines pressées et harcelées »

« rédigeant Manon Lescaut en grande hâte, il risquera de soigner fort peu orthographe, ponctuation et surtout écriture. »

Allan Holland, Manon Lescaut de l’Abbé Prévost, 1731-1759. Etude bibliographique et textuelle, Genève, Slatkine, 1984, p. I et 13.

Sa passion dévorante pour Lenki (« véritable sangsue qui avait épuisé la plupart de ses amants » écrit Ravanne, le secrétaire de Prévost, dans ses Mémoires) démarre au plus tôt fin mars 1731, c’est-à-dire au moins un mois après la remise du manuscrit de Manon (remis au plus tard fin février).

II.Les premières éditions françaises paraissent en 1733

En 1731, la veuve Delaulne, la maison d’édition parisienne ayant obtenu le privilège pour l’ouvrage, ne publie que les t. V et VI des Mémoires et aventures d’un homme de qualité, mais pas le t. VII. (La veuve Delaulne avait publié les quatre premiers tomes en 1728 et 1729.)

(Janvier 1733 : pour échapper à ses créanciers, Prévost se réfugie en Angleterre avec Lenki, avant de rentrer en France en janvier 1734)

Juin 1733 : La 1ère édition du t. VII est réalisée à Rouen en reproduisant l’édition hollandaise de 1731. Puis deux autres éditions sont réalisées successivement à Paris, qui copient l’édition de Rouen (toutes trois sont sans nom d’éditeur, elles reprennent les mentions « A Amsterdam, aux dépens de la Compagnie »). La 3ème (donc la 2ème parisienne) est la première édition autonome de Manon, qui supprime toute mention des Mémoires et aventures d’un homme de qualité, et s’intitule : Les Aventures du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut.

Un mystère : alors que le roman obtient un grand succès en Angleterre, en Allemagne et en Hollande, où il fait l’objet de 4 éditions différentes, dont une traduction en hollandais, entre 1731 et 1732, Manon Lescaut semble rester inconnu en France pendant deux ans, jusqu’à ses éditions de 1733, qui connaissent un succès fulgurant, comme en atteste la censure.

En effet, les deux 1ères éditions françaises de 1733 sont condamnées par la censure. La justice (Jean Rouillé, maître des requêtes[1]) ordonne de saisir les exemplaires, vraisemblablement suite à la parution de la 1ère édition parisienne, qui est celle qui a le plus souffert de la condamnation (très rares exemplaires survivants aujourd’hui : Holland, 1984, p. 41). Les exemplaires saisis seront détruits en juillet 1735.

Selon Holland, 1984, p. 78, la 1ère édition parisienne aurait été réalisée incognito par la veuve Delaulne pour combler la lacune de l’édition officielle des Mémoires de 1731 (cette lacune pose un problème « où l’on devine des manigances d’ordre commercial plutôt qu’une pieuse préoccupation sur le plan moral », Holland, 1984, p. 41). La veuve Delaulne se serait alors attiré les représailles de l’éditeur de la 1ère édition française, qui aurait obtenu la saisie des exemplaires. Selon cette hypothèse, la censure s’expliquerait donc par la concurrence entre libraires.

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